2023, nouvelle année sombre pour des élus ciblés par des violences

Des policiers municipaux se tiennent devant la maison endommagée du maire de l'Hay-les-Roses Vincent Jeanbrun, à l'Hay-les-Roses, en banlieue parisienne, le 2 juillet 2023, après que des émeutiers aient foncé avec un véhicule sur le bâtiment, blessant l'épouse du maire et l'un de ses enfants pendant la nuit (Photo, AFP).
Des policiers municipaux se tiennent devant la maison endommagée du maire de l'Hay-les-Roses Vincent Jeanbrun, à l'Hay-les-Roses, en banlieue parisienne, le 2 juillet 2023, après que des émeutiers aient foncé avec un véhicule sur le bâtiment, blessant l'épouse du maire et l'un de ses enfants pendant la nuit (Photo, AFP).
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Publié le Samedi 30 décembre 2023

2023, nouvelle année sombre pour des élus ciblés par des violences

  • Entre Noël et le Jour de l'an, c'est un maire du Jura qui a été visé par une dizaine de tags sur les murs de sa petite commune
  • Certains élus craignent encore des représailles, d'autres sont découragés par les délais de procédure

PARIS: Saint-Brevin, L'Haÿ-les-Roses, Saint-Denis, Montjoi... En 2023, les élus locaux ont une nouvelle fois constitué des cibles, un phénomène en hausse qui témoigne selon les Maires de France d'une violence désinhibée au coeur de la société.

Entre Noël et le Jour de l'an, c'est un maire du Jura qui a été visé par une dizaine de tags sur les murs de sa petite commune. Quelques jours plus tôt, celui du Péage-de-Roussillon (Isère) a été violemment agressé, en famille, par des "nationalistes" alors qu'il arborait sa cocarde d'élu tricolore.

De nombreux faits similaires ont marqué 2023, avec en points d'orgue l'incendie criminel en mars au domicile du maire de Saint-Brevin (Loire-Atlantique), Yannick Morez, et l'attaque à la voiture-bélier visant celui de l'édile de L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), lors des émeutes début juillet.

Selon le ministère de l'Intérieur, les faits de violences envers les élus ont augmenté de 32% en 2022 (2.265 plaintes et signalements) et 2023 devrait battre des records avec une hausse de 15%.

Mais au-delà des agressions "spectaculaires", qui restent rares, il y a avant tout celles du "quotidien", explique à l'AFP David Lisnard, président de l'Association des maires de France (AMF) et maire LR de Cannes. "Par exemple, lorsqu'on dit à quelqu'un de ramasser ses déchets par terre, de ne pas se garer sur un passage piéton ou faire des rodéos urbains...".

«Consommateurs capricieux»

D'après une enquête du Cevipof en novembre, à laquelle 8.000 maires ont participé, 69% déclarent avoir déjà été victimes d'incivilités (+16 points par rapport à 2020), 39% d'injures et d'insultes (+10), et 27% d'attaques sur les réseaux sociaux (+7).

Au regard de ces violences croissantes, qui dessinent une "remise en cause profonde du rapport à l'autorité", David Lisnard dénonce l'"individualisme" d'une société où se "délite le sentiment d'appartenance à la Nation".

"Certains habitants ne se comportent plus comme des citoyens mais comme des consommateurs capricieux de l'espace public", aux attentes pas toujours à la hauteur des marges d'action des élus, constate-t-il.

"Cela s'inscrit dans un phénomène plus profond, celui d'une montée générale de la violence en France", déplore M. Lisnard.

Pour Martial Foucault, politologue et directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), une explication est à chercher dans la nature même de l'espace politique français, extrêmement "polarisé" et traversé de débats électriques susceptibles de "désinhiber l'acte de violence".

Les élus sont désormais plus accessibles et identifiables, remarque-t-il, car davantage présents sur le terrain depuis la crise des "gilets jaunes", mais aussi sur les réseaux sociaux où ils peuvent être "vulnérables".

Ainsi au printemps, le maire de Montjoi (Tarn-et-Garonne) a été placé sous protection policière, menacé de mort après avoir été la cible d'une vidéo d'un Youtubeur d'extrême-droite.

Accompagnement psychologique 

Il y a certes une libération de la parole, mais les chiffres officiels demeurent "en dessous de la réalité", souligne Martial Foucault. Certains élus craignent encore des représailles, d'autres sont découragés par les délais de procédure.

"Même si, depuis les émeutes, le garde des Sceaux a demandé d'instruire en accéléré les cas de violences envers les élus, beaucoup sont aujourd'hui encore en attente d'une réponse du procureur après un dépôt de plainte", regrette-t-il.

Pour mieux les protéger, le gouvernement a lancé en mai un "pack sécurité", avec un nouveau réseau de référents dédiés dans les gendarmeries. En juillet, il lançait aussi un plan de cinq millions d'euros, comprenant entre autres une protection fonctionnelle automatique et un accompagnement psychologique des élus.

La loi de programmation de la justice adoptée par le Parlement en octobre prévoit elle un alignement des peines sur celles encourues pour violences contre des agents en uniforme.

"On ne veut pas de sanctions théoriques", prévient David Lisnard. "Seule l'effectivité des poursuites pourra avoir un effet structurant de prévention."

Selon le Cevipof, les démissions de maires ont augmenté de 30% depuis 2020, principalement en raison de la réalité complexe et chronophage de leur mission, associée à une trop forte exigence des citoyens.

Martial Foucault ne voit cependant pas venir de crise des vocations avant les élections municipales de 2026.


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
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  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
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  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
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  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.