Comment réussir une COP, selon Laurent Fabius, «grand-père» de l'accord de Paris

Le président du Conseil constitutionnel français Laurent Fabius pose dans son bureau lors d'une séance photo à Paris le 19 octobre 2023.  (AFP)
Le président du Conseil constitutionnel français Laurent Fabius pose dans son bureau lors d'une séance photo à Paris le 19 octobre 2023. (AFP)
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Publié le Lundi 30 octobre 2023

Comment réussir une COP, selon Laurent Fabius, «grand-père» de l'accord de Paris

  • Celui qui préside aujourd'hui le Conseil constitutionnel français était à l'époque président de la COP21, organisée par la France en décembre 2015, et ministre des Affaires étrangères
  • Les leçons qu'il tire des deux semaines durant lesquelles l'accord de Paris a été finalisé pourraient aider son successeur de la COP28, organisée par les Emirats arabes unis du 30 novembre au 12 décembre

PARIS: "J'ai fait les derniers arbitrages dans la nuit parce que le texte n'était pas bouclé..." Pour se remémorer les coulisses de ce qui restera incontestablement comme une "grande" COP, celle de Paris, Laurent Fabius a l'anecdote facile.

Celui qui préside aujourd'hui le Conseil constitutionnel français était à l'époque président de la COP21, organisée par la France en décembre 2015, et ministre des Affaires étrangères. Les leçons qu'il tire des deux semaines durant lesquelles l'accord de Paris a été finalisé pourraient aider son successeur de la COP28, organisée par les Emirats arabes unis du 30 novembre au 12 décembre.

"Nous avons fait en sorte que plus de 150 chefs d'États et de gouvernements soient présents, ce qui était la plus grande concentration qu'on ait jamais eue en même temps. Et nous avons demandé à ces chefs d'États et de gouvernements de venir le premier jour, de ne parler pas plus de cinq minutes et en gros de dire: Écoutez, vous, les ministres, vous, les techniciens, vous êtes là, mais le mandat que nous vous donnons, c'est de trouver un accord..."

Huit ans plus tard, ce seront aussi les dirigeants mondiaux qui, sans doute par dizaines, ouvriront la COP de Dubaï.

Dans les mois précédents, comme son successeur Sultan Al Jaber, Laurent Fabius avait sillonné la planète. Mais "au moment où on est entré dans la COP, il y avait 1 600 passages qui étaient entre parenthèses" dans le brouillon d'accord, se souvient-il au cours d'un entretien avec l'AFP dans son bureau surplombant la cour d'honneur du Palais-Royal. Soit 1 600 désaccords à résoudre.

Laurent Fabius dit avoir eu recours à la méthode sud-africaine de l"indaba", qu'il décrit ainsi: "On réunit, y compris la nuit, tous les déterminants du problème et uniquement eux". Des réunions à l'abri de la presse.

C'est dans ces vifs débats nocturnes que l'objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C, par rapport à la période préindustrielle, a gagné du terrain; les pays riches voulaient en rester à 2°C.

"J'ai le souvenir d'un garçon, aujourd'hui décédé, qui était le représentant des îles Marshall et qui a fait une intervention absolument bouleversante", dit Laurent Fabius. Il insiste sur ces moments d'humanité dans ces pourparlers froids entre Etats.

«Pas du Flaubert»

"Ce qui était très important, c'est que la présidence gagne la confiance de tout le monde", poursuit Laurent Fabius.

Un président de COP ne décide de rien sur le fond mais il peut s'affirmer pour négocier le consensus, en téléphonant et proposant des formulations. Dixit Laurent Fabius: il ne doit pas donner le sentiment que les discussions sont pour "amuser la galerie" et qu'il a son propre texte final "dans sa poche".

La France a donc proposé au total deux textes, puis un troisième: "la dernière nuit - ça, c'est le rôle de la présidence - j'ai mis 1,5, avec une formulation qui est +si possible+"... "Et ça a été accepté".

Pour obtenir un consensus, des phrases chocs ne sont pas bienvenues, explique en substance l'ancien diplomate dans une belle litote: "Je reconnais que, y compris à la COP de Paris, grand succès mondial, ce n'est pas du Flaubert".

