En Cisjordanie occupée, la souffrance de mères palestiniennes meurtries

"Aucune mère ne veut que son fils soit derrière les barreaux ou soit tué". (AFP).
"Aucune mère ne veut que son fils soit derrière les barreaux ou soit tué". (AFP).
Short Url
Publié le Vendredi 08 mars 2024

En Cisjordanie occupée, la souffrance de mères palestiniennes meurtries

  • "Je ne dors plus", soupire Latifa Abou Hamid en regardant les photos de ses enfants, accrochées sur les murs de son salon
  • Tous sont passés par les prisons israéliennes

RAMALLAH: "Je ne dors plus", soupire Latifa Abou Hamid en regardant les photos de ses enfants, accrochées sur les murs de son salon: deux femmes et dix hommes. Tous sont passés par les prisons israéliennes.

Quatre y croupissent toujours et un cinquième est mort en détention il y a quatorze mois. Son corps est toujours aux mains des Israéliens, dit-elle. Tous ont été accusés d'avoir mené des attaques contre des Israéliens, selon elle.

Latifa Abou Hamid, 74 ans, dit avoir voulu tracer "un autre chemin" pour ses enfants, celui "de l’enseignement et du savoir". Le rêve de toute mère est d'éduquer ses enfants et de les voir fonder des familles. Il n'y a pas une mère qui va dire à son fils: +vas-y attaque+."

"Aucune mère ne veut que son fils soit derrière les barreaux ou soit tué", ajoute-t-elle.

Mais ses enfants "vivent la réalité" d'un territoire occupé, selon elle. "Lorsqu'ils voient une mère et un père se faire frapper devant eux et qu'ils voient des centaines de soldats lourdement armés prendre d'assaut un camp, un village ou une ville et y faire des ravages. Ils gardent en mémoire ces événements (...) et tracent leur propre chemin en conséquence".

Cette mère de famille vit dans une maison à Ramallah, qui lui a été offerte par le président de l'Autorité palestinienne qui siège en Cisjordanie occupée.

La sienne, dans le camp d'Al-Amari avait été démolie à trois reprises par les autorités israéliennes qui ont fini par confisquer le terrain sur lequel était bâtie la maison.

Israël détruit les maisons de Palestiniens auteurs d'attaques meurtrières contre des Israéliens. Une politique décriée par des organisations de défense des droits humains qui dénoncent un châtiment collectif.

Mais pour Latifa Abou Hamid, ce qui importe le plus désormais, c'est le sort de ses enfants toujours détenus par Israël.

La situation s'est compliquée davantage pour elle depuis le début de la guerre à Gaza, les autorités pénitentiaires israéliennes ayant annoncé "l'état d'urgence en prison", qui s'est traduit pour les détenus palestiniens par un durcissement des conditions de détention, dont la fin des parloirs.

La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël qui a entraîné la mort d'au moins 1.160 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP à partir de données officielles israéliennes.

Les opérations militaires lancées en représailles par Israël ont fait jusqu'ici près de 31.000 morts, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste.

« Marquée à jamais »

Depuis le 7 octobre, selon l'Autorité palestinienne, plus de 420 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie par les forces israéliennes ou des colons. Des centaines d'autres ont été arrêtés.

Selon des associations de défense des prisonniers palestiniens, leur nombre est passé à environ 9.000 aujourd'hui, contre 5.200 avant le 7 octobre.

Latifa Abou Hamid affirme n'avoir "aucune information" sur ses enfants en prison. "Nous entendons des informations selon lesquelles un détenu est mort ou un autre est malade". Ce qui augmente son anxiété.

"Le matin, j'ouvre la porte du salon, je salue mes enfants un par un, je leur parle, je demande de leurs nouvelles et je leur donne les miennes", dit-elle, en regardant les portraits de ses enfants.

"Je donne l'impression d'être solide et forte, et j'ai une grande foi en Dieu", ce qui cache, selon elle, "une tristesse et une douleur intenses".

Pour d'autres mères palestiniennes, le drame est plus grand et plus récent.

Ibtissam Hussein Hazza, 53 ans, dit avoir été "marquée à jamais" par la journée du 7 janvier. Ce jour-là, elle a perdu quatre de ses enfants dans une frappe de drone, à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie.

