L’extrême droite au gouvernement: les turbulences en politique étrangère s'annoncent

Les photos du président du parti Les Républicains (LR) Eric Ciotti (en haut), du président du parti politique Rassemblement national (RN) et principal eurodéputé Jordan Bardella (au milieu de la rangée de gauche) et de la présidente du groupe parlementaire du RN Marine Le Pen (au milieu de la rangée de gauche), Le fondateur du Front national (FN) Jean-Marie Le Pen (en bas à gauche) et le maire RN de Perpignan Louis Aliot (en bas à droite) sont vus sur des canettes utilisées dans un jeu de piste lors d'un rassemblement contre l'extrême droite sur la place Albert 1er à Montpellier le 4 juillet 2024, avant le second tour des élections législatives en France. (Photo: AFP)
Les photos du président du parti Les Républicains (LR) Eric Ciotti (en haut), du président du parti politique Rassemblement national (RN) et principal eurodéputé Jordan Bardella (au milieu de la rangée de gauche) et de la présidente du groupe parlementaire du RN Marine Le Pen (au milieu de la rangée de gauche), Le fondateur du Front national (FN) Jean-Marie Le Pen (en bas à gauche) et le maire RN de Perpignan Louis Aliot (en bas à droite) sont vus sur des canettes utilisées dans un jeu de piste lors d'un rassemblement contre l'extrême droite sur la place Albert 1er à Montpellier le 4 juillet 2024, avant le second tour des élections législatives en France. (Photo: AFP)
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Publié le Vendredi 05 juillet 2024

L’extrême droite au gouvernement: les turbulences en politique étrangère s'annoncent

  • De nombreuses chancelleries dans le monde ont les yeux braqués sur la France, qui risque de basculer dimanche prochaine dans une cohabitation inédite dans l’histoire de la cinquième république
  • Ce parti extrémiste a beau adoucir ses prises de positions, il n’en reste pas moins proche de la Russie et de son président Vladimir Poutine, hostile aux pays arabes notamment les pays du Maghreb, qu’il considère comme la source de l’immigration

PARIS: De nombreuses chancelleries dans le monde ont les yeux braqués sur la France, qui risque de basculer dimanche prochaine dans une cohabitation inédite dans l’histoire de la cinquième république, entre le président Emmanuel Macron et un gouvernement d’extrême droite, si le Rassemblement National remporte une majorité absolue au second tour des élections législatives anticipées.

Plusieurs observateurs s’accordent à dire qu’un tel basculement s’il a lieu, risque d’engendrer de sérieuses turbulences au niveau de la politique étrangère du pays.

Ce parti extrémiste a beau adoucir ses prises de positions, il n’en reste pas moins proche de la Russie et de son président Vladimir Poutine, hostile aux pays arabes notamment les pays du Maghreb, qu’il considère comme la source de l’immigration et de l’islamisation dont il veut débarrasser la France, hostile à l’Europe car c’est un parti souverainiste notoire.

Il est vrai que dans le cadre des institutions de la cinquième république, la politique étrangère est le domaine réservé du président de la République, mais un gouvernement d’extrême droite pourrait chercher à s’affranchir de cette règle, surtout en ce qui concerne certains dossiers qui lui tiennent à cœur.

C’est d’ailleurs la crainte exprimée par un collectif de 170 diplomates anciens et en activités dans une tribune publiée le 23 juin dans le quotidien Le Monde pour mettre en garde contre les conséquences d’une victoire du Rassemblement National au niveau des relations politiques internationales.

La France a déjà connu par le passé des périodes de cohabitation en 1986 entre un président de gauche François Mitterand et un premier ministre de droite Jacques Chirac, en 1993 entre Mitterand et un autre premier ministre de droite Edouard Balladur, puis en 1993 entre Chirac devenu président et un premier ministre de gauche Lionel Jospin.

Durant ces trois périodes aucune des deux têtes du pouvoir n’a cherché à remettre en cause le consensus sur la politique internationale puisqu’il s’agissait à chaque de deux forces républicaines qui tenaient à préserver le poids et la voix française dans le monde.

Tel n’est pas le cas du Rassemblement National selon la tribune des diplomates, puisqu’il s’agit d’un parti de xénophobie et de repli dont la lecture de la politique internationale se fait par le prisme de ses considérations de politiques internes.

En dépit de ces inquiétudes, une source diplomatique française interrogée par Arab News en français tente de relativiser les dangers d’un gouvernement d’extrême droite sur la politique étrangère estimant « que la priorité de leur agenda sera la politique intérieure » en raison de la nécessité de donner à leurs électeurs des gages concrets de l’efficacité de leurs mesures.

La source concède par ailleurs qu’un gouvernement d’extrême droite peut être tenté de prendre sur le plan intérieur des mesures « qui peuvent avoir un impact sur nos relations avec tel pays ou tel groupe de pays en lien avec leur agenda en matière d’immigration et de sécurité ».

