Exploiter le soleil : la révolution solaire de l'Arabie saoudite

Le programme national d'énergie renouvelable de l'Arabie saoudite prévoit que le Royaume vise une capacité d'énergie solaire de 40 gigawatts d'ici 2030. Ci-dessus, la centrale solaire d'Uyayna, au nord de Riyad, le 29 mars 2018. (Photo d'archives AFP)
Le programme national d'énergie renouvelable de l'Arabie saoudite prévoit que le Royaume vise une capacité d'énergie solaire de 40 gigawatts d'ici 2030. Ci-dessus, la centrale solaire d'Uyayna, au nord de Riyad, le 29 mars 2018. (Photo d'archives AFP)
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Publié le Dimanche 22 décembre 2024

Exploiter le soleil : la révolution solaire de l'Arabie saoudite

  • L'Arabie saoudite est un leader mondial dans l'extraction des ressources énergétiques souterraines, mais c'est sa volonté d'exploiter une source d'énergie céleste qui retient désormais l'attention
  • L'objectif ambitieux du programme national d'énergie renouvelable de l'Arabie saoudite vise une capacité d'énergie solaire de 40 gigawatts d'ici 2030

RIYAD : L'Arabie saoudite est un leader mondial dans l'extraction des ressources énergétiques souterraines, mais c'est sa volonté d'exploiter une source d'énergie céleste qui retient désormais l'attention.

Des politiques gouvernementales favorables, la volonté de répondre à la demande d'énergie grâce aux énergies renouvelables et la réduction de la dépendance à l'égard des combustibles fossiles sont autant de facteurs qui favorisent l'essor de l'industrie solaire dans le pays.

L'objectif ambitieux du programme national d'énergie renouvelable de l'Arabie saoudite vise une capacité d'énergie solaire de 40 gigawatts d'ici 2030, ce qui promet d'importantes opportunités pour le marché dans les années à venir.

Selon le cabinet d'études de marché Mordor Intelligence, le marché solaire du Royaume devrait atteindre un taux de croissance annuel composé de 51 % entre 2024 et 2029, grâce à la mise en service d'un grand nombre d'installations.

Toutefois, des défis se profilent à l'horizon avec la montée en puissance d'autres sources d'énergie propre comme l'éolien et la disponibilité continue des combustibles fossiles qui peuvent entraver la croissance du marché de l'énergie solaire.

Les technologies solaires déployées en Arabie saoudite pour maximiser l'efficacité énergétique

Selon Christopher Decker, associé en énergie et ressources naturelles chez Oliver Wyman, Inde, Moyen-Orient et Afrique, l'Arabie saoudite est à l'avant-garde des technologies solaires innovantes visant à maximiser l'efficacité énergétique et la durabilité dans la région.

"Une avancée notable est la centrale solaire concentrée de Dumat Al-Jandal, qui exploite l'énergie solaire pour chauffer du liquide afin de stocker l'énergie thermique, ce qui permet de disposer d'énergie même lorsque la lumière du soleil n'est pas présente", a-t-il déclaré.

"En outre, la centrale solaire de Sakaka utilise des panneaux solaires bifaciaux qui tirent parti de la réflectivité du sable environnant, ce qui améliore considérablement l'efficacité solaire. Pour maintenir des performances optimales, des projets tels que la centrale Noor Energy 1 à NEOM ont mis en œuvre des technologies de nettoyage robotisé sans eau, qui non seulement garantissent une efficacité élevée mais réduisent également les coûts d'exploitation", a ajouté M. Decker.

M. Decker a ajouté que l'intégration des réseaux intelligents et des technologies d'intelligence artificielle permettait d'optimiser la production d'énergie solaire en prédisant la demande d'énergie et en prévoyant les conditions météorologiques, minimisant ainsi les déchets.

"Enfin, l'initiative NEOM Green Hydrogen illustre l'utilisation de l'énergie solaire pour produire de l'hydrogène vert et, par la suite, de l'ammoniac vert, ce qui témoigne d'un engagement en faveur de solutions énergétiques durables. Ensemble, ces technologies font de l'Arabie saoudite un leader dans le domaine de l'innovation solaire et favorisent la transition vers un avenir énergétique plus durable", a déclaré M. Decker.

