Au Soudan, la guerre a aussi détruit l'économie

Un homme avec sa calèche tirée par un âne, le mode de transport préféré des personnes et des marchandises, alors que les prix du carburant augmentent en raison des combats internes, dans l'État de Gedaref, dans l'est du Soudan, le 20 février 2024. (AFP)
Un homme avec sa calèche tirée par un âne, le mode de transport préféré des personnes et des marchandises, alors que les prix du carburant augmentent en raison des combats internes, dans l'État de Gedaref, dans l'est du Soudan, le 20 février 2024. (AFP)
Un homme passe devant des sacs de céréales sur un marché de Gedaref, dans l'est du Soudan, le 22 février 2024. (AFP)
Un homme passe devant des sacs de céréales sur un marché de Gedaref, dans l'est du Soudan, le 22 février 2024. (AFP)
Le marché de Gedaref, dans l'est du Soudan, le 22 février 2024. (AFP)
Le marché de Gedaref, dans l'est du Soudan, le 22 février 2024. (AFP)
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Publié le Dimanche 25 février 2024

Au Soudan, la guerre a aussi détruit l'économie

  • Selon l'Autorité des ports du Soudan, l'import-export a baissé de 23% en 2023, avec quatre mois et demi de paix
  • En outre, le ministère des Finances a récemment pris une décision lourde de conséquences pour Port-Soudan

PORT-SOUDAN: Import-export à l'arrêt, monnaie en chute libre, pillages et trafics en tous genres: au Soudan, la guerre qui a éclaté il y a dix mois a aussi détruit une économie exsangue depuis des décennies, estiment des experts et investisseurs.

Avant la guerre, Ahmed était un homme d'affaires prospère qui exportait de la gomme arabique, résine d'acacia très utilisée pour les boissons gazeuses, les confiseries et les cosmétiques, dont 70% de la production mondiale vient du Soudan.

Mais depuis que les deux généraux au pouvoir sont entrés en guerre le 15 avril, Ahmed s'est retrouvé à la merci de leurs hommes prompts à rançonner quiconque doit passer par leurs check-points.

"Au début de la guerre, j'avais un stock de gomme arabique destiné à l'export dans un entrepôt au sud de Khartoum. Pour l'en faire sortir, j'ai dû payer des sommes énormes aux Forces de soutien rapide", les FSR, les paramilitaires du général Mohammed Hamdane Daglo qui combattent l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane, rapporte Ahmed, un nom d'emprunt car il redoute des représailles.

Racket et taxes

"J'ai encore dû payer plusieurs fois dans les régions sous leur contrôle, puis, une fois dans une zone sous le contrôle du gouvernement", loyal à l'armée, "on m'a demandé de payer d'autres taxes", ajoute-t-il.

A Port-Soudan, l'unique port qui fonctionne pour l'import-export, "les autorités locales m'ont encore demandé de nouvelles taxes et des frais de stockage six fois plus chers qu'avant", poursuit-il.

"Résultat, aujourd'hui je ne peux plus exporter" faute de fonds pour l'acheminement et autres taxes douanières, se désole l'homme d'affaires.

Selon l'Autorité des ports du Soudan, l'import-export a baissé de 23% en 2023, avec quatre mois et demi de paix.

En outre, le ministère des Finances a récemment pris une décision lourde de conséquences pour Port-Soudan. Le taux de change du dollar en douane a été révisé de 650 livres soudanaises pour un dollar à 950.

Ce nouveau taux est encore loin du marché noir -- communément pratiqué avec 70% des banques à l'arrêt dans les zones de combat, selon la Banque centrale -- à près de 1 200 livres pour un dollar.

Mais il a "signé la destruction de l'économie soudanaise", s'emporte al-Sadig Jalal, ex-patron de la Chambre du Commerce du Soudan.

L'un des secteurs les plus éprouvés est l'agriculture qui, avant la guerre, représentait près de 40% du PIB et jusqu'à 80% des emplois dans les zones rurales, selon le Fonds international de développement agricole (Ifad).

Dans la région fertile d'al-Jazira, les combats ont déjà mis hors d'usage 250 000 hectares de terres, faisait chuter de 70% les 800 000 tonnes de blé produites chaque année au Soudan.

A travers le pays, seules 37% des terres agricoles sont toujours cultivées, affirme le centre de recherche Fikra.

«Des années de reconstruction»

Aux yeux de certains experts, les violences et pillages ont signé la "désindustrialisation" du Soudan. Le Fonds monétaire international (FMI) affirme que son PIB s'est contracté de plus de 18% en 2023 à cause de la guerre dont "l'impact pourrait être long" avec "des années de reconstruction".

L'économie du pays, l'un des plus pauvres au monde, était déjà à genoux. Sous la dictature islamo-militaire d'Omar el-Béchir, déchu en 2019 après 30 ans de pouvoir, le Soudan a subi des sanctions internationales.

Lorsque ces dernières ont commencé à être levées à la faveur des prémices d'une transition démocratique dirigée par les civils, le coup d'Etat des deux généraux alors alliés et désormais en guerre a ruiné les espoirs de raviver l'économie du pays.

Sous le pouvoir civil de courte durée, les statistiques étaient publiques et l'inflation atteignait 300%. Aujourd'hui, plus aucun chiffre ne filtre mais les 48 millions de Soudanais, pour près du quart aujourd'hui déplacés par les violences, disent ne plus s'y retrouver. La moitié d'entre eux ont besoin d'aide humanitaire pour simplement survivre.

Dix-huit millions souffrent de faim aiguë, dont cinq millions sont en situation "d'urgence", le dernier palier avant la famine, selon le Programme alimentaire mondial (PAM) qui dit ne pouvoir aider que 10% d'entre eux, "à cause des menaces, des routes bloquées, du rançonnement et des taxes réclamées".

Face à eux, estime l'économiste Haitham Fethi, "l'Etat est totalement absent et cela affecte tous les secteurs de l'économie" dans un pays où la guerre a déplacé huit millions de personnes et fait des milliers de morts, selon des experts de l'ONU.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".