Retraites: une réforme adoptée au forceps malgré une mobilisation massive

La diffusion du mouvement sur toute la France, avec des cortèges dans des villes petites ou moyennes peu habituées à se mobiliser, surprend. (AFP)
La diffusion du mouvement sur toute la France, avec des cortèges dans des villes petites ou moyennes peu habituées à se mobiliser, surprend. (AFP)
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Publié le Vendredi 29 décembre 2023

Retraites: une réforme adoptée au forceps malgré une mobilisation massive

  • «Ce qui nous a manqué dans cette mobilisation, c'est la capacité à étendre les grèves», disait en juin la secrétaire générale de la CGT
  • Un autre craint, les conséquences politiques à plus long terme: «le pouvoir à cet “attentat” constitutionnel et démocratique, le 49.3: ndlr. C'est inquiétant parce que ça a ouvert une brèche dans laquelle, après Macron, beaucoup pourraient s'engouffrer»

PARIS: Des mois de bataille, un front syndical uni et un exécutif fragilisé: la réforme des retraites adoptée au forceps et promulguée le 15 avril, a marqué l'année 2023. Mais le sujet est loin d'être clos, avec en embuscade l'épineuse question de l'emploi des seniors.

Dès la présentation du projet visant à repousser l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, le 10 janvier, les syndicats annoncent une journée d'action contre cette réforme qu'ils qualifient de "brutale", fruit d'un engagement de campagne d'Emmanuel Macron après l'échec d'une première tentative.

Entamé le 19 janvier, le mouvement de mobilisation -jugé "historique" par les participants- est scandé par 14 journées à l'appel des huit principaux syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU). Plusieurs ont réuni plus d'un million de participants selon les autorités.

La diffusion du mouvement sur toute la France, avec des cortèges dans des villes petites ou moyennes peu habituées à se mobiliser, surprend.

Un manifestant ayant participé à toutes les journées d'action à Paris aura parcouru quelque 60 kilomètres, selon les calculs de l'AFP.

Dans le même temps, le texte est examiné au Parlement dans une atmosphère survoltée, avec un ministre du Travail Olivier Dussopt qui s'égosille, furieux: "Personne n'a craqué!".

In fine, l'exécutif choisit un passage en force le 16 mars avec une adoption sans vote à l'Assemblée à coup de 49.3. Le 14 avril, le Conseil constitutionnel valide l'essentiel de la réforme, promulguée le lendemain.

Dimanche, Olivier Dussopt a estimé que cette réforme "était nécessaire". "Et elle reste nécessaire, pour la cohésion sociale, pour la solidarité. Si nous n'avions pas fait cette réforme, nous allions droit dans le mur", a-t-il dit dans Questions politiques (France inter/Le Monde/France Télévisions).

«Symphonie inachevée»

"La stratégie de la manifestation est moins payante que la grève", constate huit mois plus tard le politologue Dominique Andolfatto, spécialiste du syndicalisme. Le gouvernement est resté "droit dans ses bottes".

"Ce qui nous a manqué dans cette mobilisation, c'est la capacité à étendre les grèves", disait en juin la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. Les grèves sont en effet restées cantonnées à certains secteurs, malgré un appel à mettre "la France à l'arrêt" le 7 mars.

Les déplacements de l'exécutif ont continué à être perturbés par des "casserolades" au printemps. Mais peu après une dernière journée d'action, le 6 juin, les syndicats reconnaissent avoir échoué.

"On pouvait faire mieux (...), faire preuve d’un peu plus d’imagination", regrette aujourd'hui un responsable de LFI.

Les syndicats voient néanmoins des raisons de se réjouir d’autres résultats "conquis": ils ont ramené vers eux une frange de salariés éloignés des organisations, appris à mieux travailler ensemble et "gagné la bataille de l’opinion".

Mais "c'est une symphonie inachevée", et il n’est pas certain que ce soit "si bénéfique que cela pour les syndicats", estime Dominique Andolfatto.