Les technologies solaires ont atteint un haut degré de maturité au niveau mondial et les réductions de coûts sont dues à l'efficacité croissante des cellules solaires ainsi qu'aux économies d'échelle.

Selon Adnan Merhaba, associé et responsable du secteur de l'énergie et des services publics chez Arthur D. Little Middle East, ces innovations progressives ont également fait leur chemin en Arabie saoudite et certains développeurs ont proposé des développements supplémentaires, tels que les cellules solaires bifaciales, qui peuvent encore améliorer les rendements.

"L'Arabie saoudite, leader en matière de technologie de dessalement de l'eau, est également à l'avant-garde du dessalement solaire pour améliorer la durabilité. En outre, les instituts de recherche de l'Arabie saoudite investissent dans la prochaine génération de cellules solaires à haut rendement, telles que les cellules tandem de pérovskite, qui peuvent permettre un changement radical en termes de gains d'efficacité", a déclaré M. Merhaba.

L'Université des sciences et technologies du roi Abdallah est un excellent exemple de l'essor de l'industrie solaire en Arabie saoudite.

Selon Stefaan De Wolf, professeur de science et d'ingénierie des matériaux à la division des sciences physiques et de l'ingénierie de l'université, l'institution est pionnière dans la recherche et le développement de technologies photovoltaïques émergentes visant à maximiser l'efficacité énergétique et la durabilité.

"L'une des innovations clés que nous développons est la combinaison de la pérovskite et du silicium photovoltaïque, qui améliore considérablement l'efficacité de l'énergie solaire par rapport aux technologies traditionnelles. Cette approche hybride permet d'obtenir des cellules solaires à très haut rendement, même dans les conditions environnementales difficiles de l'Arabie saoudite (températures élevées et poussière)", a déclaré M. De Wolf.

"En outre, nous étudions le développement de panneaux solaires bifaciaux, qui peuvent produire de l'électricité des deux côtés, ce qui améliore encore le rendement énergétique. Ces innovations sont conçues pour aider l'Arabie saoudite non seulement à maximiser son potentiel en matière d'énergie solaire, mais aussi à contribuer à l'avancement mondial des solutions énergétiques durables", a ajouté le professeur.

De son côté, Qiaoqiang Gan, professeur de science et d'ingénierie des matériaux à la même division, a souligné le fait que les intervenants du secteur recherchent activement des technologies avancées de gestion thermique pour réduire les températures de fonctionnement des systèmes photovoltaïques installés dans le Royaume.

"Ce défi est pressant pour les pays du Moyen-Orient en raison des températures élevées de la région. Pour résoudre ce problème, il faut des matériaux et des dispositifs plus fiables au niveau microscopique, ainsi que des stratégies de gestion thermique avancées au niveau opérationnel", a déclaré M. Gan.

Shihab El-Borai, partenaire chez Strategy & Middle East, a souligné que des projets tels que le Sudair Solar PV témoignent de l'engagement de l'Arabie saoudite en matière d'innovation technologique, en intégrant des panneaux bifaciaux et des systèmes de suivi solaire pour optimiser l'efficacité.

"L'Arabie saoudite tire parti d'innovations de classe mondiale dans le domaine de l'énergie solaire non seulement pour produire de l'électricité, mais aussi pour créer un modèle durable pour l'ensemble de la région", a déclaré M. El-Borai.

"Des entreprises comme Mirai Solar font également des progrès avec des panneaux solaires multifonctionnels qui exploitent la lumière diffuse du soleil tout en offrant un ombrage variable. Ces innovations démontrent la capacité de l'Arabie saoudite à tirer parti des technologies de pointe pour réduire son empreinte carbone et se positionner en tant que leader mondial de l'énergie solaire", a-t-il ajouté.

