Le siège de Gaza, un «tueur silencieux» selon Philippe Lazzarini

Le commissaire général de l'Unrwa, Philippe Lazzarini, rencontre des Palestiniens dans un centre de réfugiés de la bande de Gaza la semaine dernière (Photo, X : @UNLazzarini).
Le commissaire général de l'Unrwa, Philippe Lazzarini, rencontre des Palestiniens dans un centre de réfugiés de la bande de Gaza la semaine dernière (Photo, X : @UNLazzarini).
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Publié le Vendredi 19 janvier 2024

Le siège de Gaza, un «tueur silencieux» selon Philippe Lazzarini

  • Philippe Lazzarini, de l'Unrwa appelle à un cessez-le-feu immédiat et déclare que cette guerre ne peut pas avoir de vainqueur, mais seulement engendrer «le désespoir et le chaos»
  • Lors de sa quatrième visite dans le territoire, il a déclaré que la population de Gaza «s'est enfoncée davantage dans le désespoir, la lutte pour la survie consommant chaque heure»

NEW YORK: Le Commissaire général de l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (Unrwa) a appelé jeudi à un cessez-le-feu humanitaire urgent à Gaza, afin de soulager la population et d'ouvrir la voie à une augmentation indispensable de l'approvisionnement en produits de première nécessité, notamment la réouverture des canaux commerciaux.

«Toute autre solution ne fera que prolonger la misère de toute une population», a indiqué le Commissaire général de l'organisation, Philippe Lazzarini.

S'exprimant lors d'une visite à Gaza, sa quatrième depuis le début de la guerre en octobre, il a déclaré que la guerre durait depuis «bien trop longtemps» et a averti qu'il ne pouvait y avoir de vainqueur dans ce conflit, qui ne fait que provoquer «un chaos sans fin et un désespoir croissant».

Au cours des cent derniers jours, les habitants de Gaza sont passés «du choc pur et simple de la perte de tout, dans certains cas de tous les membres de leur famille, à une lutte débilitante pour rester en vie et protéger leurs proches», a-t-il indiqué.

«Chaque fois que je me rends à Gaza, je constate que les gens se sont enfoncés un peu plus dans le désespoir, la lutte pour la survie absorbant chaque heure.»

Lazzarini a déclaré que dans le sud de la bande de Gaza, près de Rafah, à proximité de la frontière avec l'Égypte, des abris de fortune faits de bâches en plastique ont poussé partout, même dans les rues, car les personnes déplacées essayent de se protéger du froid et de la pluie. Plus de 20 personnes peuvent s'entasser dans ces fragiles abris, a-t-il ajouté.

La population de Rafah a presque quadruplé au cours des deux derniers mois et dépasse désormais 1,2 million d'habitants, a déclaré Lazzarini. Les embouteillages sont si intenses que les véhicules sont à peine capables de se frayer un chemin à travers la foule, a-t-il précisé.

«Chaque personne que j'ai rencontrée avait une histoire personnelle de peur, de mort, de perte, de traumatisme à partager», a-t-il révélé. «À Deir el-Balah, dans les zones intermédiaires, j'ai visité l'une de nos écoles, qui a été transformée en refuge. La surpopulation était claustrophobique et la saleté frappante.

«J'ai entendu des histoires de femmes qui se privaient de nourriture et d'eau pour éviter d'avoir à utiliser des toilettes insalubres. Les maladies de la peau et les poux sont monnaie courante, et les personnes touchées sont stigmatisées. Les gens se battent pour obtenir de la nourriture et des médicaments pendant la journée, et se retrouvent froids et humides pendant la nuit», a décrit Lazzarini.

«Ils souhaitent retrouver leur vie d'avant la guerre, mais se rendent compte, avec une profonde anxiété, qu'il est peu probable que cela se produise de sitôt», a-t-il alerté.

Conditions de vie

Compte tenu des restrictions imposées par le conflit à l'entrée des marchandises dans la bande de Gaza, le coût des produits de première nécessité a été multiplié par dix, qu'il s'agisse des fruits et légumes, qui sont à peine disponibles, du lait pour bébé ou même d'une couverture d'occasion, a expliqué Lazzarini. Les services d'assainissement et de santé sont également gravement compromis.

«Des montagnes d'ordures non ramassées remplissent maintenant les rues», a-t-il indiqué. «Les malades chroniques n'ont pas suffisamment de médicaments et doivent apprendre à vivre avec des alternatives ou à s'en passer, de l'insuline de base pour le diabète aux comprimés quotidiens pour l'hypertension artérielle. Les gens ne sont pas en mesure de se laver et de rester propres.

«Les coupures longues et répétées des télécommunications, surtout de l'internet et des téléphones mobiles, ajoutent à la détresse des habitants qui se sentent coupés du reste du monde. Le siège est le tueur silencieux de nombreuses personnes.»

Lazzarini a déploré le fait que les informations fiables sur les conditions de vie dans le nord de la bande de Gaza restent rares, car l'accès à cette zone est toujours très restreint. Il s'est vu refuser l'autorisation de se rendre dans la région et a déclaré que les camions d'aide de l'Unrwa subissaient souvent des retards importants aux points de contrôle.

«De nombreuses personnes désespérées s'approchent maintenant de nos camions pour obtenir de la nourriture directement, sans attendre la distribution», a-t-il affirmé. «Lorsque les autorités israéliennes donnent le feu vert à nos convois, les camions sont presque vides.»

«Notre personnel est également touché. Malgré cela, ils travaillent sans relâche pour soutenir les personnes qui les entourent. Je ne suis pas en mesure de leur garantir qu'ils seront en sécurité, sans parler de leurs familles ou des installations de l'ONU», a-t-il soutenu.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.