«Les journalistes payent un lourd tribut à Gaza», déplore le cameraman Hamdan al-Dahdouh

Hamdan al-Dahdouh n’est autre que le neveu du célèbre journaliste Wael al-Dahdouh. (Photo fournie)
Hamdan al-Dahdouh n’est autre que le neveu du célèbre journaliste Wael al-Dahdouh. (Photo fournie)
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Publié le Mercredi 21 février 2024

«Les journalistes payent un lourd tribut à Gaza», déplore le cameraman Hamdan al-Dahdouh

  • «Depuis le 7 octobre, nous payons un lourd tribut pour couvrir le quotidien dans l’enclave», déclare le journaliste
  • «Notre travail consiste à documenter la guerre, à faire savoir au monde ce qui se passe et cette vocation, nous l’avons dans le sang»

PARIS: Il a 34 ans et porte un nom de famille devenu le symbole à la fois de la résistance et de la souffrance du peuple gazaoui. Hamdan al-Dahdouh n’est autre que le neveu du célèbre journaliste Wael al-Dahdouh. Ce dernier, alors qu’il était en direct, a appris la mort de sa famille, décimée par un bombardement israélien.

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Hamdan al-Dahdouh n’est autre que le neveu du célèbre journaliste Wael al-Dahdouh. (Photo fournie)

À l’occasion d’un entretien exclusif à Arab News en français, le jeune journaliste, cameraman depuis 2010 pour la chaîne d’information Al Jazeera, s’est confié sur les épouvantables conditions de vie dans la bande de Gaza et le danger permanent qui guette les journalistes. «Chaque jour est “une question de vie ou de mort”. Et, depuis le 7 octobre, nous payons un lourd tribut pour couvrir le quotidien dans l’enclave», déclare-t-il. 

«Que nous soyons correspondants palestiniens ou étrangers, notre quotidien de journaliste est celui des 2,4 millions de Gazaouis soumis aux assauts incessants et au blocus de l'armée israélienne, souffrant du manque de tout: vêtements, nourriture, carburant…», raconte-t-il.

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Le jeune journaliste, cameraman depuis 2010 pour la chaîne d’information Al Jazeera, s’est confié sur les épouvantables conditions de vie dans la bande de Gaza et le danger permanent qui guette les journalistes. (Photo fournie)

Comme ses compatriotes, il a dû fuir et s'est résigné à abandonner sa maison et son bureau, tous deux situés à Gaza. Aujourd’hui, les journalistes sont tous regroupés dans des tentes au milieu d’une zone, au centre de Rafah, où il n’y a que des journalistes. 

«C’est une zone où il n’y a pas de réfugiés et les Israéliens savent que nous sommes tous des journalistes ici. Si jamais ils bombardent cette zone, cela sera délibéré, au vu de tous», souligne Hamdan. «Et cela ne sera pas la première fois qu’ils attaquent délibérément des journalistes. Ils l’ont fait dernièrement lorsqu’ils ont tué mon cousin, Hamza al-Dahdouh, dont j’étais très proche.»

L'ONG Comité pour la protection des journalistes (CPJ) évalue à au moins 72, au 15 janvier, le nombre de professionnels des médias palestiniens – journalistes, photographes, cameramen, techniciens, chauffeurs – tués dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre, le 7 octobre. Par ailleurs, depuis longtemps, Reporters sans frontières (RSF) dénonce le fait que les journalistes sont pris pour cible par l’armée israélienne, visés par des tirs de balles en caoutchouc, des tirs de gaz lacrymogènes ou par des agressions physiques. 

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Le jeune journaliste, cameraman depuis 2010 pour la chaîne d’information Al Jazeera, s’est confié sur les épouvantables conditions de vie dans la bande de Gaza et le danger permanent qui guette les journalistes. (Photo fournie)

Le journaliste a quatre enfants, âgés de 7 à 13 ans, et il ne les a pas vus depuis plus d’un mois.

 

Aujourd’hui, les bâtiments des médias ne sont pas en sécurité. «Plus de 60 bâtiments abritant des rédactions à Gaza ont été ciblés et bombardés. Il y a une réelle volonté de la part des autorités israéliennes d’étouffer les médias», affirme Hamdan al-Dahdouh.