"Il s'agissait, comme souvent dans les conférences internationales, de trouver une rédaction qui permette une certaine ambiguïté pour que des gens d'opinions diverses puissent s'y retrouver. Ce qui d'ailleurs ensuite pose des problèmes...."

Pas simple cette année de deviner quelle formule sur les énergies fossiles pourra être imaginée...

Les autres priorités, pour Dubaï, sont de fixer des objectifs climatiques rapprochés, à 2030, d'accélérer sur la réduction du méthane, sur l'essor des renouvelables... "J'insiste sur l'urgence, c'est 2030 et non pas l'année 3000", dit le juge constitutionnel, qui viendra à Dubaï.

Cet automne, avec les tensions entre Washington, Moscou et Pékin, ou celles générées par le conflit en cours entre Israël et le Hamas, "le contexte géopolitique est plus compliqué, bien sûr."

Mais "on n'a rien inventé de plus efficace" que les COP, conclut Laurent Fabius, alors il faut bien y aller. "Si on n'a pas les COP, qu'est-ce qu'on a?"


Arnaud Lagardère, héritier déchu d'un empire français

Arnaud Lagardère, PDG du groupe Lagardère (Photo, AFP).
Arnaud Lagardère, PDG du groupe Lagardère (Photo, AFP).
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  • Il s'agit du dernier épisode du long feuilleton qui a vu Arnaud Lagardère, 63 ans, perdre son aura et solder au fil des années le groupe fondé en 1992 par son père Jean-Luc,
  • A travers le géant des médias Vivendi, la famille Bolloré avait ainsi finalisé fin 2023 sa prise de contrôle de la maison Lagardère

PARIS: La chute continue. Arnaud Lagardère, entendu lundi par une juge d'instruction sur des soupçons d'abus de biens sociaux, est l'héritier d'un empire aéronautique et médiatique français dont il a progressivement perdu le contrôle.

Il s'agit du dernier épisode du long feuilleton qui a vu Arnaud Lagardère, 63 ans, perdre son aura et solder au fil des années le groupe fondé en 1992 par son père Jean-Luc, artisan de la fusion entre l'avionneur Matra et l'éditeur Hachette.

A travers le géant des médias Vivendi, la famille Bolloré avait ainsi finalisé fin 2023 sa prise de contrôle de la maison Lagardère, propriétaire notamment d'un réseau profitable de boutiques dans les gares et aéroports (enseignes Relay, magasins Duty Free) et de salles de spectacle célèbres (Casino de Paris, Folies Bergère...), mais aussi de médias comme Europe 1 et le Journal du dimanche.

Le milliardaire Bernard Arnault compte pour sa part lui ravir Paris Match, son groupe LVMH ayant annoncé en février être entré en négociations exclusives pour racheter le magazine people.

Ce découpage a été rendu possible par le changement de statut juridique de l'entreprise, qui est passée en 2021 d'une commandite par action à une société anonyme, faisant perdre à Arnaud Lagardère son contrôle absolu sur elle.

Criblé de dettes, notamment via sa holding personnelle, au coeur d'une enquête ouverte par le parquet national financier, le fils Lagardère n'avait pas vraiment le choix.

Il obtient alors tout de même de rester officiellement à la tête du groupe avec un mandat de 6 ans et devient même en novembre 2023 le PDG de Hachette Livre, sa filiale spécialisée dans l'édition.

«Marguerite»

"Arnaud Lagardère a reçu une marguerite dont il a arraché les pétales année après année", tacle Yves Sabouret, un de ses ex-lieutenants.

Fossoyeur des ambitions de son père, Arnaud Lagardère a pourtant fait toute sa carrière au sein du groupe familial dans lequel il est entré dès 1986, après l'obtention de son diplôme d'économie.

Trois ans plus tard, il est propulsé directeur général, puis part aux États-Unis, à la tête de l'éditeur d'encyclopédie Grolier récemment acquis, pour chercher des relais de croissance dans les médias numériques.