"Un de mes fils m'a appelée et m'a informée que son frère était tombé en martyr. J'ai essayé d'appeler (...) mes fils, mais personne ne m'a répondu".

Elle dit avoir subi "un accident vasculaire cérébral" à cause du choc.

Sept personnes qui étaient dans un café, selon des témoins, ont été tuées ce jour-là, dont ses quatre enfants: Darwish (29 ans), Hazzaa (27 ans), Ahmed (24 ans) et Rami (22 ans).

Selon l'armée israélienne, elle avait visé ce "groupe de terroristes" qui avait lancé ce jour-là "des engins explosifs sur un véhicule militaire", provoquant la mort d'un militaire israélien et la blessure d'autres.

Ibtissam Hussein Hazza affirme elle, que ses fils n'ont participé à aucune action militaire: "Je ne sais pas comment ils sont morts. Ont-ils beaucoup souffert?" Ces interrogations la dérangent.

"Je ne dors pas... à peine deux heures. Je me réveille la nuit et je prie. (...) J'ouvre leurs albums photos et je les regarde pendant des heures", dit-elle.


Israël intensifie ses opérations près de Gaza-ville, réunion à la Maison Blanche

L'ONU estime à près d'un million de personnes la population actuelle du gouvernorat de Gaza qui comprend Gaza-ville et ses environs. (AFP)
L'ONU estime à près d'un million de personnes la population actuelle du gouvernorat de Gaza qui comprend Gaza-ville et ses environs. (AFP)
Short Url
  • Mercredi, l'armée israélienne qui contrôle environ 75% du territoire, a affirmé que ses troupes "opéraient à la périphérie de Gaza-ville pour localiser et démanteler les sites d'infrastructures terroristes en surface et souterrains"
  • Des habitants du quartier de Zeitoun à Gaza-ville ont fait état de tirs de drones et d'intenses bombardements nocturnes, alors que la Défense civile et des sources hospitalières ont annoncé quatre morts par des tirs israéliens dans le sud

GAZA: L'armée israélienne a intensifié mercredi ses opérations autour de la ville de Gaza, quelques heures avant une réunion à la Maison Blanche sous la présidence de Donald Trump consacrée à des plans d'après-guerre pour le territoire palestinien dévasté.

Elle a jugé "inévitable" l'évacuation de la population de cette ville, qu'elle présente comme le dernier grand bastion du mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza assiégée et d'où des milliers d'habitants ont déjà fui.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu est sous pression croissante, tant en Israël qu'à l'étranger, pour mettre fin à son offensive à Gaza, lancée en riposte à une attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023.

Son cabinet de sécurité a approuvé début août un plan pour s'emparer de Gaza-ville, située dans le nord du territoire palestinien où les quelque deux millions d'habitants ont été déplacés plusieurs fois par la guerre.

Mercredi, l'armée israélienne qui contrôle environ 75% du territoire, a affirmé que ses troupes "opéraient à la périphérie de Gaza-ville pour localiser et démanteler les sites d'infrastructures terroristes en surface et souterrains".

Des habitants du quartier de Zeitoun à Gaza-ville ont fait état de tirs de drones et d'intenses bombardements nocturnes, alors que la Défense civile et des sources hospitalières ont annoncé quatre morts par des tirs israéliens dans le sud du territoire palestinien frappé par la famine selon l'ONU.

"Les avions ont bombardé à plusieurs reprises et des drones ont tiré toute la nuit", a déclaré Tala al-Khatib, 29 ans, au téléphone à l'AFP. "Plusieurs maisons ont été détruites. Nous sommes toujours chez nous, certains voisins ont fui, d'autres sont restés. Mais où que vous fuyiez, la mort vous suit!"

"Ca suffit" 

Abdelhamid al-Sayfi, 62 ans, n'est pas sorti de chez lui à Zeitoun depuis mardi. "Nous n'avons ni nourriture ni eau. Quiconque sort est pris pour cible par les drones."

L'ONU estime à près d'un million de personnes la population actuelle du gouvernorat de Gaza qui comprend Gaza-ville et ses environs.

Le ministre de la Défense Israël Katz a menacé de détruire Gaza-ville si le Hamas n'acceptait pas d'être désarmé, de libérer tous les otages et de mettre fin à la guerre selon les conditions d'Israël.