Contribution du secteur solaire à la diversification économique et aux objectifs énergétiques du Royaume

La croissance du secteur de l'énergie solaire en Arabie saoudite est vitale pour la diversification économique du pays et s'inscrit dans les objectifs de Vision 2030. En améliorant l'infrastructure de l'énergie solaire, l'Arabie saoudite catalyse l'émergence de nouveaux secteurs, attire les investissements internationaux et cultive une culture de l'innovation.

"Cette croissance soutient non seulement la fabrication locale et les chaînes d'approvisionnement, mais génère également des opportunités d'emploi et renforce le développement du capital humain, positionnant le Royaume comme un leader régional en matière d'énergie renouvelable", a déclaré M. Decker d'Oliver Wyman.

"En termes de sécurité énergétique, l'énergie solaire contribue à un mix énergétique résilient et diversifié. En intégrant des technologies solaires avancées, le stockage de l'énergie et des réseaux intelligents, l'Arabie saoudite peut améliorer la flexibilité et la stabilité de son réseau électrique", a-t-il ajouté.

Le partenaire d'Oliver Wyman a continué à souligner que les initiatives solaires, comme la production d'hydrogène vert, garantissent que le Royaume ajoute un flux supplémentaire d'exportation d'énergie, en exploitant de nouvelles sources de revenus tout en promouvant la durabilité environnementale.

"Cette expansion stratégique renforce les capacités énergétiques de l'Arabie saoudite pour l'avenir", a conclu M. Decker.
La demande d'électricité ne cesse d'augmenter dans le Royaume, en grande partie sous l'effet de la croissance économique et démographique, ainsi que des développements à grande échelle dans tout le pays.

"Le déploiement à grande échelle de projets solaires peut également soutenir des secteurs adjacents tels que le stockage des batteries, les technologies de réseaux intelligents et la production d'hydrogène vert. Du point de vue de la sécurité énergétique, le fait de brûler moins d'hydrocarbures pour l'usage domestique libère plus de pétrole pour l'exportation, ce qui augmente les revenus pour l'investissement dans la diversification économique et aide également le Royaume à atteindre ses objectifs de durabilité", a-t-il ajouté.

Au nom de la KAUST, M. De Wolf a expliqué qu'en investissant dans les énergies renouvelables, en particulier l'énergie solaire, le Royaume réduit sa dépendance à l'égard des combustibles fossiles et construit une économie plus durable et plus résistante.

M. De Wolf a également indiqué que, compte tenu de sa situation géographique, l'Arabie saoudite dispose d'une abondance d'énergie solaire, supérieure à celle de nombreux pays développés - un avantage évident en termes de lumière solaire disponible en tant que source d'énergie.

"Toutefois, les températures élevées représentent un défi important, car elles entraînent une surchauffe des cellules solaires à semi-conducteurs. Pour mettre en œuvre efficacement des systèmes photovoltaïques en Arabie saoudite, il est essentiel de développer des solutions spécialisées qui tiennent pleinement compte des conditions météorologiques et environnementales locales uniques. Ces solutions doivent viser à maximiser l'utilisation de l'énergie solaire abondante tout en atténuant les effets négatifs sur les performances des systèmes photovoltaïques", a déclaré le professeur.

Il a ajouté que la mise au point de ces solutions spécialisées nécessitera des travaux de recherche et de développement supplémentaires, ce qui présentera à la fois des opportunités et des défis pour la réalisation des objectifs de sécurité énergétique.

M. El-Borai, de la société PwC, a souligné qu'en adoptant les énergies renouvelables, le Royaume garantit un approvisionnement énergétique plus stable et durable, favorisant ainsi une croissance économique soutenue.

"La localisation de la production d'énergie renouvelable est un autre élément essentiel. L'Arabie saoudite se concentre sur la production nationale de composants d'énergie renouvelable, réduisant ainsi sa dépendance à l'égard des importations et se positionnant en tant que plaque tournante pour les technologies d'énergie propre. En localisant la production d'énergie renouvelable, l'Arabie saoudite se positionne comme un centre de technologies d'énergie propre dans la région, renforçant à la fois la croissance économique et la sécurité énergétique", a-t-il déclaré.