Les seniors 

François Hommeril (CFE-CGC) craint, lui, les conséquences politiques à plus long terme: "D’une certaine façon, avoir contraint le pouvoir à cet +attentat+ constitutionnel et démocratique (le 49.3: ndlr), c'est un peu inquiétant parce que ça a ouvert une brèche dans laquelle, après Macron, beaucoup pourraient s'engouffrer".

Quant à la voie d'un référendum d'initiative partagée (RIP), encore espérée côté syndical, elle est "assez illusoire", juge M. Andolfatto: "On ne peut pas réchauffer quelque chose qui n’a pas fonctionné l’année précédente".

Conséquence directe de la réforme qui s'applique progressivement depuis septembre: les seniors (comme les autres) vont devoir travailler deux ans de plus, au risque, si les employeurs ne les gardent pas, de compromettre l'objectif d'un taux de chômage à 5% en 2027 fixé par Emmanuel Macron.

Aussi l'exécutif a-t-il exigé des partenaires sociaux de tenir compte de la réforme, notamment avec le relèvement de l'âge à partir duquel les seniors bénéficient de durées d'indemnisation plus longues.

"Un des objectifs de la réforme des retraites" est que "les seniors restent en emploi", soulignait récemment la Première ministre Elisabeth Borne, disant compter "sur les partenaires sociaux pour trouver des solutions nouvelles et ambitieuses" lors des négociations qui doivent s'achever en mars.

Mais même si toutes les conditions sont remplies, la question des déficits n'est pas soldée selon le Conseil d'orientation des retraites (COR), car malgré la réforme, après 2024, le déficit fluctuerait jusqu'en 2030 entre 5 et 8 milliards par an. Avec le risque de devoir remettre l'ouvrage sur le métier...

 


La "loi spéciale" au Parlement, rendez-vous en janvier pour reparler budget

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu et le ministre français de l'Économie et des Finances Roland Lescure quittent l'Élysée après la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu et le ministre français de l'Économie et des Finances Roland Lescure quittent l'Élysée après la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
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  • Faute d’accord sur le budget de l’État, le Parlement vote une loi spéciale pour reconduire provisoirement le budget 2025 et assurer le fonctionnement de l’État
  • Les débats budgétaires reprendront en janvier, sur fond de déficit élevé, de tensions politiques et de discussions autour d’un possible recours au 49.3

PARIS: Le Parlement pose une rustine sur ses désaccords budgétaires. L'Assemblée nationale et le Sénat devraient voter tour à tour mardi la "loi spéciale" présentée par le gouvernement pour continuer de financer provisoirement l'État et les administrations.

Les votes des deux assemblées ponctuent deux mois et demi de débats budgétaires qui se soldent par un échec partiel pour le Premier ministre Sébastien Lecornu.

Le dialogue privilégié engagé par le Premier ministre avec le Parti socialiste a permis l'adoption du budget de la Sécurité sociale pour 2026, au prix de concessions sur les retraites et le financement de la Sécurité sociale.

Mais les profondes divergences entre l'Assemblée nationale et le Sénat, tenu par des partis de droite et du centre hostiles à tout prélèvement supplémentaire, ont empêché l'approbation du second texte budgétaire, celui sur le financement de l'État.

Les parlementaires se retrouveront donc en début d'année pour de nouvelles joutes sur ce texte, alors que la France est confrontée à un endettement croissant et que les discussions budgétaires n'ont pas permis de dessiner une trajectoire de réduction des déficits.

"Nous devrons au plus vite, en janvier, donner un budget à la nation" qui "devra tenir l'objectif de 5% de déficit et financer nos priorités", a déclaré Emmanuel Macron lundi soir lors du Conseil des ministres, selon la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

"L'Élysée commence à s'impatienter", glissait lundi un cadre du camp gouvernemental.

Rentré d'Abou Dhabi où il était allé célébrer Noël avec les troupes françaises, Emmanuel Macron a présidé lundi soir un Conseil des ministres de crise pour la présentation de la loi spéciale.