L’inquiétude à ce niveau concerne particulièrement les pays du Maghreb d’autant plus que le Rassemblement National plaide pour un arrêt total de l’immigration non européenne et que le président du parti a clairement indiqué aux binationaux de travailler des secteurs sensibles.

De telles mesures risquent d’envenimer les relations déjà compliquées que la France entretient avec les pays de cette région, ce qu’approuve la source diplomatique en précisant que l’impact le plus important concernera les relations avec l’Algérie.

Pourquoi l’Algérie ? Parce que le gouvernement d’extrême droite estime la source prendra des positions nettement plus favorables au Maroc concernant le Sahara occidental ce qui sera perçu par les Algériens comme une provocation, ils prendront des positions contraires aux intérêts algériens en s’opposant à tout geste additionnel sur les questions mémorielles et proposeront l’abrogation des accords franco-algériens de 1968 sur la réadmission des étrangers en situation irrégulière sur le sol français.

Le Maroc pour qui la question du Sahara occidental est une question centrale, ne sera percuté que par les mesures de restrictions sur les visas et la mobilité de ses citoyens, fermera éventuellement les yeux sans que cela ne lui fasse particulièrement plaisir.

La Tunisie également très sensible à la question de la mobilité et de l’immigration cependant indique la source le président tunisien Kaïs Saïed entretient des relations cordiales avec la première ministre italienne d’extrême droite Giorgia Melonie, ce qui pousse à penser qu’il en sera peut-être de même avec un gouvernement d’extrême droite française.

Si les secousses les plus violentes sont à prévoir avec l’Algérie, l’Europe n’est pas en reste, car en matière européennes, l’extrême droite affirme la source diplomatique sera « un interlocuteur difficile et pugnace », « ils n’iront pas jusqu’à entraver l’action de l’Union Européenne mais il sera très regardant sur les négociations commerciales ».

« Un futur gouvernement d’extrême droite demandera certainement un rabais sur le budget et une dérogation en matière de fiscalité », il sera toujours selon cette source « pointilleux, tatillon et cherchant à mettre des bâtons dans les rouages de la machine européenne ».

L’ultime espoir d’éviter toute ces complications à venir, réside dans les sondages qui indique un tassement du nombre de sièges parlementaires que le Rassemblement national occupera dans le parlement qui émergera des urnes à la suite des élections législatives anticipées convoquées à l’improviste par le président français.


Motion de censure: Le Pen attend la dissolution avec une «impatience croissante»

 Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
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  • Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu
  • Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver"

PARIS: Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante".

Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver".

"Poursuite du matraquage fiscal" avec 19 milliards d'impôts supplémentaires, "gel du barème" de l'impôt sur le revenu qui va rendre imposables "200.000 foyers" supplémentaires, "poursuite de la gabegie des dépenses publiques", "absence totale d'efforts sur l'immigration" ou sur "l'aide médicale d'Etat", ce budget "est un véritable musée de toutes les horreurs coincées depuis des années dans les tiroirs de Bercy", a-t-elle estimé.

Raillant le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui a accepté d'épargner le gouvernement en échange de la suspension de la réforme des retraites sans savoir par "quel véhicule juridique" et sans assurance que cela aboutisse, elle s'en est pris aussi à Laurent Wauquiez, le chef des députés LR, qui préfère "se dissoudre dans le socialisme" plutôt que de censurer.

"Désormais, ils sont tous d'accord pour concourir à éviter la tenue d'élections", "unis par la terreur de l'élection", a-t-elle dit.


A peine installé, Lecornu affronte deux motions de censure

Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée. (AFP)
Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée. (AFP)
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  • Sans recours au 49.3, que M. Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser, la bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et l'extrême droite s'annonce dantesque, dans des délais très contraints
  • Les socialistes se réservent d'ailleurs la possibilité de censurer le gouvernement au cours des discussions

PARIS: Un dernier obstacle avant d'entamer l'examen du budget: deux motions de censure contre le gouvernement de Sébastien Lecornu, l'une de LFI et l'autre du RN, seront débattues par les députés jeudi matin, et devraient être rejetées, dans un scrutin serré, faute de soutien du PS.

Le Parti socialiste a pris sa décision après avoir obtenu mardi satisfaction sur plusieurs revendications clés, dont l'annonce par le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, de la suspension de la réforme des retraites.

Un débat commun aux deux motions débutera à 09H00 dans l'hémicycle jeudi, et devrait durer environ deux heures trente. Le scrutin sera ensuite ouvert pour trente minutes sur une motion, puis l'autre.

Si la gauche ne soutiendra pas la motion du RN, la motion insoumise devrait elle recueillir les voix de l'extrême droite ainsi que des députés écologistes et communistes.

Manqueraient alors environ une vingtaine de députés pour atteindre la majorité (289 voix) qui ferait tomber le gouvernement, tout juste nommé dimanche.