"D'ici à 2030, l'Arabie saoudite entend produire 1,2 million de tonnes d'hydrogène vert par an, l'énergie solaire alimentant le processus d'électrolyse. Cette double orientation vers l'énergie solaire et l'hydrogène devrait favoriser une plus grande diversification économique et consolider le leadership du Royaume en matière d'énergie verte", a ajouté M. El-Borai.

Défis de l'industrie solaire du Royaume

Le déploiement de l'énergie solaire en Arabie saoudite est confronté à des défis importants, notamment en ce qui concerne la localisation de la chaîne de valeur et la prise en compte des facteurs environnementaux tels que les températures élevées et la poussière.

Du point de vue de Decker, l'Arabie saoudite est confrontée à plusieurs défis pour augmenter sa capacité en matière d'énergie solaire, dont deux sont les limites de l'infrastructure et les complexités de la réglementation.

"Pour relever ces défis, l'Arabie saoudite investit dans la modernisation de son infrastructure de réseau grâce à des technologies de réseau intelligent et à des solutions de stockage de l'énergie, permettant une meilleure gestion de l'énergie solaire intermittente. Le gouvernement travaille à la rationalisation des processus réglementaires et à l'introduction de systèmes d'incitation, tels que les partenariats public-privé et les tarifs favorables, afin d'encourager les investissements du secteur privé, mais il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine", a-t-il ajouté.

Du côté d'Arthur D. Little Middle East, M. Merhaba a déclaré que pour atteindre ses objectifs très ambitieux d'ici 2030, le Royaume devra surmonter des défis techniques, des problèmes de chaîne d'approvisionnement mondiale dus à l'augmentation de la demande de cellules solaires, et une offre concentrée en grande partie en Chine.

Les perturbations du commerce mondial, la localisation et le capital humain nécessaires pour assurer le développement d'une industrie de la chaîne de valeur solaire robuste et compétitive dans le Royaume, ainsi qu'une offre adéquate d'ingénieurs et de techniciens pour répondre à la demande croissante dans le secteur, sont également des sujets d'inquiétude.

Le pays dispose de stratégies et de politiques solides, notamment de plans nationaux d'industrialisation et de localisation, ainsi que d'autres initiatives, qui sont prêtes à l'aider à surmonter efficacement ces obstacles.

Impact de Saudi Vision 2030 sur les stratégies de transition vers les sources d'énergie renouvelables

D'ici à 2030, l'Arabie saoudite vise à produire environ 58,7 GW d'énergie renouvelable, l'énergie solaire contribuant à hauteur de 40 GW à ce total.

Au nom d'Oliver Wyman, M. Decker a expliqué qu'en ce qui concerne l'établissement d'un cadre réglementaire pour faciliter le développement des énergies renouvelables, la Vision 2030 souligne la nécessité d'un environnement favorable.

Cela implique la création de politiques qui encouragent la participation du secteur privé par le biais d'accords d'achat d'électricité qui garantissent des revenus à long terme aux investisseurs, des subventions et des réformes tarifaires pour rendre l'énergie renouvelable plus compétitive, et des processus d'autorisation rationalisés pour réduire les obstacles bureaucratiques pour les projets solaires.

En ce qui concerne la promotion des investissements du secteur privé, M. Decker a souligné que le gouvernement saoudien encourageait activement les partenariats public-privé et les investissements directs étrangers pour stimuler la croissance des projets d'énergie solaire.

"Le programme national d'énergie renouvelable, lancé dans le cadre de Vision 2030, est une initiative clé qui vise à attirer 30 à 50 milliards de dollars d'investissements pour des projets d'énergie renouvelable", a-t-il déclaré.

En ce qui concerne le maintien d'un secteur énergétique traditionnel solide tout en investissant dans la diversification, M. Decker a ajouté : "Si Vision 2030 met l'accent sur la transition vers les énergies renouvelables, elle reconnaît également l'importance de maintenir un secteur énergétique traditionnel solide, en particulier le pétrole et le gaz, qui restent essentiels à l'économie du Royaume."

