Plus de vingt ans après le lancement de l'Initiative de coopération d'Istanbul, l'OTAN et ses partenaires évaluent les avancées réalisées et explorent de nouvelles options pour renforcer leur partenariat, tout en encourageant de nouveaux membres à les rejoindre.
Pour attirer de nouveaux partenaires, l'OTAN doit mieux prendre en compte les préoccupations de la région. L'une de ces préoccupations majeures est la situation fragile en Syrie, et l'OTAN dispose de la position idéale pour y jouer un rôle efficace. Un succès en Syrie aurait des répercussions positives dans l'ensemble de la région.
L'OTAN a pris plusieurs mesures pour renforcer ses liens avec la région. Lors de son sommet de Vilnius en 2023, l'organisation a lancé une réflexion approfondie sur les menaces, les défis et les opportunités dans le Sud.
Lors de son sommet de 2024 à Washington, au cours duquel l'OTAN a célébré le 75e anniversaire de sa fondation en 1949, elle est allée plus loin en approfondissant et en élargissant la portée de sa politique de voisinage méridional, afin de « favoriser une sécurité et une stabilité accrues au Moyen-Orient et en Afrique, contribuant ainsi à la paix et à la prospérité dans la région ». Elle a adopté un plan d'action pour une « approche plus forte, plus stratégique et axée sur les résultats » envers ses voisins du sud, et a déclaré que ce plan serait régulièrement mis à jour.
Dans le cadre de la mise en œuvre de cette approche plus efficace, le secrétaire général de l'OTAN a nommé un représentant spécial pour le voisinage sud, qui sert de point focal de l'organisation pour cette région. Il a affirmé que cette nomination « renforcerait notre dialogue, notre influence, notre visibilité ainsi que nos moyens de coopération existants, tels que l'Initiative pour le renforcement des capacités de défense, le Pôle pour le Sud et le Centre régional OTAN-Initiative de coopération d'Istanbul au Koweït ». Pour cette fin, l'OTAN a ouvert un bureau à Amman et élargi le champ de sa coopération avec les institutions de sécurité irakiennes, en s'appuyant sur les efforts de sa mission en Irak.
L'Initiative de coopération d'Istanbul a été lancée en 2004 lors du sommet de l'OTAN dans la ville turque, d'où son nom, afin de « promouvoir la coopération en matière de sécurité sur une base bilatérale entre l'OTAN et les pays partenaires dans la région du Moyen-Orient élargi ». En 2017, l'organisation a établi un centre régional au Koweït afin de coordonner les activités de l'Initiative de coopération d'Istanbul, notamment la formation, le renforcement des capacités, la planification et la budgétisation de la défense, la lutte contre le terrorisme et la prévention de la prolifération des armes de destruction massive.
Quatre États membres du Conseil de coopération du Golfe ont rejoint l'initiative, tandis que d'autres participent à certaines de ses activités sans y adhérer. Malgré son nom, la Turquie n'est pas membre de l'Initiative de coopération d'Istanbul.
La plupart des pays du monde ont salué le nouveau gouvernement syrien, qui semble déterminé à rétablir la paix et la sécurité internes, tout en jouant un rôle positif à l'échelle régionale. Il s'efforce de restaurer l'État de droit dans la majeure partie du pays et de démanteler les groupes armés illégaux ou de les intégrer dans des forces de sécurité officielles dotées de contrôles et de chaînes de commandement transparents. Par ailleurs, il a intensifié la répression du trafic de drogue, de la contrebande d'armes et d'autres activités illicites, courantes sous le précédent régime d'al-Assad.
Toutefois, la nouvelle autorité à Damas fait face à des défis considérables auxquels l'OTAN pourrait apporter son soutien, en commençant par le rétablissement de l'autorité gouvernementale sur l'ensemble du territoire syrien. Le défi dans le nord-est du pays est complexifié par la présence des forces turques et américaines, qui soutiennent les camps opposés dans cette région. Leur remplacement par une force neutre, telle que l'OTAN, devrait être accepté par la Turquie et les États-Unis, tous deux membres clés de l'alliance.
Un déploiement de l'OTAN devrait être négocié avec Damas, qui pourrait considérer cette solution comme préférable au chaos actuel : les Forces démocratiques syriennes, principale milice des Kurdes syriens, hésitent à laisser les forces gouvernementales pénétrer dans la région, tandis que le groupe turco-kurde PKK y circule librement, suscitant des inquiétudes compréhensibles pour Ankara en matière de sécurité.