Mardi, des dizaines de milliers d'Israéliens sont descendus dans la rue pour réclamer un accord pour libérer les otages et arrêter la guerre, au moment où était réuni le cabinet de sécurité.

"Ca suffit!", a hurlé Silvia Cunio dont les deux fils, Ariel et David, enlevés durant l'attaque du 7-Octobre, sont encore retenus à Gaza.

Après la réunion du cabinet, M. Netanyahu a affirmé: "(...) Nous ne laisserons pas ces monstres (le Hamas, ndlr) là-bas, nous libérerons tous nos otages et nous veillerons à ce que Gaza ne représente plus jamais une menace pour Israël".

Le 10 août, il a énuméré les objectifs d'Israël: "premièrement, désarmer le Hamas. Deuxièmement, tous les otages sont libérés. Troisièmement, Gaza est démilitarisée. Quatrièmement, Israël exerce un contrôle de sécurité prépondérant. Et cinquièmement, une administration civile pacifique non israélienne".

Alors qu'Israël poursuit son offensive à Gaza, Steve Witkoff, l'émissaire de Donald Trump, a annoncé "une grande réunion à la Maison Blanche" mercredi, sous la direction du président, sur l'après-guerre.

"Jour d'après" 

"Nous élaborons un plan très complet sur le jour d'après" dans le territoire palestinien, a dit M. Witkoff sans plus de détails.

Donald Trump avait créé la surprise en début d'année en suggérant que les Etats-Unis prennent le contrôle de la bande de Gaza, en évacuent ses habitants et y construisent des complexes immobiliers.

M. Netanyahu avait salué cette proposition, rejetée par plusieurs pays européens et arabes.

La semaine dernière, le Premier ministre israélien avait ordonné l'ouverture immédiate de pourparlers visant à obtenir la libération des otages, tout en persistant sur ses plans pour prendre Gaza-ville.

Il n'avait pas répondu explicitement à une nouvelle proposition de trêve des médiateurs, acceptée par le Hamas, qui prévoit la libération échelonnée des otages sur une période initiale de 60 jours en échange de prisonniers palestiniens.

L'attaque du Hamas du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 49 sont encore retenues dans Gaza dont au moins 27 sont décédées selon l'armée.

L'offensive de représailles israélienne a fait au moins 62.819 morts à Gaza, en majorité des civils, selon les chiffres du ministère de la Santé du gouvernement du gouvernement du Hamas à Gaza, jugés fiables par l'ONU.


Liban: polémique après les propos de Barrack en conférence de presse

"S'il vous plaît, calmez-vous un peu (...) Dès que la situation devient chaotique, presque animale, on quitte la salle", avait-t-il lancé avant d'aborder le plan de désarmement du Hezbollah, appelant les journalistes à se comporter de "manière civilisée". (AFP)
"S'il vous plaît, calmez-vous un peu (...) Dès que la situation devient chaotique, presque animale, on quitte la salle", avait-t-il lancé avant d'aborder le plan de désarmement du Hezbollah, appelant les journalistes à se comporter de "manière civilisée". (AFP)
Short Url
  • "S'il vous plaît, calmez-vous un peu (...) Dès que la situation devient chaotique, presque animale, on quitte la salle", avait-t-il lancé avant d'aborder le plan de désarmement du Hezbollah, appelant les journalistes à se comporter de "manière civilisée"
  • La présidence libanaise a exprimé sur X ses "regrets pour des propos tenus par inadvertance par l'un de ses invités", réaffirmant son "respect absolu de la dignité humaine" et sa "considération particulière pour les journalistes

BEYROUTH: Des déclarations de l'émissaire américain Tom Barrack adressées à des journalistes au palais présidentiel de Beyrouth ont suscité une vive polémique mardi au Liban, qualifiées d'"insulte" par les syndicats de la presse.

"S'il vous plaît, calmez-vous un peu (...) Dès que la situation devient chaotique, presque animale, on quitte la salle", avait-t-il lancé avant d'aborder le plan de désarmement du Hezbollah, appelant les journalistes à se comporter de "manière civilisée".