Le jeune journaliste est né et a grandi à Gaza. Après des études de journalisme, il a travaillé pour plusieurs médias palestiniens avant de joindre le bureau d’Al Jazeera à Gaza. «J’ai couvert plusieurs guerres, mais j’ai aussi eu la chance de pouvoir couvrir des événements à l’étranger comme la Coupe du monde au Qatar», confie-t-il.

Depuis le 7 octobre, la situation est différente. «Nous sommes à la fois en mode de couverture permanente avec à peine deux à trois heures de sommeil par jour et en mode de survie, parce que nous ne savons pas à quel moment nous serons les prochaines victimes de la liste», poursuit le cameraman. «Il n’y a pas de mots pour décrire la situation que l’on traverse et personne ne fait rien pour arrêter le carnage. Honte à cet “Occident” qui se présente comme défenseur des droits humains ou de la démocratie, mais qui ne fait rien pour nous sauver», lance-t-il.

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Le jeune journaliste, cameraman depuis 2010 pour la chaîne d’information Al Jazeera, s’est confié sur les épouvantables conditions de vie dans la bande de Gaza et le danger permanent qui guette les journalistes. (Photo fournie)

«Deuil, manque de sommeil, manque de produits alimentaires, absence d'équipements de protection… Sans compter l’absence d’électricité pour recharger téléphones, caméras, ordinateurs, ces outils essentiels pour accomplir notre travail de journaliste. Les conditions que nous traversons sont extrêmement difficiles. Les dernières semaines, nous avons à peine pu manger», déplore Hamdan, qui avoue être «à bout».

Et il y a la solitude. Le journaliste a quatre enfants, âgés de 7 à 13 ans, et il ne les a pas vus depuis plus d’un mois. «D’une part, ils sont dans l’obligation de se déplacer sans cesse d’une région à l’autre pour fuir les bombardements; d’autre part, je suis retenu par mon travail, puisque je suis en couverture permanente.» Ils sont actuellement réfugiés à Rafah. Hamdan a désespérément tenté de les évacuer hors de la bande de Gaza, sans succès.

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Le jeune journaliste, cameraman depuis 2010 pour la chaîne d’information Al Jazeera, s’est confié sur les épouvantables conditions de vie dans la bande de Gaza et le danger permanent qui guette les journalistes. (Photo fournie)

«Nous sommes enfermés sans aucune possibilité de sortie, puisque nous sommes soumis au bon vouloir des Israéliens si nous voulons partir. Ma plus grande peur n'a jamais été d'exercer mon métier, mais de perdre mes proches. Notre travail consiste à documenter la guerre, à faire savoir au monde ce qui se passe et cette vocation, nous l’avons dans le sang.» Malgré tous les dangers qui le menacent, le journaliste est bien décidé à accomplir sa mission «jusqu’au bout».

 


Tunisie: la famille d'un opposant en grève de la faim dénonce des «violences» en prison

L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture". (AFP)
L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture". (AFP)
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  • M. Ben Mbarek, chef de la principale coalition d'opposition FSN (Front de salut national) emprisonné depuis février 2023, a été condamné en avril à 18 ans de prison pour "complot contre la sûreté de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste"
  • Pour protester contre sa détention qu'il a qualifiée d'"injuste" et "arbitraire", le quinquagénaire a entamé il y a deux semaines une grève de la faim où il ne mange rien et boit très peu d'eau, selon sa famille

TUNIS: L'opposant tunisien Jawhar Ben Mbarek, en grève de la faim pour protester contre sa détention, a été "frappé" par d'autres détenus et des gardiens de prison, ont affirmé mercredi sa famille et son avocate qui va porter plainte pour "actes de torture".

M. Ben Mbarek, chef de la principale coalition d'opposition FSN (Front de salut national) emprisonné depuis février 2023, a été condamné en avril à 18 ans de prison pour "complot contre la sûreté de l'Etat" et "adhésion à un groupe terroriste". Son procès en appel aux côtés d'une quarantaine d'autres personnalités est prévu le 17 novembre.

Pour protester contre sa détention qu'il a qualifiée d'"injuste" et "arbitraire", le quinquagénaire a entamé il y a deux semaines une grève de la faim où il ne mange rien et boit très peu d'eau, selon sa famille.

