La perception d’Israël face à la guerre à Gaza

L'opération militaire israélienne à Gaza a été condamnée par l'opinion publique, les membres du Conseil de sécurité de l'ONU ayant récemment exigé un cessez-le-feu immédiat (Photo, AP).
L'opération militaire israélienne à Gaza a été condamnée par l'opinion publique, les membres du Conseil de sécurité de l'ONU ayant récemment exigé un cessez-le-feu immédiat (Photo, AP).
Des soldats israéliens à côté d'un char lors d'une opération militaire dans le nord de la bande de Gaza, le 19 décembre 2023 (Photo, AFP).
Des soldats israéliens à côté d'un char lors d'une opération militaire dans le nord de la bande de Gaza, le 19 décembre 2023 (Photo, AFP).
De la fumée s'élève après un bombardement israélien dans la bande de Gaza, vue depuis le sud d'Israël, le 16 décembre 2023 (Photo, AP).
De la fumée s'élève après un bombardement israélien dans la bande de Gaza, vue depuis le sud d'Israël, le 16 décembre 2023 (Photo, AP).
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Publié le Vendredi 22 décembre 2023

La perception d’Israël face à la guerre à Gaza

  • Avec des otages toujours en captivité et des commandants du Hamas en liberté, certains pensent que les forces de défense israéliennes (FDI) n'ont pas atteint leurs objectifs
  • Le soutien mondial aux actions d'Israël n'a cessé de s'amenuiser, même les États-Unis, pays allié, ont exprimé leur inquiétude quant aux dommages causés aux civils

LONDRES: Cela fait maintenant dix semaines que les forces de défense israéliennes (FDI) ont lancé leurs premiers raids contre Gaza à la suite de l'attaque du Hamas contre le sud d'Israël le 7 octobre.

«Nous frappons nos ennemis avec une puissance sans précédent», a déclaré le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, lors d'une allocution télévisée le vendredi 13 octobre.

Le vent a pourtant rapidement tourné pour les FDI tant vantées et leur opération «Épées de fer».

Des Palestiniens récupèrent des biens dans le bâtiment familial Al-Gatshan détruit après une frappe israélienne dans le camp de réfugiés de Nuseirat, au centre de la bande de Gaza, le 18 décembre 2023 (Photo, AP/Adel Hana).

Le monde, qui jusqu'alors n'avait éprouvé que de la sympathie pour Israël après le massacre de ses civils lors de l'attaque menée par le Hamas, a soudain été confronté à un autre récit, tout aussi inquiétant.

Les écrans de télévision étaient remplis d'images d'enfants palestiniens blessés et en pleurs, et de scènes de destruction à travers la bande de Gaza.

Depuis lors, le soutien mondial aux actions d'Israël à Gaza n'a cessé de s'amenuiser, même les États-Unis, son plus grand allié, s'inquiétant de plus en plus du coût pour les civils de l'usage disproportionné de la force.

Et, alors même que les FDI ont redoublé la férocité de leur réponse, elles ne parviennent pas à atteindre un grand nombre de leurs objectifs déclarés.

Très peu de commandants du Hamas ont été capturés ou tués, et seuls quelques-uns des otages pris par le groupe le 7 octobre ont été libérés, et ce uniquement grâce aux efforts de médiation du Qatar et de l'Égypte.

De la fumée s'élève après un bombardement israélien dans la bande de Gaza, vue depuis le sud d'Israël, le 16 décembre 2023 (Photo, AP).

Pire encore, Israël semble avoir perdu de vue le principe de justice proportionnelle et réciproque, inscrit dans la Bible hébraïque sous le nom d’«œil pour œil».

Les derniers chiffres montrent que le 7 octobre, le Hamas a tué au total 1 139 personnes, dont 695 civils israéliens, parmi lesquels 36 enfants, 373 membres des forces de sécurité et 71 étrangers.

Selon les derniers chiffres publiés par le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, plus de 20 000 Palestiniens ont été tués, dont environ 70% de femmes et d'enfants.

L'ONU signale que de nombreuses autres personnes «sont portées disparues, probablement ensevelies sous les décombres».

En effet, les critiques affirment que la guerre à Gaza a révélé que les «épées de fer» étaient moins un outil de précision qu'un instrument contondant manié sans discernement.