- Pas de dépense nouvelle -

Le texte reconduit temporairement le budget de 2025, il permet de lever l'impôt et de payer les fonctionnaires. Mais il ne comprend pas de dépenses nouvelles, y compris sur la défense, érigée en priorité face à la menace russe.

Ce projet de loi spéciale devrait être voté mardi en toute fin d'après-midi par l'Assemblée nationale, puis dans la soirée par le Sénat. A l'unanimité ou presque. Avant d'être promulgué dans les jours suivants par le chef de l'État.

Déjà l'an dernier, l'exécutif avait dû y avoir recours après la chute du gouvernement de Michel Barnier, renversé par une motion de censure sur le budget de la Sécurité sociale. Les deux textes budgétaires 2025 avaient finalement été approuvés au mois de février, quelques semaines après l'arrivée de François Bayrou à Matignon.

Anticipant la reprise des débats en janvier, Sébastien Lecornu a reçu dimanche et lundi les forces politiques, à l'exception de la France insoumise et du Rassemblement national. Un ballet devenu habituel de responsables politiques exprimant leurs exigences et lignes rouges rue de Varenne, à l'issue de ces entretiens.

Le premier secrétaire du PS Olivier Faure a appelé à un budget qui ne fasse pas "peser les efforts sur les plus modestes" et préserve les investissements en matière d'écologie.

Quant à la cheffe des députés écologistes Cyrielle Châtelain, elle s'est inquiétée d'une copie budgétaire trop calquée sur les positions du Sénat. En cas de 49.3, les Ecologistes choisiront "la censure", a-t-elle prévenu.

Car on reparle de plus en plus de cet outil constitutionnel permettant de faire adopter un texte sans vote, sauf motion de censure.

Écarté par le Premier ministre à la demande des socialistes, qui le jugent brutal, il est évoqué avec insistance par des responsables de droite et du bloc central qui lui demandent de revenir sur son engagement.

Il faudrait alors pour le gouvernement trouver avec les socialistes des conditions de non-censure. Pour espérer enfin tourner la page du débat budgétaire.

Mais pour l'heure, Sébastien Lecornu s'y refuse, jugeant le projet de budget "encore votable sans intervention du gouvernement", selon Mme Bregeon.


France: Conseil des ministres spécial pour tenter de sortir de l'impasse budgétaire

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu (au centre) s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu (au centre) s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
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  • Emmanuel Macron convoque un conseil des ministres extraordinaire pour présenter une loi spéciale afin d’assurer le financement de l’État face à l’impasse budgétaire
  • Les discussions sur un budget 2026 reprendront rapidement : le gouvernement vise une adoption d’ici fin janvier, dans un contexte de fortes divergences

PARIS: Le président français Emmanuel Macron préside lundi un conseil des ministres extraordinaire qui devrait conduire à l'adoption rapide par le Parlement d'une loi spéciale, destinée à financer l'Etat et ses administrations malgré l'impasse budgétaire.

Le Premier ministre Sébastien Lecornu doit poursuivre dans la journée de lundi ses consultations des différentes formations politiques "pour trouver les conditions d'une solution".

Une commission de sénateurs et députés a échoué vendredi à trouver un accord sur le projet de loi de finances pour l'année à venir.

A l'issue de ces discussions, un conseil des ministres de crise destiné à présenter le projet de loi spéciale est prévu en fin de journée, au retour du président Emmanuel Macron d'Abou Dhabi, où le chef d'État a annoncé devant des militaires français le coup d'envoi de la construction du futur porte-avions destiné à remplacer le Charles De Gaulle.

Dans la foulée, les commissions des Finances de l'Assemblée nationale et du Sénat auditionneront lundi soir et mardi le ministre de l'Économie Roland Lescure et la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, sur ce projet de loi. L'objectif est que ce texte spécial puisse être voté mardi par les deux chambres.