Il gagne outre-Atlantique ses galons de dirigeant, adoptant "la culture managériale américaine aux rapports très directs, parfois brutaux", analyse le journaliste Thierry Gadault, auteur de l'ouvrage "Arnaud Lagardère, l'insolent" (Maren Sell), interrogé par l'AFP.

Lorsque Jean-Luc Lagardère décède brutalement des suites d'une intervention chirurgicale le 14 mars 2003, son fils unique lui succède.

Dilettante 

Souvent ramené à sa condition d'enfant bien né, le nouveau dirigeant rompt avec l'aventure paternelle dans l'aéronautique et la défense, en vendant pour plus de 2 milliards d'euros les parts du groupe dans EADS, la maison mère d'Airbus.

"Arnaud s'est toujours méfié de ce monde-là", du fait de liens troubles entre l'establishment politique et les industries de défense, justifie M. Gadault. Il gère en revanche son groupe "exactement comme le faisait son père" et "considère qu'il n'a pas à s'immiscer dans le quotidien de la gestion des patrons d'activités, en qui il place sa confiance".

D'autres voient dans cet éloignement des affaires quotidiennes le signe d'un patron dilettante et désinvolte, une réputation qui lui colle encore à la peau.

Arnaud Lagardère adopte aussi le style de l'entrepreneur moderne en s'affichant décontracté avec son épouse, la top-modèle Jade Foret de 30 ans sa cadette, sur les réseaux sociaux et dans un film en 2011 pour un magazine belge, où le couple se mettait en scène dans un registre intime, s'attirant au passage quelques critiques.

"On ne m'y reprendra plus", avait dit par la suite au quotidien Les Échos le dirigeant au sourire enjôleur, assurant "vivre avec et pour (son) groupe depuis (sa) plus tendre enfance".

Son aventure personnelle, ce passionné de tennis la voit dans le sport business (droits marketing, représentation d'athlètes, droits TV), une activité pour laquelle il investit plus d'un milliard d'euros.

Las, le chiffre d'affaires ne décolle pas, la crise de 2008 pousse les clubs et fédérations à gérer eux-mêmes leurs droits et la résiliation prématurée d'un contrat d'agence avec la Confédération africaine de football sonne le glas de cette diversification.

Le groupe se désengage également des médias (une participation dans Canal+, les magazines Elle ou Marie Claire, des sites comme Doctissimo, des studios de production).

"Arnaud Lagardère a réussi à se fâcher avec tout le monde. Tant mieux s'il se révèle en tant que PDG, mais il ne sera pas là jusqu'en 2026", avait prédit l'un de ses actionnaires.


Étudiants/Gaza: LFI souhaite que le mouvement «prenne de l'ampleur»

Des manifestants font des signes de paix lors d'un sit-in près de l'entrée d'un bâtiment de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) occupé par des étudiants, à Paris, le 26 avril 2024 (Photo, AFP).
Des manifestants font des signes de paix lors d'un sit-in près de l'entrée d'un bâtiment de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) occupé par des étudiants, à Paris, le 26 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Le coordinateur du parti de gauche radicale a apporté en particulier son soutien aux mobilisations récentes dans les universités
  • Des élus et candidats LFI participent à ces rassemblements, à l'image de Mme Hassan présente vendredi à Sciences Po

PARIS: Le leader de La France insoumise, Manuel Bompard, a souhaité lundi que les mobilisations pour Gaza "prennent de l'ampleur" dans les universités et ailleurs, tandis que sa candidate aux européennes Rima Hassan a dit "assumer totalement" son appel au "soulèvement".

"Je souhaite que prennent de l'ampleur toutes les mobilisations qui vont permettre de faire pression sur le pouvoir en place", afin que le "drame humain qui se joue à Gaza s'arrête le plus rapidement possible", a déclaré M. Bompard sur Public Sénat.

Le coordinateur du parti de gauche radicale a apporté en particulier son soutien aux mobilisations récentes dans les universités, affirmant que "les étudiants ne sont pas manipulés ni instrumentalisés".

Des élus et candidats LFI participent cependant à ces rassemblements, à l'image de Mme Hassan présente vendredi à Sciences Po, où elle a appelé au "soulèvement". Un terme qu'elle "assume totalement", a-t-elle confirmé sur France 2, renvoyant à "la définition du Larousse" d'un "mouvement collectif et massif".