"Les agents ont ordonné aux détenus de l'agresser. Ils l'ont torturé car il refusait de manger", a dénoncé dans une vidéo sur Facebook, l'avocate Dalila Msaddek, soeur de M. Ben Mbarek qui, la semaine passée, s'était inquiétée de son état "alarmant".

"Des agents et des détenus l'ont frappé, les traces de coups sont visibles sur son flanc avec des ecchymoses. Ils l'ont frappé jusqu'à ce qu'il perde connaissance. Six détenus et cinq agents ont fait cela", a affirmé Mme Msaddek, en pleurant. "Nous avons atteint le stade de la barbarie", a-t-elle dit.

L'avocate Hanen Khemiri, qui lui a rendu visite mercredi matin en prison, a confirmé en conférence de presse des "traces de torture et une côte cassée" et annoncé le dépôt d'une plainte au Parquet.

Le père de M. Ben Mbarek, le militant de gauche Ezzedine Hazgui, a rencontré le directeur de la prison qui a accusé l'avocate d'"exagérer la situation". Mais M. Hazgui s'est dit convaincu que "des gardiens criminels ont tabassé son fils".

En fin de semaine dernière, plusieurs autres opposants emprisonnés dont le chef du mouvement islamo-conservateur Ennahdha Rached Ghannouchi, 84 ans, ont annoncé une grève de la faim en solidarité avec M. Ben Mbarek.

Mardi, Mme Msaddek avait déploré une nouvelle détérioration de son état, assurant qu'il avait subi "deux crises au niveau des reins".

Le même jour, le Comité général des prisons, rattaché au gouvernement, avait démenti dans un communiqué "les rumeurs sur la détérioration de l'état de santé de tous les détenus, y compris ceux prétendant être en grève de la faim", affirmant qu'ils faisaient "l'objet d'un suivi médical constant".

Le parquet de Tunis a ordonné mercredi l'ouverture d'une enquête à l'encontre de trois avocats sur la base de plaintes de l'administration pénitentiaire qui a dénoncé la diffusion "de rumeurs et fausses informations" concernant les grèves de la faim en cours, ont indiqué des médias locaux.

Sans divulguer les noms des avocats, les médias citant une source judiciaire ont indiqué que les plaintes portent aussi sur la circulation de données jugées "erronées" relatives à la dégradation de l'état de santé de détenus déclarant observer ces grèves.

Plusieurs ONG tunisiennes et étrangères ont déploré un recul des droits et libertés en Tunisie depuis un coup de force par lequel le président Kais Saied s'est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021.


Damas va «lutter activement» contre les groupes «terroristes», affirme un émissaire américain

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  • "Damas nous aidera désormais activement à affronter et démanteler les restes de l'Etat islamique, des Gardiens de la Révolution, du Hamas, du Hezbollah et d'autres réseaux terroristes", a affirmé sur X M. Barrack
  • Le dirigeant des Kurdes de Syrie, Mazloum Abdi, avait affirmé en octobre être parvenu à un "accord de principe" avec le pouvoir central sur l'intégration des FDS au sein des forces de sécurité syriennes

DAMAS: Damas va lutter activement contre les groupes "terroristes" dont l'Etat islamique (EI), les Gardiens de la Révolution iraniens, le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais, a affirmé jeudi l'émissaire américain pour la Syrie Tom Barrack.

Le président américain Donald Trump a reçu lundi à la Maison Blanche son homologue syrien Ahmad al-Chareh, une première pour un chef d'Etat syrien et une consécration pour l'ancien jihadiste qui pris le pouvoir en décembre 2024 après avoir renversé Bachar al-Assad.

La coalition antijihadiste dirigée par les Etats-Unis a annoncé mercredi que la Syrie était devenue le 90ème membre de ce groupe qui avait été créé en 2014 pour combattre l'EI en Syrie et en Irak.

"Damas nous aidera désormais activement à affronter et démanteler les restes de l'Etat islamique, des Gardiens de la Révolution, du Hamas, du Hezbollah et d'autres réseaux terroristes", a affirmé sur X M. Barrack.

L'Iran, à travers les Gardiens de la Révolution, son armée idéologique, et le Hezbollah soutenaient militairement le pouvoir de Bachar al-Assad avant sa chute, contrairement au Hamas qui n'y avait pas de présence armée.

