Comment mettre fin à la guerre destructrice au Soudan en 2024

Des habitants des États de Khartoum et d'Al-Jazira, déplacés par le conflit au Soudan, font la queue pour recevoir l'aide d'une organisation caritative le 30 décembre (Photo, AFP).
Des habitants des États de Khartoum et d'Al-Jazira, déplacés par le conflit au Soudan, font la queue pour recevoir l'aide d'une organisation caritative le 30 décembre (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Lundi 01 janvier 2024

Comment mettre fin à la guerre destructrice au Soudan en 2024

Comment mettre fin à la guerre destructrice au Soudan en 2024
  • Des centaines de milliers de personnes se trouvent face à un douloureux dilemme: soit abandonner leur maison soit choisir de rester, au risque d’être blessées, voire tuées
  • Les efforts de l’Arabie saoudite pour résoudre le conflit représentent actuellement l’une des voies les plus prometteuses pour la désescalade et potentiellement la fin de la guerre au Soudan

Cela fait près de neuf mois que des affrontements ont éclaté au Soudan entre les forces armées soudanaises et le puissant groupe paramilitaire, Forces de soutien rapide, et il n’y a toujours aucun signe d’un règlement qui pourrait mettre un terme à cette guerre dévastatrice. Malgré les tentatives de cessez-le-feu, la lutte pour le pouvoir persiste. Cela a malheureusement exacerbé la crise humanitaire dans le pays.

À la suite d’intenses affrontements dans diverses régions du Soudan, des centaines de milliers de personnes se trouvent face à un douloureux dilemme: soit abandonner leur maison soit choisir de rester, au risque d’être blessées, voire tuées. Plus de 7 millions de personnes ont été déplacées en raison du conflit en cours au Soudan. Environ 1,5 million d’entre elles ont trouvé refuge dans les pays voisins. Près de 9 000 personnes ont été tuées pendant la guerre.

Les enfants sont exposés à un risque particulièrement élevé, puisque le Soudan faitactuellement face à l’un des plus grands déplacements d’enfants au monde. Le conflit s’est récemment étendu à l’État d’Al-Jazira, affectant ses 5,9 millions d’habitants, dont environ la moitié sont des enfants. L’Unicef a souligné, en décembre, que l’escalade des combats dans l’État «aurait forcé au moins 150 000 enfants à quitter leur foyer en moins d’une semaine». L’agence des Nations unies ajoute: «L’éruption des combats à Al-Jazira signifie que plus de la moitié des États du Soudan – 10 sur 18 – connaissent un conflit actif.»

Le Soudan est également devenu le foyer des combattants mercenaires en provenance de diverses régions. Les pays en proie à un conflit intérieur attirent souvent les individus qui cherchent à participer ou à soutenir des activités déstabilisatrices pour de nombreuses raisons, notamment des incitations financières et des facteurs ethniques ou idéologiques.

Les frontières du Soudan avec d’autres pays peuvent également permettre l’accès à certaines personnes qui cherchent à participer au conflit ou à l’influencer. Une mauvaise gouvernance ou des difficultés dans l’application des lois et des mesures de contrôle des frontières peuvent permettre aux combattants d’entrer facilement au Soudan et de rejoindre des groupes armés sans entrave majeure.

Il convient de noter que le Soudan a un historique de guerres civiles et de conflits internes. Il a été démontré que les conflits antérieurs et la présence de groupes armés créent un environnement propice, que les combattants d’autres pays voient comme une occasion pours’impliquer. En outre, la position géopolitique du Soudan pourrait en faire un emplacement stratégique pour les combattants.

Enfin, nous ne devons pas sous-estimer la crise des réfugiés résultant de la guerre en cours. Cette crise a déjà une incidence considérable sur la dynamique sociale, politique et économique de divers pays, en particulier ceux qui sont voisins du Soudan, comme la Libye, l’Égypte, le Tchad, la République centrafricaine, le Soudan du Sud, l’Éthiopie et l’Érythrée.

 

«Mettre fin à la guerre nécessite un effort concerté et la mise en œuvre de mesures exhaustives.»

Si la communauté internationale ne s’attaque pas sérieusement au conflit et ne parvient pas rapidement à un règlement, la situation humanitaire et la crise des réfugiés risquent de s’aggraver. 

Mettre fin à la guerre au Soudan nécessite un effort concerté et la mise en œuvre de mesures exhaustives afin d’ouvrir la voie à une paix et une stabilité durables pour le peuple soudanais.

Tout d’abord, il est essentiel de se concentrer sur la crise humanitaire. La communauté internationale doit mobiliser l’aide humanitaire nécessaire pour répondre aux besoins immédiats de la population touchée. Cela comprend la fourniture de nourriture, d’abris, de médicaments, de soins de santé et d’éducation aux personnes déplacées.

Cela implique également la mise en place d’un cessez-le-feu crédible comme nécessité immédiate. Toutes les factions belligérantes doivent s’engager à cesser les hostilités. Des mesures de confiance devraient ensuite être appliquées pour créer une atmosphère propice aux négociations. Des forces internationales de maintien de la paix pourraient être déployées pour surveiller et faire respecter le cessez-le-feu, fournissant ainsi une garantie au processus de paix.

Deuxièmement, il est important que la communauté internationale s’engage davantage, car la participation mondiale est primordiale pour résoudre un conflit aussi complexe. La communauté internationale, y compris les pays voisins et les organisations régionales telles que l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad) – un bloc commercial de huit membres composé de pays d’Afrique de l’Est – ainsi que les puissances mondiales devraient participer activement aux efforts diplomatiques et favoriser une médiation efficace.

La coopération entre l’ONU, l’Union africaine et l’Igad peut jouer un rôle crucial dans la médiation des pourparlers de paix. Il est important de souligner qu’un règlement réussidemande la participation de toutes les parties et la mise en place d’un cadre pour un processus politique approfondi et inclusif. L’omission de toute partie ayant un intérêt direct dans le conflit soudanais, qu’il s’agisse d’un acteur étatique ou non, pourrait en fin de compte compromettre le succès de tout accord négocié. Une paix durable nécessite que les griefs politiques qui sous-tendent le conflit soient résolus.

La reprise des pourparlers de paix en Arabie saoudite peut constituer une voie viable pour mettre fin à la guerre. Les efforts du Royaume pour résoudre le conflit représentent actuellement l’une des voies les plus prometteuses pour la désescalade et potentiellement la fin de la guerre au Soudan. La déclaration de Djeddah de mai, qui s’engage à protéger les civils soudanais, est fermement ancrée dans le droit international humanitaire. Elle donne la priorité à une distinction claire entre civils et combattants, garantit le transit sécurisé des civils, protège le personnel médical, facilite l’acheminement de l’aide humanitaire à la population et empêche l’enrôlement d’enfants comme soldats dans la guerre.

Le conflit en cours au Soudan a causé d’immenses souffrances à la population du pays, déplaçant des millions de personnes et laissant place à une crise humanitaire. Mettre fin à cette guerre nécessite une plus grande implication de la communauté internationale et des organisations régionales, l’engagement de toutes les parties dans des négociations visant à favoriser une paix durable et la mobilisation de l’aide humanitaire pour répondre aux besoins immédiats de la population touchée.

• Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain diplômé de Harvard.

X: @Dr_Rafizadeh

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com