Cette impression a été renforcée le 15 décembre lorsque des soldats des FDI, nerveux, ont abattu trois otages israéliens qui s'étaient approchés d'eux en appelant à l'aide en hébreu et en agitant un tissu blanc.

Le 19 décembre, Asa Kasher, philosophe israélien et principal auteur du code d'éthique des FDI, s'est exprimé sur ces assassinats. «Vous n'avez même pas besoin de tuer un terroriste s'il vient vers vous les mains levées», a-t-il déclaré aux journalistes.

Le professeur Asa Kasher (au centre), la professeure Shikma Bressler (à gauche) et le général Uri Sagi assistent à une réunion à Haïfa, le 24 octobre 2023, pour parler du leadership en temps de guerre, dans le contexte de la guerre d'Israël contre Gaza (Photo, Shutterstock).

«Un combattant de Tsahal (FDI) doit savoir qu'il est un soldat d'Israël et que cela fait de lui un défenseur du caractère sacré de la vie humaine», a-t-il insisté.

Mais interrogé sur les pertes civiles à Gaza, Kasher a expliqué à Arab News: «Israël n'est pas en train de perdre sa position morale. Le monde ne comprend pas bien comment une force militaire agit sur la base de considérations de proportionnalité. Il est possible de causer des dommages collatéraux sans violer aucune loi ou coutume.»

Pourtant, ce qui semble être le mépris des FDI pour le caractère sacré de la vie humaine à Gaza s'avère gênant pour de nombreux alliés occidentaux d'Israël.

Au début, l'administration Biden a soutenu Israël sans réserve. Mais même lors d'une visite à Tel Aviv le 19 octobre, peu après l'attaque du Hamas, Biden a adressé une mise en garde au gouvernement israélien.

Le président américain, Joe Biden (à gauche), rencontre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, à Tel Aviv le 18 octobre 2023, dans le cadre des combats entre Israël et le groupe palestinien Hamas (Photo, AFP).

La «rage» d'Israël est compréhensible. «Mais je vous mets en garde: Si vous ressentez cette rage, ne vous laissez pas consumer par elle. Après le 11 septembre, nous étions enragés aux États-Unis. Et si nous avons demandé justice et que nous l’avons obtenue, nous avons aussi commis des erreurs», a-t-il averti.

Depuis, le gouvernement américain a intensifié ses critiques. Dans un discours prononcé le 18 novembre, Biden a déclaré que «nous soutenons fermement le peuple israélien», mais qu'il était «bouleversé par les images en provenance de Gaza et par la mort de plusieurs milliers de civils, notamment des enfants. Chaque vie palestinienne innocente perdue est une tragédie».

Alors que l'attention du monde se concentre sur les événements de Gaza, les États-Unis ont condamné le 5 décembre les activités des colons israéliens en Cisjordanie où, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, plus de 300 attaques contre des Palestiniens, dont au moins huit meurtres, ont été recensées depuis le 7 octobre.

«Nous avons souligné auprès du gouvernement israélien la nécessité de faire davantage pour que les colons extrémistes qui ont commis des attaques violentes contre des Palestiniens en Cisjordanie répondent de leurs actes», a prévenu Antony Blinken, secrétaire d'État américain, alors que Washington a imposé des interdictions de voyager sans précédent à l'encontre des colons extrémistes.

Cinq jours plus tard, le 12 décembre, Biden a formulé sa critique publique la plus virulente à ce jour.

Des militants juifs pro-palestiniens se rassemblent à la gare centrale de New York pour participer à une grève mondiale pour Gaza, le 18 décembre 2023 (Photo, Getty Images/AFP).

Après le 7 octobre, a-t-il dit, Israël avait le soutien des États-Unis et de la plupart des pays du monde, mais «ils commencent à (le) perdre à cause des bombardements aveugles qui ont lieu».

Le président américain a également attaqué directement le cabinet israélien. Netanyahou «doit changer ce gouvernement», a-t-il suggéré. «Ce gouvernement israélien rend les choses très difficiles.»