"Je pense qu'il manque une poignée de voix et que la sagesse peut revenir à certains", a estimé mardi Marine Le Pen, qui défendra la motion de son groupe et de ses alliés ciottistes. Leur texte défend la nécessité d'une dissolution pour "sortir" le pays "de l'impasse".

Combien de députés franchiront le pas en s'affranchissant de la consigne de leur parti?

Chez les LR "deux ou trois" devraient voter la censure, selon une source au groupe.

"Quelques votes pour" sont également possibles chez les indépendants Liot, selon une source au sein du groupe centriste.

Chez les socialistes, le patron du parti Olivier Faure et le chef des députés Boris Vallaud ont appelé leurs troupes à s'en tenir à la ligne décidée de façon "quasi-unanime".

Mais le député Paul Christophe a fait savoir qu'il censurerait malgré tout: "mon sujet c'est la justice fiscale et le pouvoir d'achat, il n'y a pas d'engagement du gouvernement sur ces sujets", a-t-il dit à l'AFP.

Cinq autres députés ultramarins du groupe PS ont également annoncé censurer.

"Un leurre" 

Le socialiste Pierrick Courbon dit lui hésiter. Il s'inquiète que la suspension de la réforme des retraites, qui passera selon M. Lecornu par un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, implique que les socialistes soutiennent ce texte pour qu'il soit adopté. Or "le PLFSS du budget Macron" n'obtiendra "jamais ma voix", confie-t-il à l'AFP.

Un argument d'ailleurs repris en choeur par La France insoumise. "Vous vous apprêtez à commettre une monumentale erreur", a lancé lundi dans l'hémicycle le député Louis Boyard à l'adresse des socialistes.

"Le débat ouvert sur un éventuel décalage de la réforme des retraites est un leurre, comme l'a été avant lui le +conclave+ de François Bayrou", soutient la motion de censure insoumise, qui sera défendue jeudi par Aurélie Trouvé.

Lors de la première motion de censure contre le gouvernement Bayrou, qui n'avait pas abouti, huit socialistes avaient voté pour malgré la consigne de leur parti.

M. Bayrou avait finalement perdu un vote de confiance début septembre, devenant le deuxième Premier ministre à tomber depuis la dissolution de l'Assemblée en 2024, après la censure de Michel Barnier en décembre.

Si le gouvernement de Sébastien Lecornu survit, les débats autour du budget, dont le texte a été présenté en Conseil des ministres mardi, pourront enfin commencer à l'Assemblée.

La commission des Finances s'en emparera lundi, et il devrait arriver dans l'hémicycle vendredi.

Sans recours au 49.3, que M. Lecornu s'est engagé à ne pas utiliser, la bataille entre une gauche désunie, un socle commun fracturé et l'extrême droite s'annonce dantesque, dans des délais très contraints.

Les socialistes se réservent d'ailleurs la possibilité de censurer le gouvernement au cours des discussions.

Un député Horizons résume: "Je ne pense pas que le gouvernement sera censuré demain, mais il sera très fragile."


Darmanin veut mettre les victimes «au centre» du système judiciaire

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
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  • "Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat"
  • "Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme"

PARIS: Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a annoncé mardi soir avoir donné instruction de placer les "victimes au centre" du système judiciaire et précisé son projet de loi prévoyant une "peine minimum" d'un an de prison pour toute agression d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI.

Gérald Darmanin a assuré avoir pris une instruction ministérielle qui prendra effet "lundi prochain", exigeant que toute victime puisse être "reçue à (sa) demande" par les instances judiciaires ou encore qu'une notification lui soit adressée pour la prévenir "quand (son) agresseur sort de prison".

"Il est normal, si vous êtes victime de viol (...) que vous puissiez savoir quand la personne va sortir de prison", a illustré le garde des Sceaux.

"On va changer totalement le paradigme du ministère de la Justice. Au lieu de mettre l'accusé au centre, nous allons mettre la victime au centre", a encore souligné M. Darmanin.

Il a également précisé les contours d'un projet de loi pour instaurer une "peine minimum" d'un an de prison pour tout agresseur d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat", a-t-il affirmé.

"Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme", a-t-il insisté, espérant une entrée en vigueur en "début d'année prochaine" après un vote au Parlement.

Gérald Darmanin veut aussi légiférer pour qu'une peine de sursis ne puisse être prononcée qu'une seule fois avant le prononcé d'une peine de prison ferme, pour lutter contre les multirécidivistes.

"Les gens auront un seul sursis. Et puis s'ils en ont un deuxième, c'est directement la case prison ou c'est directement l'application de la peine de sursis, par exemple le travail d'intérêt général", a-t-il prôné lors de cet entretien donné après le discours de politique générale de Sébastien Lecornu.

"Si nous ne corrigeons pas nos excès, si nous ne faisons pas preuve d'humilité, si nous ne disons pas que nous nous sommes trompés (...), je crois que nous courons le grand danger d'être éliminés totalement de la vie politique française et de laisser aux Français le choix entre l'extrême droite et l'extrême gauche" lors de la présidentielle de 2027, a-t-il ajouté.