PHNOM PENH : Un journaliste cambodgien réputé pour ses enquêtes sur la traite des êtres humains a déclaré mardi à l'AFP qu'il se retirait du journalisme, affirmant « avoir peur » après son arrestation par les autorités et sa libération sous caution.
La police a arrêté Mech Dara le 30 septembre pour incitation au désordre, avant de le relâcher sous caution trois semaines plus tard, une fois que le journaliste s'est excusé auprès de l'ancien dirigeant Hun Sen et de son fils et actuel Premier ministre Hun Manet.
« J'ai perdu courage », a déclaré M. Dara à l'AFP.
« J'ai toujours peur », a-t-il ajouté, précisant que les autorités avaient fait un usage excessif de la force lors de son arrestation et l'avaient ensuite interrogé toute la nuit.
Il a également demandé à la Cour d'abandonner les charges retenues contre lui.
Les travaux de Mech Dara avaient été publiés dans plusieurs médias internationaux, notamment dans le journal indépendant Voice of Democracy au Cambodge, avant que les autorités ne le ferment en février 2023.
Depuis, le journaliste utilisait les réseaux sociaux pour partager des informations.
M. Dara a été primé pour son travail sur les « fermes à escroquerie », qui extorquent d'importantes sommes d'argent en ligne et alimentent la traite d'êtres humains dans toute la région.
L'année dernière, le secrétaire d'État américain Antony Blinken lui a décerné le Hero Award, qui récompense les efforts déployés dans la lutte contre la traite des êtres humains, pour ses enquêtes sur l'exploitation des sites d'escroquerie en ligne.
Son arrestation est survenue un jour après la publication sur ses réseaux sociaux d'images censées montrer un site touristique démoli pour faire place à une carrière, selon l'Association de l'alliance des journalistes cambodgiens.
Les autorités locales ont qualifié les images, désormais supprimées, de « fake news » et ont demandé que M. Dara soit sanctionné pour les avoir publiées.
Après l'annonce des accusations contre Dara, la Cour de Phnom Penh l'a accusé d'avoir publié des messages sur les réseaux sociaux dans le but de « déclencher la colère » et de « faire en sorte que les gens se méprennent sur le gouvernement cambodgien ».
Les accusations d'incitation au désordre sont fréquemment utilisées par les autorités cambodgiennes à l'encontre des militants, et M. Dara risque jusqu'à deux ans d'emprisonnement s'il est reconnu coupable.
Le Cambodge se situe dans les derniers rangs des classements internationaux en matière de liberté de la presse. En effet, le régime en place depuis 1979 réprime toute dissidence.