Une réunion tenue cette semaine à Washington avec les chefs de la diplomatie américaine Marco Rubio, turque Hakan Fidan et syrienne Assaad al-Chaibani a évoqué l'intégration des Forces démocratiques syriennes (FDS), dirigées par les Kurdes et qui contrôlent de vastes pans du nord-est syrien, au sein de l'Etat, selon l'émissaire.

Soutenues par les Etats-Unis, les FDS ont été le fer de lance de la lutte en Syrie contre le groupe EI, qui y a été défait.

Le dirigeant des Kurdes de Syrie, Mazloum Abdi, avait affirmé en octobre être parvenu à un "accord de principe" avec le pouvoir central sur l'intégration des FDS au sein des forces de sécurité syriennes.

Sur X, M. Abdi a indiqué avoir discuté au téléphone avec Tom Barrack de son engagement "à accélérer l'intégration des FDS au sein de l'Etat syrien".

Le pouvoir de M. Chareh et les Kurdes avaient signé un accord en mars pour intégrer dans un délai d'un an leurs institutions civiles et militaires au sein du pouvoir central mais son application a été entravée par des divergences entre les deux parties.

 


Cisjordanie : le chef de l'armée israélienne veut «mettre fin» aux violences de colons

Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies. (AFP)
Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies. (AFP)
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  • Fait rare, alors que Palestiniens et ONG de défense des droits de l'Homme dénoncent l'impunité avec laquelle agissent les colons violents en Cisjordanie, la police et l'armée israéliennes ont annoncé mardi l'arrestation de plusieurs Israéliens
  • Selon Hussein Hammadi, le maire, quelque 200 colons ont fondu sur le village où ils ont saccagé une usine laitière et blessé dix personnes

JERUSALEM: Le chef de l'armée israélienne a affirmé mercredi vouloir mettre fin aux attaques commises par des colons juifs en Cisjordanie occupée, où l'ONU a recensé en octobre un pic des violences en près de deux décennies.

"Nous sommes déterminés à mettre fin à ce phénomène et nous agirons avec fermeté jusqu'à ce que justice soit rendue", a déclaré le lieutenant-général Eyal Zamir lors d'une visite à des troupes en exercice dans ce territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, selon un communiqué militaire.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaire de l'ONU (Ocha) a annoncé avoir enregistré en Cisjordanie "264 attaques de colons ayant causé des victimes, des dommages matériels ou les deux" en octobre, soit "le bilan mensuel le plus élevé en près de deux décennies de collecte de données".

Fait rare, alors que Palestiniens et ONG de défense des droits de l'Homme dénoncent l'impunité avec laquelle agissent les colons violents en Cisjordanie, la police et l'armée israéliennes ont annoncé mardi l'arrestation de plusieurs Israéliens en lien avec une descente violente menée contre la localité palestinienne de Beit Lid, près de Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie.

Selon Hussein Hammadi, le maire, quelque 200 colons ont fondu sur le village où ils ont saccagé une usine laitière et blessé dix personnes.

Le président israélien Isaac Herzog a condamné ces exactions les qualifiant de "choquantes et inacceptables".

"L'armée ne tolérera pas de comportements criminels de la part d'une petite minorité qui ternit l'image d'une population respectueuse des lois", a déclaré le général Zamir, alors que nombre de témoignages accusent les soldats israéliens de rester passifs face à la violence de ces colons.

Ces dernières semaines, les attaques attribuées à des colons de plus en plus jeunes et violents vivant généralement dans des avant-postes (implantations illégales au regard du droit israélien et destinées à créer des faits accomplis sur le terrain) se sont multipliées en Cisjordanie, visant des Palestiniens mais aussi des militants anticolonisation israéliens ou étrangers, des journalistes et parfois aussi des soldats.

Plus de 500.000 Israéliens vivent en Cisjordanie dans des colonies régulièrement condamnées par l'ONU comme illégales au regard du droit international, au milieu de quelque trois millions de Palestiniens.

Les violences ont explosé dans ce territoire depuis le début de la guerre de Gaza déclenchée par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 sur le sud d'Israël. Elles n'ont pas cessé, loin de là, avec la trêve fragile en vigueur à Gaza depuis le 10 octobre.

Au moins 1.003 Palestiniens, parmi lesquels de nombreux combattants, mais aussi beaucoup de civils, y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 36 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.