Entre Paris et Alger, un émir du XIXe siècle au coeur du jeu diplomatique

Une sculpture en hommage au héros national algérien Emir Abdelkader, intitulée «Passage Abdelkader», créée par l'artiste Michel Audiard, après avoir été vandalisée avant son inauguration, à Amboise, dans le centre de la France, le 5 février 2022. (AFP)
Une sculpture en hommage au héros national algérien Emir Abdelkader, intitulée «Passage Abdelkader», créée par l'artiste Michel Audiard, après avoir été vandalisée avant son inauguration, à Amboise, dans le centre de la France, le 5 février 2022. (AFP)
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Publié le Vendredi 23 février 2024

Entre Paris et Alger, un émir du XIXe siècle au coeur du jeu diplomatique

  • Pour qu'Alger obtienne satisfaction, il faut désormais que la France adopte un troisième texte autorisant la restitution de biens culturels
  • L'Algérie fait de la restitution d'un sabre et du burnous de l'émir Abdelkader une des conditions de la visite en France, plusieurs fois repoussée, du chef de l'Etat algérien

AMBOISE: Prisé des rois de France et de Léonard de Vinci, le château d'Amboise compte un singulier prisonnier de guerre parmi ses anciens pensionnaires: l'émir Abdelkader, premier opposant à la colonisation de l'Algérie, qui se retrouve 140 ans après sa mort au coeur du jeu diplomatique entre Paris et Alger.

Entre 1848 et 1852, dans ce château surplombant la Loire, ce chef de guerre et homme de foi (1808-1883) a été retenu en captivité avec une centaine de proches après avoir combattu les troupes françaises en Algérie, aux premières heures de la colonisation. Après quinze ans de guérilla, il renonce aux armes en 1847 en obtenant la promesse d'un exil en Orient... qui ne sera pas respectée par la France.

Cette figure complexe, héros de la résistance algérienne avant d'être décoré de la Légion d'honneur française en 1860, ressurgit aujourd'hui à la faveur des efforts de Paris et d'Alger pour apaiser leurs "mémoires brisées".

L'Algérie fait de la restitution d'un sabre et du burnous de l'émir Abdelkader une des conditions de la visite en France, plusieurs fois repoussée, du chef de l'Etat algérien Abdelmadjid Tebboune.

La restitution de ces objets et d'autres "biens symboliques" de l'émir, comme son Coran ou sa tente, fait également partie des discussions au sein de la commission d'historiens franco-algérienne mise sur pied par les deux pays en 2022.

Fin janvier, les membres algériens de cette commission se sont rendus au château d'Amboise sur les traces, difficilement repérables, de l'émir.

"Il y a très peu de signes qui rendent perceptible sa captivité et cela crée parfois de la frustration chez ceux qui viennent se recueillir", reconnaît Marc Métay, historien et directeur du château. Les pièces du logis où l'émir et sa suite étaient emprisonnés ont ainsi été réagencées pour refléter d'abord l'époque de la royauté.

Dans les jardins, des stèles funéraires en arabe rendent certes hommage à 24 proches de l'émir décédés à Amboise mais le château travaille à différents projets pour mieux expliquer cette captivité, qui n'avait rien d'une sinécure.

"Quand on était petits à l'école, on entendait qu'il vivait une vie de châtelain mais c'était tout à fait le contraire, il était balloté et enfermé, lui qui était habitué aux grandes chevauchées", dit à l'AFP Amar Belkhodja, auteur algérien d'ouvrages sur l'émir.

"Il faut regarder l'histoire de sa captivité en face", complète M. Métay, "même s'il peut y avoir des difficultés liées à l'hypersensibilité du sujet".

En Algérie, des historiens redoutent que l'émir ne soit figé en France dans sa posture de "perdant magnifique" au détriment de sa fibre insurrectionnelle. Et en France, la célébration d'un héros algérien et musulman a fait des remous, comme en témoigne la dégradation en 2022 à Amboise d'une oeuvre qui venait d'être érigée à sa mémoire.

Loi en attente 

La restitution de ses objets relève par ailleurs du casse-tête.