Cette initiative intervient alors que l'Arabie saoudite cherche à optimiser sa production de pétrole et de gaz grâce à des avancées technologiques et à des améliorations de l'efficacité, afin de garantir que le secteur continue à générer des revenus.

Au nom d'Arthur D. Little Middle East, M. Merhaba a souligné que le Royaume a connu un changement radical de son paysage économique et énergétique au cours des dernières années.

"Le Royaume a inauguré l'ère des énergies renouvelables et accéléré le déploiement de l'énergie solaire. Avec un objectif très ambitieux d'atteindre 50 % d'énergies renouvelables d'ici 2030, qui fait l'objet d'une révision à la hausse, il a non seulement conduit au développement de mégaprojets solaires à des prix historiquement bas, mais aussi à la création d'une dynamique de développement de champions nationaux sur l'ensemble de la chaîne de valeur du solaire", a-t-il déclaré.

M. De Wolf a rappelé que la Vision a créé un climat favorable à l'investissement et au développement, avec des objectifs ambitieux en matière d'énergies renouvelables qui façonnent l'avenir du mix énergétique du Royaume.

De même, M. Gan a souligné que la Vision 2030 a créé un terrain fertile pour le développement de l'énergie solaire, avec des politiques qui encouragent les partenariats public-privé et investissent massivement dans l'infrastructure des énergies renouvelables.

"Cette initiative vise à diversifier le mix énergétique du Royaume par une transition vers des sources d'énergie plus propres et plus durables", a-t-il déclaré.

Du côté de PwC, M. El-Borai a expliqué que le programme national pour les énergies renouvelables est au cœur de cette initiative.

"D'ici à 2060, l'Arabie saoudite vise à atteindre le statut Net Zero, soutenu par des engagements financiers significatifs, tels que l'investissement prévu de 266 milliards de dollars dans des sources d'énergie plus propres, y compris l'énergie solaire", a-t-il déclaré.

"Le Royaume développe activement des projets d'une capacité de 20 GW par an pour atteindre son objectif de 100 GW à 130 GW d'énergie propre d'ici 2030. Ce cadre stratégique met également l'accent sur la localisation de la production d'énergie renouvelable, avec des collaborations telles que le partenariat du Fonds d'investissement public avec des fabricants chinois de panneaux solaires pour établir une capacité de production de 30 GW de panneaux solaires photovoltaïques. Le NREP ne vise pas seulement à produire de l'énergie propre, mais aussi à assurer l'avenir énergétique du Royaume et à réduire sa dépendance à l'égard des combustibles fossiles", a déclaré l'associé de PwC.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


Droits de douane : Éric Lombard affirme croire en la possibilité d'un accord avec Washington

Le ministre français de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Éric Lombard, s'exprime lors d'une conférence de presse avant une réunion avec le deuxième comité d'alerte budgétaire à Paris, le 26 juin 2025. (Photo de JULIEN DE ROSA / AFP)
Le ministre français de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Éric Lombard, s'exprime lors d'une conférence de presse avant une réunion avec le deuxième comité d'alerte budgétaire à Paris, le 26 juin 2025. (Photo de JULIEN DE ROSA / AFP)
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  • Le ministre de l'Économie Éric Lombard se montre optimiste quant à la possibilité d’un accord, notamment via des discussions sur les importations d’énergie américaine en Europe.
  • "À l'expérience des derniers mois, on voit bien que les États-Unis sont dans la transaction", a-t-il déclaré dans un entretien.

PARIS : Face à la menace de nouveaux droits de douane brandie par l'administration Trump, le ministre de l'Économie Éric Lombard se montre optimiste quant à la possibilité d’un accord, notamment via des discussions sur les importations d’énergie américaine en Europe.