Mais il faudra dès la rentrée reprendre les discussions pour tenter de trouver un budget 2026, car la loi spéciale "c'est un service minimum", a martelé Amélie de Montchalin.

La ministre a indiqué dimanche soir sur la chaîne BFMTV que l'objectif est d'adopter une véritable loi de finance 2026 avant "la fin janvier", y compris avec "quelques hausses d'impôts", une des demandes notamment du Parti socialiste - partenaire privilégié de Sébastien Lecornu lors de l'examen du budget de la Sécurité sociale, et à qui il a concédé notamment la suspension de la réforme des retraites.

Reste qu'après deux mois de discussions qui n'ont pas permis d'aboutir, le doute subsiste sur la capacité du Premier ministre à obtenir ce compromis, entre une droite sénatoriale attachée aux économies et aux baisses d'impôts et une Assemblée où la gauche réclame plus de recettes et moins de coupes budgétaires.


Macron donne le coup d'envoi du futur porte-avions lors du Noël avec les troupes

Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron s'adresse aux troupes françaises lors d'une cérémonie à la base du 5e régiment de cuirassiers à Zayed Military City, près d'Abou Dhabi, le 21 décembre 2025. (AFP)
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  • Plus grand et plus puissant, ce bâtiment symbolise l’ambition stratégique et industrielle de la France, malgré les contraintes budgétaires et les débats sur l’évolution des menaces

ABOU DHABI: Emmanuel Macron a donné dimanche le coup d'envoi de la construction du futur porte-avions français destiné à remplacer le Charles De Gaulle et qui doit entrer en service en 2038.

"Ce nouveau porte-avions sera l'illustration de la puissance de notre nation, puissance de l'industrie, de la technique, puissance au service de la liberté sur les mers et dans les remous du temps", a-t-il assuré.

L'annonce du lancement officiel de la construction était très attendue malgré l'impasse budgétaire dans laquelle se trouve le gouvernement, alors que le mur d'investissements nécessaires et l'évolution des menaces mettent le projet sous pression.

"Conformément aux deux dernières lois de programmation militaire, et après un examen complet et minutieux, j'ai décidé de doter la France d'un nouveau porte-avions", a annoncé le chef de l'Etat français lors du Noël avec les troupes à Abou Dhabi.

"La décision de lancer en réalisation ce très grand programme a été prise cette semaine", a-t-il ajouté.

Lui aussi à propulsion nucléaire, le nouveau porte-avions sera beaucoup plus massif que l'actuel. Il fera près de 80.000 tonnes pour environ 310 mètres de long, contre 42.000 tonnes pour 261 mètres pour le Charles De Gaulle. Avec un équipage de 2.000 marins, il pourra embarquer 30 avions de combat.

Le risque d'un "choc dans trois, quatre ans" face à la Russie évoqué par les armées fait craindre que les budgets ne filent vers des priorités plus pressantes.

De récents propos du chef d'état-major des armées, le général Fabien Mandon, jugeant qu'on "ne peut pas se contenter de reproduire un outil qui a été conçu à la moitié du siècle dernier", semblent mettre aussi en question le concept du porte-avions.

Le général a notamment souligné le "besoin de permanence à la mer" du bâtiment et sa capacité d'emport de "drones de tous types".

Un seul bâtiment, en l'occurence le Charles De Gaulle, est disponible 65% du temps, selon la Marine. Un décalage de la construction et donc de l'entrée en service de son successeur laisserait la Marine sans porte-avions.

Une étude menée à l'occasion du prochain arrêt technique majeur du Charles De Gaulle permettra de dire en 2029 si le bâtiment peut être prolongé de quelques années au-delà de 2038, en fonction de l'état de ses chaufferies nucléaires et de sa structure.

Le président français Emmanuel Macron a fait cette annonce lors d'une visite aux Emirats arabes unis, allié militaire avec lequel Paris souhaite renforcer son "partenariat stratégique" et dont il espère plus de coopération dans sa lutte contre le narcotrafic.