Le sabre et le burnous réclamés par Alger appartiennent au musée français de l'Armée, qui affirme à l'AFP être entré en leur possession de manière régulière: le premier aurait été remis par l'émir en 1847 et le second offert par son fils.

"Les œuvres considérées (burnous, sabre…) ont été acquises légalement par l'Etat français par don de la famille d'Abdelkader", estimait Jean-Luc Martinez, l'ex-directeur du Louvre, dans un rapport de 2021 qui a abouti à l'adoption de deux lois-cadres permettant de déroger à l'"inaliénabilité" des collections publiques pour restituer des biens spoliés par les nazis et des restes humains.

Pour qu'Alger obtienne satisfaction, il faut désormais que la France adopte un troisième texte autorisant la restitution de biens culturels. Fin janvier, la ministre de la Culture Rachida Dati a assuré qu'elle serait "fière de porter" cette loi mais aucun calendrier n'a été rendu public.

En attendant, la circulation en France des objets liés à l'émir est surveillée de près.

En octobre, les autorités algériennes ont découvert qu'un de ses sabres allait être mis aux enchères en France et en ont fait l'acquisition. La vente aux enchères d'un manuscrit islamique, qui aurait été pris à l'émir par l'armée française en 1842, a elle été annulée après une mobilisation de la communauté algérienne.

"Ce manuscrit était dans le garage d'une famille dont les aïeux étaient en Algérie", affirme à l'AFP le commissaire priseur Jack-Philippe Ruellan qui a annulé la vente du document, finalement cédé aux autorités algériennes. "C'est important que ces objets reviennent dans les meilleures mains possibles".


Soudan: les paramilitaires annoncent leur accord pour une proposition de trêve humanitaire

Les paramilitaires en guerre contre l'armée au Soudan ont annoncé jeudi leur accord avec la trêve humanitaire proposée par le groupe de médiateurs dit du Quad, qui a été rejetée mardi par l'armée soudanaise. (AFP)
Les paramilitaires en guerre contre l'armée au Soudan ont annoncé jeudi leur accord avec la trêve humanitaire proposée par le groupe de médiateurs dit du Quad, qui a été rejetée mardi par l'armée soudanaise. (AFP)
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  • "En réponse aux aspirations et aux intérêts du peuple soudanais, les Forces de soutien rapide (FSR) affirment leur accord pour s'engager dans la trêve humanitaire"
  • "Bientôt, nous vengerons ceux qui ont été tués et maltraités (....) dans toutes les régions attaquées par les rebelles", a dit le général dans un discours télévisé

PORT-SOUDAN: Les paramilitaires en guerre contre l'armée au Soudan ont annoncé jeudi leur accord avec la trêve humanitaire proposée par le groupe de médiateurs dit du Quad, qui a été rejetée mardi par l'armée soudanaise.

"En réponse aux aspirations et aux intérêts du peuple soudanais, les Forces de soutien rapide (FSR) affirment leur accord pour s'engager dans la trêve humanitaire" proposée en septembre par les pays médiateurs du Quad, les Etats-Unis, l'Egypte, l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis.

"Les FSR attendent de (...) commencer des discussions sur les arrangements pour la cessation des hostilités", affirme le communiqué publié sur leur chaine Telegram en saluant les efforts de médiateurs.

De son côté, le chef de l'armée soudanaise, Abdel-Fattah Al-Burhane, a déclaré que ses forces continuaient "de défaire l'ennemi et de sécuriser l'Etat soudanais jusqu'à ses frontières".

"Bientôt, nous vengerons ceux qui ont été tués et maltraités (....) dans toutes les régions attaquées par les rebelles", a dit le général dans un discours télévisé.

Après une réunion au sommet sur cette proposition portée par Washington, l'administration pro-armée basée à Port-Soudan avait fait savoir mardi qu'elle comptait poursuivre la guerre tout en présentant un plan pour "faciliter l'accès à l'aide humanitaire" et "la restauration de la sécurité et de la paix".

Cette réunion à Port-Soudan était intervenue après des nouveaux efforts de l'émissaire américain pour l'Afrique, Massad Boulos, de faire avancer le plan présenté mi-septembre par le Quad.

"Massacre" 

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, avait encore exhorté mardi les belligérants à "venir à la table des négociations" et "mettre fin à ce cauchemar de violence".