Il n'est même pas certain qu'Israël soit en train de gagner la guerre. Un sondage réalisé à Gaza et en Cisjordanie entre le 22 novembre et le 2 décembre a révélé que le soutien au Hamas était en hausse.

Le sondage, réalisé par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les enquêtes, révèle également que 90% des personnes interrogées souhaitent la démission du président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, soutenu par l'Occident, ce qui aurait pour effet de saper la politique de division et de conquête de Netanyahou, qui vise à empêcher la mise en place d'une solution à deux États.

Le président palestinien, Mahmoud Abbas (au centre), tient la main du Premier ministre belge, Alexander De Croo (à droite), et du Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, lors de leur rencontre dans la ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, le 23 novembre 2023 (Photo, POOL/AFP).

Qu'il soit ou non en train de gagner la guerre, aux yeux du monde, Israël est très certainement en train de perdre sa position morale.

Le 6 décembre, l'inquiétude de la communauté internationale face à la catastrophe humanitaire qui se déroule à Gaza a conduit Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies, à invoquer l'article 99 de la Charte des Nations unies pour la première fois en six ans de mandat, afin de demander au Conseil de sécurité de «contribuer à éviter une catastrophe humanitaire et d'appeler à la déclaration d'un cessez-le-feu humanitaire».

Les 15 membres du Conseil devaient voter le 18 décembre sur une résolution, rédigée par les Émirats arabes unis, appelant à une «suspension urgente des hostilités» et exprimant une «profonde inquiétude face à la situation humanitaire désastreuse qui se détériore rapidement» à Gaza, et à son «grave impact» sur les civils.

Le vote a été reporté à plusieurs reprises dans le cadre de négociations visant à tenir compte des préoccupations de Washington, ce qui constitue en soi une avancée, car auparavant, les États-Unis auraient opposé leur veto à une telle résolution.

L'ambassadeur adjoint américain à l'ONU, Robert Wood (2e à droite), lève la main lors d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies après le vote sur un cessez-le-feu à Gaza, au siège de l'ONU à New York, le 8 décembre 2023 (Photo, AFP).

Alors que le débat aux Nations unies se poursuit, l'ampleur de la désapprobation mondiale devient de plus en plus évidente.

Ce mardi, Vassily Nebenzia, représentant permanent de la Russie auprès des Nations unies, a plaidé en faveur des «victimes des actions israéliennes aveugles», soulignant qu'Israël avait largué quelque 29 000 bombes sur Gaza, soit un nombre similaire à celui des bombes larguées sur l'Irak par les États-Unis et le Royaume-Uni au cours de toute l'année 2003.

Pour Mohammed Issa Abou Chahab, représentant permanent des Émirats arabes unis auprès de l'ONU, le fait que 2023 ait déjà été l'année la plus meurtrière de l'histoire du conflit israélo-palestinien «devrait être un signal d'alarme pour dire que le statu quo actuel ne peut plus durer, et cela commence par la situation actuelle à Gaza».

D'autres pays, dont la Chine, la France, le Brésil et le Royaume-Uni, ont exprimé des sentiments similaires.

Toutefois, les hauts responsables politiques et militaires israéliens continuent de rejeter vigoureusement les critiques concernant les tactiques des FDI à Gaza.

«Les FDI sont très performantes à Gaza», a déclaré à Arab News le colonel (réserviste) Gabi Siboni, de l'Institut de Jérusalem pour la stratégie et la sécurité.

Des soldats israéliens sont vus lors d'une opération terrestre dans le nord de la bande de Gaza, le 15 décembre 2023 (Photo, AFP).

Contrairement aux critiques internationales, il a affirmé que «les FDI mènent des opérations dans le strict respect des normes du droit international – je le sais de première main.

«L'armée israélienne doit combattre dans une situation où la population civile est prise en otage par le Hamas, mais elle fait de son mieux, même dans cette situation extrême, pour minimiser les dommages collatéraux à Gaza», a-t-il ajouté.

Siboni, colonel de réserve des FDI, qui a participé à toutes les guerres d'Israël depuis le milieu des années 70 et qui est aujourd'hui consultant auprès des FDI, a également qualifié de propagande les affirmations relatives au nombre de victimes palestiniennes.