"À l'expérience des derniers mois, on voit bien que les États-Unis sont dans la transaction", a-t-il déclaré dans un entretien à La Tribune Dimanche, publié en ligne samedi. Alors que les surtaxes douanières doivent théoriquement entrer en vigueur en juillet, il estime : "Je pense que nous allons trouver un deal avec les Américains."

Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Donald Trump a fait des droits de douane un pilier de sa politique commerciale. Il a instauré de nouvelles taxes sur de nombreux produits importés, avant de concéder une pause de 90 jours, qui prendra fin le 9 juillet.

Dans les négociations en cours entre l’Union européenne et Washington, des discussions pourraient inclure le secteur énergétique, en particulier le gaz naturel liquéfié (GNL). "L'Europe achète encore du GNL russe. Trois usines de liquéfaction sont en construction dans le golfe du Mexique. Nous pouvons donc augmenter nos importations de gaz américain, ce qui pourrait peser dans les négociations pour éviter une hausse de 10 % des tarifs", a précisé Éric Lombard.

Il a néanmoins plaidé pour une position ferme vis-à-vis des États-Unis : "Les premières mesures de riposte sur 22 milliards d’euros d’importations sont en suspens. Nous travaillons avec la Commission européenne sur un second paquet, bien plus conséquent. L’idéal serait de parvenir à un accord sans devoir enclencher ces représailles."

Interrogé sur les risques économiques liés aux tensions au Moyen-Orient, notamment entre Israël et l’Iran, le ministre a écarté la crainte d’un regain d’inflation. "À 68 dollars le baril, les cours du pétrole restent en ligne avec les prévisions. Je ne vois pas de risque d’un retour de l’inflation énergétique, comme lors de la première année de la guerre en Ukraine", a-t-il estimé.

Enfin, Éric Lombard a défendu un mix énergétique associant nucléaire et renouvelables, dans un contexte de transition écologique. "J’espère que l’on va cesser les rodomontades politiques sur les énergies renouvelables", a-t-il lancé. "Dans le monde décarboné de demain, notre indépendance énergétique reposera sur ces deux sources. Il faut soutenir ces filières, créatrices de dizaines de milliers d’emplois dans nos territoires." 


Global SWF: le PIF adopte la "finance de précision" avec une stratégie de dette diversifiée

La stratégie d'investissement du PIF est équilibrée entre le développement national et le positionnement mondial. (Fichier/Getty)
La stratégie d'investissement du PIF est équilibrée entre le développement national et le positionnement mondial. (Fichier/Getty)
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  • Le Fonds public d'investissement d'Arabie saoudite adopte une approche calibrée et multi-instruments de l'émission de dette, décrite par Global SWF comme un modèle de "finance de précision"
  • Dans son rapport, Global SWF note que le PIF s'éloigne d'une focalisation unique sur les émissions de méga-obligations à long terme et s'oriente vers un cadre d'endettement plus agile

RIYAD : Le Fonds public d'investissement d'Arabie saoudite adopte une approche calibrée et multi-instruments de l'émission de dette, décrite par Global SWF comme un modèle de "finance de précision".

Selon le cabinet d'études, l'objectif - suite à l'émission du programme de papier commercial en juin - est d'aligner les outils de financement du PIF sur les calendriers d'investissement, les besoins de liquidités et le ciblage des investisseurs, tout en renforçant la discipline financière à travers son portefeuille en expansion.

Dans son rapport, Global SWF note que le PIF s'éloigne d'une focalisation unique sur les émissions de méga-obligations à long terme et s'oriente vers un cadre d'endettement plus agile qui comprend des billets de trésorerie, des sukuk, des obligations vertes et des obligations conventionnelles à tranches multiples.

Cette stratégie est conçue non seulement pour lever des capitaux, mais aussi pour le faire avec précision, en faisant correspondre les échéances aux cycles de vie des projets et en diversifiant les sources de financement sur les marchés mondiaux.

Global SWF a souligné que la dernière mesure prise par le PIF complète un portefeuille de dettes à spectre complet qui comprend désormais des instruments à échéance ultra-courte ou ultra-longue.