Le conflit entre l'armée et les paramilitaires, qui a éclaté en 2023, a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire contemporaine, selon l''ONU.

Des images satellite analysées par le laboratoire de l'université américaine de Yale montrent des "activités d'élimination des corps" dans la ville d'El-Facher, prise par les paramilitaires, avec notamment des traces "correspondant à des fosses communes".

Depuis la prise le 26 octobre de cette ville du Darfour, dans l'ouest du Soudan, l'ONU a fait état de massacres, viols, pillages et déplacements massifs de population.

De multiples témoignages, étayés par des vidéos publiées par les paramilitaires des FSR sur les réseaux sociaux, décrivent des atrocités dans cette région coupée du monde.

Selon le rapport du Humanitarian Research Lab (HRL), des données aériennes récentes indiquent aussi qu'"un massacre est en cours sur le site de l'ancien hôpital" pour enfants.

Depuis la chute d'El-Facher, les violences continuent dans la région du Darfour, où est située la ville, mais les combats se concentrent au Kordofan, une région stratégique du centre du Soudan car située entre la capitale Khartoum, contrôlée par les militaires, et le Darfour, aux mains des paramilitaires.

 


L'armée israélienne annonce avoir commencé à frapper des cibles du Hezbollah dans le sud du Liban

L'armée israélienne a annoncé jeudi avoir commencé à frapper des cibles du Hezbollah dans le sud du Liban, après avoir appelé des habitants à évacuer leurs logements dans quatre villages de cette région. (AFP)
L'armée israélienne a annoncé jeudi avoir commencé à frapper des cibles du Hezbollah dans le sud du Liban, après avoir appelé des habitants à évacuer leurs logements dans quatre villages de cette région. (AFP)
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  • "L'armée israélienne a lancé une série de frappes contre des cibles militaires du Hezbollah dans le sud du Liban", a-t-elle déclaré dans un communiqué
  • L'armée israélienne avait appelé plus tôt jeudi des habitants de trois villages du sud du Liban à évacuer leurs logements, en prévenant qu'elle allait frapper des infrastructures militaires du Hezbollah dans cette région

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi avoir commencé à frapper des cibles du Hezbollah dans le sud du Liban, après avoir appelé des habitants à évacuer leurs logements dans quatre villages de cette région.

"L'armée israélienne a lancé une série de frappes contre des cibles militaires du Hezbollah dans le sud du Liban", a-t-elle déclaré dans un communiqué.

Le mouvement libanais soutenu par l'Iran avait déclaré jeudi matin rejeter toute "négociation politique" entre le Liban et Israël, proposée par des émissaires.

L'armée israélienne avait appelé plus tôt jeudi des habitants de trois villages du sud du Liban à évacuer leurs logements, en prévenant qu'elle allait frapper des infrastructures militaires du Hezbollah dans cette région.

"L'armée israélienne va bientôt frapper les infrastructures militaires appartenant à l'organisation terroriste Hezbollah dans tout le sud du Liban, en réponse aux tentatives interdites de cette organisation de reprendre ses opérations dans la région", a écrit le colonel Avichay Adraee, porte-parole de l'armée israélienne en langue arabe, sur X, en appelant les habitants de trois villages, Aita al-Jabal, al-Taybeh et Tayr Debba, à immédiatement quitter leurs logements.

Il a ensuite appelé à évacuer un bâtiment et ses environs du village de Zawtar El Charqiyeh, dans la même zone.

Dans une déclaration séparée, la porte-parole du gouvernement israélien, Sosh Bedrosian, a déclaré plus tôt qu'Israël prendrait des mesures pour garantir le respect du cessez-le-feu dans le sud du Liban.

"Israël continuera à défendre toutes ses frontières et nous continuons à insister sur la pleine application de l'accord de cessez-le-feu", a déclaré Mme Bedrosian aux journalistes.

"Nous ne permettrons pas au Hezbollah de se reconstruire", a-t-elle ajouté.

Un cessez-le-feu a mis fin en novembre 2024 à une guerre entre le Hezbollah et Israël. Ce dernier a poursuivi ses attaques contre les bastions du mouvement armé au Liban, affirmant vouloir l'empêcher de reconstituer ses forces.