«Ces chiffres n'ont rien à voir avec la réalité», a-t-il déclaré. «Ce sont des chiffres du Hamas. Le ministère de la Santé de Gaza est une entité du Hamas, je ne sais donc pas pourquoi les gens prennent la peine de les citer.»

Il fait cependant une sombre prédiction.

«Personne ne doit s'imaginer qu'il y aura une situation où nous mettrons un drapeau au sommet d'une colline et dirons: “D'accord, nous avons gagné, et maintenant Gaza sera en paix et en sécurité.” Cela n'arrivera certainement pas.

«La réalité est que nous allons nous battre à Gaza pendant des années, jusqu'à ce que nous éliminions la présence du Hamas et que nous nous assurions que ce qui s'est passé le 7 octobre ne se reproduira pas», a-t-il prévenu.

Cette prédiction s'inscrit dans le droit fil de l'avertissement lancé par Netanyahou le 13 octobre, à savoir que «ce n'est que le début».

Mais la réponse disproportionnée d'Israël à l'attaque du Hamas du 7 octobre pourrait bien s'avérer être le début de la fin pour le gouvernement du dirigeant israélien qui jouissait autrefois d'une réputation de «Monsieur Sécurité».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Gaza: la Défense civile fait état de 25 morts, un cessez-le-feu débattu en Israël

Les premiers secours de la bande de Gaza ont rapporté jeudi matin la mort de 25 personnes dans des opérations militaires israéliennes en pleines discussions de part et d'autre pour un cessez-le-feu qui divise le gouvernement en Israël. (AFP)
Les premiers secours de la bande de Gaza ont rapporté jeudi matin la mort de 25 personnes dans des opérations militaires israéliennes en pleines discussions de part et d'autre pour un cessez-le-feu qui divise le gouvernement en Israël. (AFP)
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  • Un responsable de la Défense civile gazaouie, Mohammad al-Moughayyir, a indiqué à l'AFP qu'une frappe aérienne nocturne sur l'école Moustafa Hafez de Gaza-ville, qui abrite des déplacés, avait fait 12 morts
  • Des images de l'AFP sur place montrent de jeunes enfants errant dans le bâtiment carbonisé après le bombardement, au milieu d'un amas de débris

GAZA: Les premiers secours de la bande de Gaza ont rapporté jeudi matin la mort de 25 personnes dans des opérations militaires israéliennes en pleines discussions de part et d'autre pour un cessez-le-feu qui divise le gouvernement en Israël.

L'armée israélienne a récemment étendu son offensive dans le petit territoire côtier palestinien, où la guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste Hamas sur le sol israélien, le 7 octobre 2023, a poussé une large majorité des habitants à se déplacer.

Beaucoup d'entre eux ont trouvé refuge dans des bâtiments scolaires, mais ceux-ci sont parfois attaqués par les forces israéliennes, qui affirment cibler des combattants du Hamas se cachant parmi les civils.

Un responsable de la Défense civile gazaouie, Mohammad al-Moughayyir, a indiqué à l'AFP qu'une frappe aérienne nocturne sur l'école Moustafa Hafez de Gaza-ville, qui abrite des déplacés, avait fait 12 morts, parmi lesquels "une majorité d'enfants et de femmes".

Des images de l'AFP sur place montrent de jeunes enfants errant dans le bâtiment carbonisé après le bombardement, au milieu d'un amas de débris.

Contactée par l'AFP, l'armée israélienne a répondu qu'elle examinait cette information, ainsi qu'un autre incident, dans le centre de Gaza, où selon les secouristes, six Palestiniens en quête d'aide humanitaire ont été tués par des tirs israéliens.

La GHF en question 

Le mécanisme de distribution de l'aide humanitaire est sujet à controverse depuis fin mai et sa prise en main par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une organisation soutenue par les Etats-Unis et Israël.

Les Nations unies ont accusé les militaires israéliens d'avoir "bombardé et tiré sur des Palestiniens essayant d'atteindre les points de distribution, causant de nombreux décès".

L'armée israélienne a reconnu avoir ouvert le feu à proximité de sites de distribution d'aide, mais affirme avoir répondu à une "menace".

"Nous ne fermerons pas. Nous avons une tâche à accomplir. C'est très simple: fournir tous les jours de la nourriture gratuite aux habitants de Gaza. C'est tout", s'est défendu mercredi le président de la GHF, Johnnie Moore.