L'appareil sécuritaire syrien doit être restructuré conformément à de nouveaux principes. Dr. Abdel Aziz Aluwaisheg
Une méfiance mutuelle persiste entre la Turquie et les Forces démocratiques syriennes (FDS), dont la tolérance envers la présence du PKK a provoqué des tensions entre Ankara et Washington, le principal soutien des FDS. Damas pourrait constater qu'une présence de l'OTAN faciliterait la mise en œuvre des accords avec les FDS concernant l'intégration du nord-est de la Syrie au reste du pays, ainsi que l'intégration de la milice aux forces armées syriennes.
Les FDS pourraient également accueillir favorablement le rôle de l'OTAN face à l'incertitude concernant la présence américaine continue dans la région.
La lutte contre le terrorisme représente le deuxième défi pour lequel l'OTAN pourrait offrir son soutien. Elle pourrait coordonner les efforts antiterroristes dans la région, l'un des principaux domaines évoqués par l'organisation dans le cadre de son engagement au Moyen-Orient.
Les préoccupations concernant une résurgence de Daech sont partagées par la majorité des pays, et le nouveau gouvernement syrien semble déterminé à l'empêcher. Empêcher le regroupement de Daech est la principale justification de la présence des troupes américaines dans la région et est également souligné par les FDS comme l'une de leurs missions essentielles, avec la surveillance des camps abritant d'anciens combattants de Daech et leurs familles.
La Coalition mondiale contre Daech est évidemment présente, mais elle a besoin de soutien. L'OTAN pourrait soutenir le gouvernement syrien dans la lutte contre le terrorisme et la surveillance des camps, en attendant que le sort de leurs habitants soit définitivement réglé.
L'OTAN pourrait également aider le nouveau gouvernement à reconstruire ses forces de sécurité, qui ont besoin de formation et d'équipement. Bien que les pays du Conseil de coopération du Golfe aient déjà entamé ce processus, l'OTAN peut mettre à profit son expertise pour former les nouveaux membres et leur fournir les compétences nécessaires.
Le renforcement des capacités est l'une des principales missions de l'OTAN et de l'Initiative de coopération d'Istanbul. Dans le cas de la Syrie, qui a connu des décennies de régime despotique, au cours desquelles les forces de sécurité ont été entraînées à violer les droits humains des citoyens, tuant des centaines de milliers d'innocents et emprisonnant et torturant d'autres personnes pour avoir exercé leurs droits fondamentaux à la liberté d'expression et d'association, l'appareil sécuritaire syrien doit être restructuré conformément à de nouveaux principes. L'OTAN pourrait y contribuer.
L'organisation se prépare pour son sommet annuel le mois prochain à La Haye. La question d'un engagement renforcé au Moyen-Orient figurera probablement à l'ordre du jour, bien que l'incertitude entourant l'approche du président américain Donald Trump vis-à-vis de l'OTAN dominera sans doute les discussions, en raison des relations tendues qu'elle a entretenues avec lui durant son premier mandat.
Les experts s'attendent toutefois à ce que les deux parties se montrent plus réalistes cette fois-ci, dans la mesure où les membres de l'OTAN ont reconnu la nécessité d'augmenter leurs dépenses de défense, tandis que l'administration Trump apprécie le rôle utile de l'organisation.
Les experts s'attendent toutefois à ce que les deux parties adoptent une approche plus réaliste cette fois-ci, les membres de l'OTAN ayant reconnu la nécessité d'augmenter leurs dépenses de défense, à un moment où l'administration Trump reconnaît le rôle crucial que joue l'organisation.
Washington pourrait considérer comme avantageux un rôle plus important de l'OTAN au Moyen-Orient, y compris en Syrie. Cette initiative constituerait un nouvel exemple du partage des responsabilités auquel Trump accorde une grande importance. Son administration a déjà entamé le dialogue avec le gouvernement syrien et lui a soumis une liste de demandes, notamment des efforts pour lutter contre le terrorisme et détruire les armes chimiques. L'OTAN pourrait collaborer avec Damas pour l'aider à répondre à ces demandes.
Le Dr Abdel Aziz Aluwaisheg est le secrétaire général adjoint du Conseil de coopération du Golfe pour les affaires politiques et la négociation, et un chroniqueur régulier d’Arab News.
X: @abuhamad1
NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com