Les soldats voyous d'Israël tirés d'affaire

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Publié le Mardi 07 mai 2024

Les soldats voyous d'Israël tirés d'affaire

Les soldats voyous d'Israël tirés d'affaire
  • Avant la guerre de Gaza, un groupe spécial du département d'État a enquêté sur les allégations concernant la conduite de cinq unités militaires et policières israéliennes opérant en Cisjordanie occupée
  • En juin 2023, l'armée israélienne a déclaré que les soldats impliqués dans l'incident seraient réprimandés mais qu'ils ne seraient pas poursuivis au pénal

Deux semaines se sont écoulées depuis que l'on a appris que les États-Unis avaient l'intention d'imposer des sanctions au bataillon Netzah Yehuda, composé de soldats ultra-orthodoxes de l'armée israélienne, pour violation des droits de l'homme en Cisjordanie occupée.

Ces informations ont suscité l'espoir que l'administration Biden tiendrait enfin tête au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et à son gouvernement d'extrême droite sur la question du droit international et des droits de l'homme, en imposant pour la première fois des sanctions à une unité de l'armée israélienne.

Les lois Leahy, introduites en 1997, interdisent au département d'État et au département de la Défense des États-Unis de fournir une assistance militaire à des unités de forces de sécurité étrangères qui ont été impliquées de manière crédible dans une grave violation des droits de l'homme, jusqu'à ce que le gouvernement hôte prenne des mesures efficaces pour traduire les responsables en justice.

Avant la guerre de Gaza, un groupe spécial du département d'État a enquêté sur les allégations concernant la conduite de cinq unités militaires et policières israéliennes opérant en Cisjordanie occupée et a recommandé qu'elles ne puissent plus recevoir d'aide des États-Unis. Lors d'une conférence de presse en Italie la semaine dernière, le secrétaire d'État Antony Blinken a été interrogé sur ces recommandations et a donné l'impression que des sanctions suivraient dans les jours à venir.

Le Netzah Yehuda, créé en 1999, est composé d’ultra-orthodoxes et de nationalistes religieux issus du mouvement des colons.

Ils forment une unité distincte pour tenir compte de leurs croyances religieuses, notamment de leur refus de servir avec des femmes soldats. Lorsque l'unité était basée en Cisjordanie, elle a été accusée de nombreuses violations des droits de l'homme à l'encontre des Palestiniens. Un cas en particulier a attiré l'attention de Washington. Omar Assad, un citoyen américain âgé de 80 ans, a été ligoté, bâillonné et contraint de se coucher sur le ventre pendant une heure après avoir été arrêté par les troupes de Netzah Yehuda à un poste de contrôle près de Ramallah en janvier 2022, et il est mort d'un arrêt cardiaque provoqué par le stress.

En juin 2023, l'armée israélienne a déclaré que les soldats impliqués dans l'incident seraient réprimandés mais qu'ils ne seraient pas poursuivis au pénal car il n'y avait pas de preuve médicale qu'ils avaient causé la mort d'Assad. Israël a temporairement déplacé Netzah Yehuda sur le plateau du Golan, mais l'unité est retournée à Gaza et en Cisjordanie après l'attaque du Hamas en octobre.

Le Netzah Yehuda, créé en 1999, est composé d’ultra-orthodoxes et de nationalistes religieux issus du mouvement des colons.

Dr. Amal Mudallali

Le journal israélien Haaretz a qualifié les sanctions proposées à l'encontre de Netzah Yehuda de « grosse affaire » qui envoie « un message politique sans ambiguïté ». Mais il a ajouté : « L'ensemble de l'échelon politique israélien doit être tenu pour responsable. Les États-Unis devraient le dire sans équivoque ... au lieu de sanctionner un bataillon de voyous, les États-Unis devraient se concentrer sur Netanyahou et ses ministres ».

Comme on pouvait s'y attendre, la réaction officielle d'Israël a été de rejeter les sanctions, ce qui, selon Netanyahou, constituerait « le comble de l'absurdité et une atteinte à la morale » qu'il combattrait « de toutes ses forces ». 

L'armée israélienne a déclaré que les soldats de Netzah Yehuda « participaient actuellement à l'effort de guerre dans la bande de Gaza ... menant professionnellement et courageusement des opérations en accord avec le code d'éthique de l'IDF et avec un engagement total envers le droit international ». Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien, a déclaré à Blinken que des sanctions seraient une erreur car elles nuiraient à la légitimité internationale d'Israël en temps de guerre et parce que le système judiciaire israélien est « fort et indépendant ».

Le département d'État semble avoir cédé à la pression. Dans une lettre adressée au président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, Blinken a indiqué qu'il prévoyait de reporter « la décision de bloquer l'aide à l'unité afin de donner à Israël le temps de réparer les erreurs commises ». Blinken a précisé que le gouvernement israélien n'avait pas, jusqu'à présent, remédié de manière adéquate aux abus commis par Netzah Yehuda, mais qu'il avait « présenté de nouvelles informations concernant le statut de l'unité et que son gouvernement s'efforcerait d'identifier un moyen de remédier efficacement à la situation ». Cette décision est intervenue alors qu'une coalition d'avocats, dont au moins 20 travaillent dans l'administration Biden, a écrit au procureur général Merrick Garland et aux avocats généraux de toute l'administration pour faire valoir que les actions menées à Gaza n'étaient pas conformes au droit américain et au droit international.

Ce retard a également coïncidé avec la visite de Blinken en Israël la semaine dernière et avec l'opposition continue des États-Unis à une offensive terrestre israélienne à Rafah, où jusqu'à 1,5 million de civils palestiniens ont trouvé refuge.

Le report de la décision d'imposer des sanctions à Netzah Yehuda a été accueilli avec consternation par les défenseurs des droits de l'homme, qui estiment que la partialité et l'indulgence à l'égard des violations des droits de l'homme commises en un seul lieu envoient un message erroné, non seulement aux auteurs de ces violations, mais aussi au monde entier. Cela encourage l'impunité et le mépris de l'État de droit, et a un impact sur la justice, car, comme l'a dit Martin Luther King en 1963, : « L'injustice, où qu'elle se produise, est une menace pour la justice, où qu'elle se trouve ».

 

- Amal Mudallali est consultante sur les questions mondiales. Elle a été ambassadrice du Liban auprès des Nations unies.

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com