La présidence libanaise a exprimé sur X ses "regrets pour des propos tenus par inadvertance par l'un de ses invités", réaffirmant son "respect absolu de la dignité humaine" et sa "considération particulière pour les journalistes et correspondants accrédités".

Le ministre de l'Information, Paul Morcos, a également "regretté" ces propos et souligné son "attachement à la dignité" des journalistes.

Le syndicat des photographes de presse a dénoncé une "insulte directe" aux journalistes et photographes présents et un "précédent dangereux et totalement inacceptable", réclamant des "excuses immédiates et publiques".

Le syndicat des rédacteurs a lui aussi réclamé "des excuses publiques", agitant la menace d'un "boycott de ses visites et de ses rencontres".

L'Union des journalistes du Liban a jugé que ces déclarations "traduisent une arrogance inacceptable et un mépris implicite pour la mission journalistique".

Le président de la commission de l'Information au Parlement, député du Hezbollah, Ibrahim Moussaoui, a appelé les autorités à "convoquer immédiatement l'ambassadrice américaine, la réprimander et protester contre l'insulte caractérisée infligée au Liban et aux Libanais".


Cisjordanie: la police israélienne saisit près de 400.000 euros, accusés de financer le «terrorisme»

La police israélienne a annoncé mercredi avoir confisqué "environ 1,5 million de shekels", plus de 385.000 euros, une somme qu'elle estime liée au "terrorisme", au cours d'une opération en Cisjordanie occupée.  "Les forces de police des frontières en Cisjordanie (Magav) et l'armée israélienne ont confisqué environ 1,5 million de shekels provenant du financement du terrorisme", a déclaré la police dans un communiqué. (AFP)
La police israélienne a annoncé mercredi avoir confisqué "environ 1,5 million de shekels", plus de 385.000 euros, une somme qu'elle estime liée au "terrorisme", au cours d'une opération en Cisjordanie occupée. "Les forces de police des frontières en Cisjordanie (Magav) et l'armée israélienne ont confisqué environ 1,5 million de shekels provenant du financement du terrorisme", a déclaré la police dans un communiqué. (AFP)
Short Url
  • Si l'armée israélienne opère souvent en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, il est relativement rare qu'elle intervienne au coeur des villes, à fortiori à Ramallah, où siège l'Autorité palestinienne
  • Mardi, l'armée israélienne avait mené une opération dans le centre-ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, ciblant notamment un bureau de change, au cours de laquelle des dizaines de Palestiniens ont été blessés selon le Croissant-Rouge

JERUSALEM: La police israélienne a annoncé mercredi avoir confisqué "environ 1,5 million de shekels", plus de 385.000 euros, une somme qu'elle estime liée au "terrorisme", au cours d'une opération en Cisjordanie occupée.

"Les forces de police des frontières en Cisjordanie (Magav) et l'armée israélienne ont confisqué environ 1,5 million de shekels provenant du financement du terrorisme", a déclaré la police dans un communiqué.

Elle a précisé qu'une partie de la somme avait été saisie en devises étrangères, notamment des dollars américains et des dinars jordaniens.

Mardi, l'armée israélienne avait mené une opération dans le centre-ville de Ramallah, en Cisjordanie occupée, ciblant notamment un bureau de change, au cours de laquelle des dizaines de Palestiniens ont été blessés selon le Croissant-Rouge.

L'armée avait alors expliqué viser "une entreprise de change qui transférait des fonds destinés aux terroristes du Hamas afin de financer des activités terroristes contre l'Etat d'Israël et ses civils".

Si l'armée israélienne opère souvent en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967, il est relativement rare qu'elle intervienne au coeur des villes, à fortiori à Ramallah, où siège l'Autorité palestinienne.

Elle était déjà intervenue dans des bureaux de change palestiniens ces dernières années, au printemps 2025 ou encore en décembre 2023.

Les violences en Cisjordanie se sont intensifiées depuis le début de la guerre à Gaza, déclenchée par une attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre 2023.

Selon un décompte de l'AFP établi à partir de données de l'Autorité palestinienne, au moins 972 Palestiniens, dont de nombreux combattants mais aussi beaucoup de civils, ont été tués par des soldats ou des colons israéliens en Cisjordanie depuis cette date.

Au moins 36 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors d'opérations militaires israéliennes, selon les données officielles israéliennes.