Le papier commercial, émis en dollars américains et en euros par l'intermédiaire de structures d'accueil offshore, a obtenu les meilleures notations de crédit à court terme disponibles : Prime-1 de Moody's et F1+ de Fitch.

Ces notations reflètent une qualité de crédit exceptionnelle et permettent au PIF d'accéder à d'importants gisements de liquidités auprès d'investisseurs institutionnels tels que les fonds du marché monétaire.

Le programme de papier commercial est un complément essentiel à une stratégie d'emprunt qui comprend également une obligation verte à 100 ans de 3 milliards de dollars émise en octobre 2022, une obligation verte de 5,5 milliards de dollars en février 2023, un sukuk de 3,5 milliards de dollars en octobre 2023, et une série d'obligations multitranches et de sukuk émis jusqu'au début de l'année 2025.

Pour chaque émission, le PIF a adapté la durée, la devise et la structure afin de répondre aux objectifs financiers et d'investissement spécifiques.

L'évolution de la stratégie financière du PIF est étroitement liée à sa transformation plus large dans le cadre de la Vision 2030. Depuis 2016, le fonds a augmenté ses actifs sous gestion de 160 milliards de dollars à 941,3 milliards de dollars, selon le dernier rapport annuel de Vision 2030. Il a désormais porté son objectif d'actifs sous gestion pour 2030 à 2,67 billions de dollars, reflétant ainsi l'élargissement de son mandat et l'accroissement de son profil international.

La stratégie d'investissement du PIF est équilibrée entre le développement national et le positionnement mondial. Environ 40 % de ses actifs sont alloués à des entreprises et des projets basés en Arabie saoudite, tandis que les 60 % restants sont destinés à des secteurs internationaux tels que la technologie, la logistique, l'exploitation minière et le tourisme.

Selon le rapport Vision 2030, les initiatives du PIF ont permis de créer 1,1 million d'emplois, d'attirer plus de 37 milliards de dollars de capitaux privés et de faire passer le nombre d'entreprises établies par le PIF de 45 en 2021 à 93 en 2024.

Une stratégie qui s'écarte des normes du Golfe

Alors que d'autres fonds souverains, comme le NBIM norvégien, ne s'endettent pas du tout et que le Temasek de Singapour ou la China Investment Corporation empruntent avec parcimonie, le PIF a opté pour un modèle hybride, qui combine des injections de capitaux publics et une utilisation stratégique des instruments d'emprunt.

Selon Global SWF, il ne s'agit pas d'emprunts opportunistes. Le PIF pratique plutôt une adéquation délibérée entre l'actif et le passif, en se concentrant sur l'émission d'obligations à long terme pour soutenir des projets gigantesques tels que NEOM ou The Line, tout en utilisant la dette à court terme pour les besoins en fonds de roulement et les investissements en fonction du marché.

Les offres de sukuk permettent de puiser dans les liquidités de la finance islamique régionale, et les obligations vertes ciblent les capitaux mondiaux axés sur l'environnement, la société et la gouvernance.

Cette approche différenciée permet au PIF d'élargir sa base d'investisseurs tout en maintenant des coûts de financement adaptés à la nature et à la durée de ses projets.

L'importance des notations

La crédibilité du fonds est renforcée par d'excellentes notations de crédit à long terme : Aa3 de Moody's et A+ de Fitch. Cela lui a permis d'obtenir des conditions favorables lors de ses émissions obligataires successives et de confirmer que le PIF est considéré comme un emprunteur à court terme exceptionnellement peu risqué, ce qui lui donne un accès transparent aux liquidités institutionnelles à l'échelle mondiale.

Global SWF a souligné que les notations, combinées à la diversité des formats d'émission, placent le PIF au sein d'un petit groupe de fonds souverains ayant la capacité interne de gérer des programmes d'emprunt complexes et à plusieurs niveaux.

L'Arabie saoudite évolue actuellement dans un environnement budgétaire plus serré, avec un déficit budgétaire prévu de 2,3 % en 2025 et une approche plus disciplinée des dépenses publiques.