Le Hezbollah a affirmé jeudi son "droit légitime" à se défendre face à l'intensification des attaques israéliennes.

 


Les États-Unis affirment bénéficier d'un soutien régional pour la résolution de paix sur Gaza

Des bâtiments détruits par l'armée israélienne  dans le quartier de Shijaiya de la ville de Gaza, lors d'une visite organisée par l'armée pour les journalistes, le 5 novembre 2025. (AP Photo)
Des bâtiments détruits par l'armée israélienne  dans le quartier de Shijaiya de la ville de Gaza, lors d'une visite organisée par l'armée pour les journalistes, le 5 novembre 2025. (AP Photo)
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  • Selon le projet de résolution, la gouvernance de Gaza serait transférée au Hamas et la démilitarisation serait imposée au groupe
  • Une copie du projet de résolution a été distribuée mercredi soir pour examen formel par le Conseil de sécurité

NEW YORK : La mission américaine auprès de l'ONU a déclaré mercredi que des partenaires régionaux clés, notamment l'Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis, ont apporté leur soutien à son projet de résolution pour Gaza.

Cette évolution est le signe d'une avancée diplomatique au sein du Conseil de sécurité de l'ONU en faveur d'un mandat transitoire de deux ans pour l'enclave déchirée par la guerre et du déploiement d'une force internationale de stabilisation.

Au cours d'une réunion convoquée par l'ambassadeur américain aux Nations unies, Mike Waltz, les dix membres élus et non permanents du Conseil (Algérie, Danemark, Grèce, Guyane, Pakistan, Panama, Corée du Sud, Sierra Leone, Slovénie et Somalie), rejoints par des États régionaux tels que l'Arabie saoudite, l'Égypte, le Qatar, la Turquie et les Émirats arabes unis, ont exprimé leur soutien à l'initiative menée par Washington, a déclaré un porte-parole de la mission américaine.

Le projet de résolution soutient la création d'un organe de gouvernance transitoire, appelé "Conseil de la paix". Le contrôle de la bande de Gaza serait ainsi transféré des mains du Hamas et la démilitarisation serait imposée au groupe.

Le projet de résolution autorise également le déploiement d'une "Force internationale de stabilisation" à Gaza, qui opérerait dans le cadre d'un mandat de deux ans de l'ONU. Elle aurait le pouvoir d'utiliser "toutes les mesures nécessaires" pour protéger les civils, superviser les flux d'aide humanitaire, sécuriser les zones le long des frontières avec Israël et l'Égypte, démilitariser les acteurs non étatiques et former une nouvelle force de police palestinienne.

Une copie du projet de résolution a été distribuée mercredi soir pour examen formel par les 15 membres du Conseil de sécurité.

L'adhésion régionale au projet reflète "l'opportunité historique" de mettre fin à des décennies d'effusion de sang au Moyen-Orient et de transformer Gaza en un territoire plus sûr et plus prospère, a poursuivi le porte-parole, et souligne l'intention des États-Unis de traduire la résolution en résultats plutôt qu'en "discours sans fin".

Le soutien des principaux acteurs régionaux est important car leur participation est largement considérée comme une condition préalable à l'autorisation de toute force multinationale de stabilisation d'opérer à Gaza et d'obtenir une légitimité internationale.

Le porte-parole américain a souligné qu'aucune troupe américaine ne serait déployée à Gaza. En revanche, Washington a engagé des pourparlers avec des États tels que l'Indonésie, les Émirats arabes unis, l'Égypte, le Qatar, la Turquie et l'Azerbaïdjan en vue de fournir des troupes à une force internationale de stabilisation.

Le projet de texte stipulerait qu'une telle force opérerait sous un commandement unifié, comme convenu par le Conseil de paix, l'Égypte et Israël une fois que des accords sur le statut de la mission auront été conclus.

Il décrit également une séquence d'événements au cours desquels la force stabilisera la situation sécuritaire à Gaza, démilitarisera les groupes armés non étatiques, mettra les armes hors service et supervisera la formation et le soutien de la force de police palestinienne nouvellement approuvée.