Compte tenu des restrictions imposées aux médias par Israël, qui assiège la bande de Gaza, et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les affirmations de la Défense civile.

"Nos enfants en souffriront" 

En coulisses, la classe politique israélienne continue de se diviser entre partisans d'une trêve de 60 jours -- pendant laquelle seraient libérés la moitié des otages encore vivants retenus à Gaza, en échange de prisonniers palestiniens -- et ceux d'une poursuite des combats tant que le Hamas n'est pas anéanti.

"Si nous ne parvenons pas à faire disparaître le Hamas, nos enfants en souffriront!", a estimé dans un entretien à la chaîne 14 le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir.

Il compte, avec un autre ministre d'extrême droite, Bezalel Smotrich, faire pression sur le Premier ministre, Benjamin Netanyhu, pour qu'il repousse les propositions américaines pour un cessez-le-feu à Gaza.

M. Netanyahu doit se rendre la semaine prochaine à Washington pour une troisième rencontre en moins de six mois avec le président américain, Donald Trump, qui presse pour un arrêt rapide des hostilités.

L'attaque du 7 octobre 2023 a entraîné du côté israélien la mort de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 49 sont toujours otages à Gaza, dont 27 ont été déclarées mortes par l'armée israélienne.

Plus de 57.000 Palestiniens, majoritairement des civils, ont été tués dans la campagne de représailles militaires israéliennes, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza, jugées fiables par l'ONU.

 


L'eau dessalée au secours de l'agriculture dans le sud du Maroc

A l'échelle nationale, le Maroc dispose de 16 stations de dessalement d'une capacité totale de 270 millions de m3 par an et entend atteindre 1,7 milliard de m3 par an d'ici 2030. (AFP)
A l'échelle nationale, le Maroc dispose de 16 stations de dessalement d'une capacité totale de 270 millions de m3 par an et entend atteindre 1,7 milliard de m3 par an d'ici 2030. (AFP)
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  • Depuis 2022, la station de dessalement fournit l'équivalent de 125.000 m3 d'eau par jour pour l'irrigation de 12.000 hectares de primeurs
  • Mais aussi 150.000 m3 par jour pour l'eau potable destinée à 1,6 million d'habitants de la ville et ses environs, indique à l'AFP Ayoub Ramdi, responsable au sein de l'Office régional de mise en valeur agricole

AGADIR: Elle est coûteuse et critiquée pour son impact environnemental. Mais sans l'eau dessalée, "on ne serait plus là", dit la responsable d'un géant de la production de tomates cerises dans le sud du Maroc.

Abir Lemseffer, directrice générale adjointe du groupe Azura, fait référence à la grave sécheresse liée au changement climatique, que traverse le pays depuis 2018.

Dans la plaine de Chtouka, à une soixantaine de kilomètres d'Agadir, les 800 hectares d'exploitation de ce groupe franco-marocain sont irrigués à 100% par de l'eau dessalée.

Depuis 2022, la station de dessalement fournit l'équivalent de 125.000 m3 d'eau par jour pour l'irrigation de 12.000 hectares de primeurs. Mais aussi 150.000 m3 par jour pour l'eau potable destinée à 1,6 million d'habitants de la ville et ses environs, indique à l'AFP Ayoub Ramdi, responsable au sein de l'Office régional de mise en valeur agricole.

La station compte atteindre 400.000 m3 par jour, dont la moitié destinée à l'irrigation, à fin 2026.

Sans cette eau, affirme l'agronome Rqia Bourziza, "un scénario catastrophique se profilait au Maroc".

L'agriculture, qui représente environ 12% du PIB du pays, a été gravement affectée par un stress hydrique aigu, du fait de six années consécutives de sécheresse.

"Eau chère" 

A l'échelle nationale, le Maroc dispose de 16 stations de dessalement d'une capacité totale de 270 millions de m3 par an et entend atteindre 1,7 milliard de m3 par an d'ici 2030.

Si 1.500 agriculteurs irriguent avec l'eau dessalée dans la région du Souss-Massa qui englobe Agadir, d'autres n'y ont pas souscrit en raison de son coût.