Dans ce contexte, l'accès du PIF aux marchés des capitaux est plus que financier : selon Global SWF, il sert de pont stratégique qui permet l'exécution continue des projets sans exercer de pression excessive sur les réserves de l'État.

Le cabinet a noté que le récent calendrier des obligations et des sukuk du fonds illustre un plan de financement séquencé et diversifié, plutôt qu'une dépendance à l'égard d'un seul type d'émission. Cela est d'autant plus important que les taux d'intérêt mondiaux restent volatils et que les investisseurs examinent de plus en plus attentivement la viabilité de la dette souveraine.

Plutôt que de considérer la dette comme un outil ponctuel, le fonds la déploie systématiquement, en fonction de la durée, de l'objectif et du groupe d'investisseurs, afin de soutenir une vision de 2,6 billions de dollars pour la diversification économique et le leadership mondial en matière d'investissement.

Alors que le Royaume aborde la dernière ligne droite de la mise en œuvre de la Vision 2030, la stratégie de capital du PIF offre une étude de cas sur la manière dont les fonds souverains peuvent combiner la discipline financière, la sophistication du marché et l'ambition nationale dans un cadre de financement unifié.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Gaza: BNP Paribas attaquée en justice pour «manquement» au devoir de vigilance

La loi impose aux grandes entreprises françaises de publier un plan de vigilance permettant de prévenir notamment les risques environnementaux et atteintes aux droits humains liés à leurs activités. (AFP)
La loi impose aux grandes entreprises françaises de publier un plan de vigilance permettant de prévenir notamment les risques environnementaux et atteintes aux droits humains liés à leurs activités. (AFP)
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  • La loi impose aux grandes entreprises françaises de publier un plan de vigilance permettant de prévenir notamment les risques environnementaux et atteintes aux droits humains liés à leurs activités
  • "Or, loin de respecter ces obligations, BNP Paribas, dans son plan de vigilance 2024, n'a pas daigné mentionner l'existence même de ses activités au soutien de l'Etat d'Israël ou d'entreprises armant l'Etat d'Israël"

PARIS: Une association de juristes a annoncé vendredi avoir assigné BNP Paribas en justice pour "manquement à son devoir de vigilance", reprochant au groupe bancaire d'avoir omis de mentionner des activités soutenant Israël, notamment dans le cadre de son offensive militaire à Gaza.

La loi impose aux grandes entreprises françaises de publier un plan de vigilance permettant de prévenir notamment les risques environnementaux et atteintes aux droits humains liés à leurs activités.

"Or, loin de respecter ces obligations, BNP Paribas, dans son plan de vigilance 2024, n'a pas daigné mentionner l'existence même de ses activités au soutien de l'Etat d'Israël ou d'entreprises armant l'Etat d'Israël", a estimé l'association Juristes pour le respect du droit international (Jurdi) dans un communiqué.

"En effet, la garantie apportée par BNP Paribas pour le bon achèvement d'une opération de souscription de 8 milliards de dollars d'obligations au bénéfice du gouvernement israélien n'y figure pas. Pas plus son soutien à la société Elbit Systems, pourtant principal fournisseur d’armes à l’Etat d’Israël", a-t-elle précisé.

L'association, qui rassemble des avocats et des magistrats, affirme avoir mis en demeure en décembre 2024 BNP Paribas de modifier son plan de vigilance, ce que le groupe bancaire a selon elle refusé de faire en mars. Elle a donc décidé de l'assigner devant le tribunal judiciaire de Paris.

"BNP Paribas doit actualiser son plan de vigilance pour se conformer à la loi française sur le devoir de vigilance en intégrant dans son plan les risques d'atteintes graves aux droits humains liés à ses activités dans le contexte du conflit israélo-palestinien et les mesures de prévention engagées pour les limiter", a commenté Ghislain Poissonnier, vice-président de Jurdi, cité dans le communiqué.

"Ces activités sont en effet susceptibles d'être à l'origine de violation des droits humains de la population palestinienne, que ce soit dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est", a-t-il ajouté.