"Je sais précisément à quoi je fais référence", a insisté la militante franco-palestinienne, qui a elle aussi appelé "à une mobilisation pas que dans les facs (mais) dans toute la France".

«Apologie du terrorisme»

Convoquée par la police mardi pour "apologie du terrorisme", Mme Hassan a déploré "une criminalisation des voix qui s'expriment sur la question palestinienne", tout en reconnaissant que "les enquêteurs font simplement leur travail" après les "recours abusifs" d'organisations pro-israéliennes.

Moins nuancé, M. Bompard a dénoncé "une volonté de faire taire" de la part "du pouvoir politique en place", à travers "la décision d'un procureur (qui) n'est pas une autorité indépendante".

Il s'en est également pris à la ministre de l'Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, qui a annoncé une plainte contre le fondateur de LFI, Jean-Luc Mélenchon, pour des propos comparant un président d'université au criminel de guerre nazi Adolf Eichmann.

"Elle ferait mieux de s'occuper de l'état de nos universités, plutôt que d'amuser la galerie en déposant des plaintes ridicules (et) loufoques", a réagi M. Bompard, estimant qu'"il n'y a aucune injure publique" dans les déclarations de son mentor.

M. Mélenchon a lui aussi contre-attaqué sur le réseau social X, accusant la ministre d'une "diversion sans objet pour faire parler (d'elle) et faire oublier le crime que nous combattons: le génocide des Palestiniens".


Chrétiens d'Orient: l'Assemblée française vote à son tour sur le «génocide» des Assyro-Chaldéens

La "proposition de résolution", portée par le président du groupe Renaissance (majorité présidentielle) Sylvain Maillard, répond à une demande récurrente de cette communauté  (Photo, AFP).
La "proposition de résolution", portée par le président du groupe Renaissance (majorité présidentielle) Sylvain Maillard, répond à une demande récurrente de cette communauté (Photo, AFP).
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  • Un vote dans le même sens à l'Assemblée nationale lundi n'aurait pas de valeur contraignante pour l'exécutif
  • «Le massacre des Assyriens souffre d'un manque de reconnaissance en tant que génocide»

PARIS: L'Assemblée nationale française doit se prononcer lundi sur un texte appelant le gouvernement à reconnaître comme un génocide les "massacres" infligés en 1915-1918 par les autorités ottomanes aux Assyro-Chaldéens, une communauté chrétienne originaire de Mésopotamie.

La "proposition de résolution", portée par le président du groupe Renaissance (majorité présidentielle) Sylvain Maillard, répond à une demande récurrente de cette communauté en faveur d'une reconnaissance comme celle du génocide arménien.

Co-signée par des députés d'opposition, principalement issus des rangs des Républicains (LR, droite), elle fait écho à un texte similaire, largement adopté en février 2023 par le Sénat français.

Un vote dans le même sens à l'Assemblée nationale lundi n'aurait pas de valeur contraignante pour l'exécutif. Ce dernier, bien que réticent face à cette initiative parlementaire, ne devrait pas appeler à voter contre, selon une source gouvernementale.

Massacre

Si le génocide arménien "est reconnu par de nombreux pays et organisations internationales, considéré comme l'un des quatre génocides officiellement acceptés par l'ONU, et est commémoré chaque 24 avril par la France, le massacre des Assyriens souffre d'un manque de reconnaissance en tant que génocide", pose l'exposé des motifs de la résolution.

Or, "entre 1915 et 1918, la population assyrienne du nord de la Mésopotamie (régions du sud‑est de l'actuelle Turquie et région du nord‑ouest de l'Iran) a été massacrée et déplacée de force par les troupes ottomanes et kurdes", est-il écrit dans le texte qui évoque aussi sa "conversion forcée à ̀l'islam" organisée par "le régime ottoman".

La résolution "invite" donc le gouvernement "à reconnaître officiellement comme ayant un caractère génocidaire, l'extermination de masse, la déportation et la suppression de l'héritage culturel de plus de 250.000 Assyro‑Chaldéens" et à "condamner" ce "génocide".