C'est le cas de Hassan qui cultive, sur un demi-hectare, de la courgette et du poivron irrigués par l'eau d'un puits partagé par 60 agriculteurs.

"Je ne peux pas me permettre d'utiliser cette eau car elle est chère", explique cet homme qui n'a pas souhaité donner son nom.

L'eau dessalée est vendue à 0,48 euro le m3 (cinq dirhams hors taxe) contre en moyenne 0,096 euro par m3 (un dirham) pour des eaux conventionnelles.

A la sortie de l'usine, cette eau coûte en fait encore plus cher: 1,05 euro par m3 (onze dirhams). Mais les contributions publiques de 40% à ce projet font baisser le tarif.

Pour l'agronome Ali Hatimy, "le coût de l'eau dessalée réduit considérablement le nombre des cultures pouvant être irriguées, car elle n'est amortie que par des cultures à très haute valeur ajoutée".

Ce que confirme Mme Bourziza: l'irrigation à l'eau dessalée est une "très bonne alternative", mais "lorsqu'elle est utilisée dans des cultures à haute valeur comme les tomates ou l'arboriculture".

Au-delà du coût, "la production de l'eau dessalée demande énormément d'énergie électrique et les rejets de saumure ont un impact sur les écosystèmes marins", note Ali Hatimy.

M. Ramdi de l'Office de mise en valeur agricole assure qu'"aucun impact" n'a été constaté autour de la ville côtière d'Agadir, et que des diffuseurs sont utilisés "dans les conduits de rejet pour diluer la saumure".

L'eau des nappes "insuffisante" 

Les enjeux dans la région du Souss-Massa, qui totalise 85% des exportations marocaines de produits maraîchers, sont de taille.

Les cultures maraîchères y occupent 29.000 hectares, pour une production de près de deux millions de tonnes par an et près de 940 millions d'euros de chiffre d'affaires, selon le ministère de l'Agriculture.

La station de dessalement a ainsi permis d'éviter une perte de plus de 860 millions d'euros en valeur ajoutée en plus de préserver plus d'un million d'emplois par an, selon M. Ramdi.

"Le dessalement a sauvé l'agriculture dans Chtouka", dit avec enthousiasme Mohamed Boumarg en arpentant une de ses serres de tomates, produit phare de la région.

"Avant, je ne cultivais que cinq hectares car j'étais conditionné par la quantité d'eau que j'avais. L'eau de nappe n'était pas suffisante", raconte cet agriculteur de 38 ans qui exploite désormais une vingtaine d'hectares dont 60% de la production est destinée à l'export.

"Il en va de notre survie", souligne Mme Lemseffer: "Soit on accepte de sacrifier une partie de la marge en utilisant de l'eau dessalée, soit on met la clef sous la porte".

 


Gaza: «Nous ne nous arrêterons pas», affirme le chef du programme d'aide soutenu par Israël

L'ONU et les principales organisations d'aide ont refusé de travailler avec la GHF, affirmant qu'elle servait les objectifs militaires israéliens et violait les principes humanitaires de base. (AFP)
L'ONU et les principales organisations d'aide ont refusé de travailler avec la GHF, affirmant qu'elle servait les objectifs militaires israéliens et violait les principes humanitaires de base. (AFP)
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  • "Nous ne fermerons pas. Nous avons une tâche à accomplir. C'est très simple, fournir tous les jours de la nourriture gratuite aux habitants de Gaza. C'est tout", a lancé devant la presse à Bruxelles le président de la GHF, Johnnie Moore
  • Il a en outre assuré que son organisation restait déterminée à poursuivre son travail dans la bande de Gaza si un cessez-le-feu était conclu

BRUXELLES: La Fondation humanitaire de Gaza (GHF), soutenue par les Etats-Unis et Israël mais remise en cause par l'ONU et des dizaines d'ONG internationales poursuivra son aide à la bande de Gaza, a affirmé mercredi son chef, démentant que des Palestiniens aient été tués sur ses sites.

"Nous ne fermerons pas. Nous avons une tâche à accomplir. C'est très simple, fournir tous les jours de la nourriture gratuite aux habitants de Gaza. C'est tout", a lancé devant la presse à Bruxelles le président de la GHF, Johnnie Moore, un évangélique chrétien allié au président Donald Trump.

Il a en outre assuré que son organisation restait déterminée à poursuivre son travail dans la bande de Gaza si un cessez-le-feu était conclu. "Sauf si nous y sommes contraints d'une manière ou d'une autre, nous n'avons absolument aucune intention d'abandonner ces personnes", a-t-il martelé.

Selon M. Moore, la GHF, une organisation caritative privée qui a officiellement son siège aux Etats-Unis et dont les financements sont opaques, a livré plus d'un million de boîtes de produits alimentaires depuis le début de ses opérations, le 26 mai, dans la bande de Gaza. Et ce après qu'Israël a interrompu les flux d'aide alimentaire dans ce territoire palestinien pendant plus de deux mois, en dépit des avertissements de risque de famine.

Controverses 

La mise en place de cette aide a donné lieu à des scènes chaotiques, l'armée israélienne ayant fait feu à plusieurs reprises pour tenter de contenir des centaines de Palestiniens désespérés.

L'ONU et les principales organisations d'aide ont refusé de travailler avec la GHF, affirmant qu'elle servait les objectifs militaires israéliens et violait les principes humanitaires de base.

Le bureau des droits de l'homme des Nations unies a déclaré la semaine dernière que, depuis le début des opérations de la GHF, les militaires israéliens avaient "bombardé et tiré sur des Palestiniens essayant d'atteindre les points de distribution, causant de nombreux décès".

Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a pour sa part déclaré vendredi que 500 personnes avaient été tuées "sur des sites de distribution de nourriture militarisés non liés à l'ONU" au cours des deux semaines précédentes.

"Chaque jour, les équipes de MSF voient des patients tués ou blessés en essayant d'obtenir de la nourriture sur l'un de ces sites", a quant à elle déploré, également le 27 juin, l'ONG Médecins sans frontières.

Mais M. Moore a nié que des Palestiniens aient été tués dans ou à proximité des quatre sites de distribution de la GHF.

"Nous n'avons eu aucun incident violent sur nos sites de distribution", ni "à proximité immédiate", a-t-il assuré.

Fermeture en Suisse 

Johnnie Moore a également affirmé que l'annonce mercredi des autorités suisses concernant la fermeture pour des raisons administratives de la branche genevoise de son groupe n'aurait "absolument aucun impact sur l'avenir des opérations de la GHF".

L'Autorité suisse fédérale de surveillance (ASF) des fondations a publié dans la feuille officielle suisse du commerce "un appel aux créanciers suite à la liquidation de la fondation enregistrée à Genève" et "pourra ordonner la dissolution de la fondation si aucun créancier ne s'annonce dans le délai légal de 30 jours", a expliqué le Département fédéral de l'Intérieur à l'AFP.

De son côté, "la GHF a confirmé (...) qu'elle n'avait jamais exercé d'activités en Suisse en tant que fondation et qu'elle entendait dissoudre la fondation enregistrée à Genève", selon l'Autorité.

"Etant donné qu'elle ne respectait pas certaines obligations légales", l'ASF avait exigé de GHF qu'elle clarifie la situation d'ici à fin juin.

L'ASF avait constaté plusieurs manquements: "La fondation ne disposait pas d'un membre du conseil de fondation habilité à signer et domicilié en Suisse; elle n'avait pas le nombre minimum de trois membres au sein du conseil de fondation prévu par ses statuts; elle n'avait pas de compte en Suisse; elle ne disposait pas d'adresse valable en Suisse; elle ne disposait pas d'organe de révision."

Israël, dont l'offensive a débuté au lendemain d'une attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023, a imposé début mars à la bande de Gaza un blocus humanitaire.

Ce dernier a entraîné de très graves pénuries de nourriture, médicaments et autres biens de première nécessité et n'a été que partiellement assoupli lorsque la GHF a commencé ses distributions dans des centres.

Le 1er juillet, près de 170 ONG internationales ont appelé à mettre fin à ce nouveau système de distribution d'aide et réclamé un retour au mécanisme qui prévalait jusqu'en mars, quand la distribution d'aide était coordonnée par diverses ONG et agences de l'ONU.