Vers une solution au dilemme de l'armement du Hezbollah

Le Liban doit désarmer le Hezbollah sans entrer en conflit avec lui (File/AFP)
Le Liban doit désarmer le Hezbollah sans entrer en conflit avec lui (File/AFP)
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Publié le Jeudi 08 mai 2025

Vers une solution au dilemme de l'armement du Hezbollah

Vers une solution au dilemme de l'armement du Hezbollah
  • Israël prétend se conformer aux conditions de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l'ONU. Il frappe le Liban presque chaque jour, sous prétexte de viser des dépôts d'armes
  • La résistance armée n’est pas une option viable pour le Liban face à Israël. La diplomatie en demeure la seule voie

Le président libanais Joseph Aoun a entamé un dialogue délicat avec le Hezbollah autour de la question de ses armes. À ses côtés, l’État libanais se trouve face à un double défi : désarmer le parti sans déclencher de confrontation, tout en réaffirmant sa souveraineté face à Israël par les moyens les plus diplomatiques.

Israël prétend se conformer aux conditions de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l'ONU. Il frappe le Liban presque chaque jour, sous prétexte de viser des dépôts d'armes. Il a déployé des troupes dans cinq localités du sud et affirme qu'elles y resteront indéfiniment. Israël prétend que l’État libanais et son armée sont trop faibles pour entreprendre le désarmement du Hezbollah. Pourtant, en adoptant cette position, il contribue affaiblit davantage le gouvernement libanais et compromet sa crédibilité dans toute tentative de négociation avec le Hezbollah.

Le point de vue des États-Unis sur cette question prête à confusion. Ils disent vouloir faire du Liban un État souverain. Or, seul un État libanais souverain peut offrir une alternative viable au Hezbollah. Mais dans les faits, Washington agit autrement. Le Liban ne peut pas faire pression sur Israël. Israël a affiché son mépris du droit international. Par conséquent, toute plainte déposée par le Liban auprès de l’ONU risque être destiné à échouer. Le seul acteur réellement en mesure de faire pression sur Israël demeure son principal parrain : les États-Unis.

La résistance armée n’est pas une option viable pour le Liban face à Israël. La diplomatie en demeure la seule voie. Toutefois, la diplomatie reste inefficace si elle n'est pas suivie d'un pouvoir de coercition et de sanctions en cas de non-respect. Les États-Unis peuvent renforcer la position de l'État libanais face au Hezbollah en faisant pression sur Israël.

Israël affaiblit davantage le gouvernement libanais et compromet sa crédibilité dans toute tentative de négociation avec le Hezbollah.

                                                 Dr. Dania Koleilat Khatib

Si l'État libanais démontre sa capacité à défendre le Liban et dispose d'une diplomatie efficace, il sera en meilleure position face au Hezbollah et le discours du parti deviendra obsolète. Cependant, les États-Unis exercent une pression uniquement sur le Liban, tout en accordant une totale liberté d’action à Israël dans le pays. Israël aspire à la liberté d'action au Liban et dans tout son voisinage. Il a attaqué la Syrie sans justification. Israël agit sans retenue, tandis que les États-Unis renforcent sa confiance et son arrogance.

Le Hezbollah, pris pour cible par Israël, se sent très en insécurité. Aujourd'hui, son principal objectif est d'assurer sa survie. Il y a moins d'un an, il contrôlait totalement le pays, mais son avenir en tant que groupe politique est désormais incertain. Le Hezbollah a accepté de se conformer à la résolution 1701 et de désarmer. Cependant, l'histoire montre que ceux qui ont choisi de se désarmer n'ont pas connu de fin heureuse.

Moammar Kadhafi a été bombardé après avoir renoncé à son stock d’armes chimiques. L’Irak a été envahi après que Saddam Hussein a détruit ses missiles Somoud. Au Liban, les Forces libanaises ont subi un sort tragique après leur désarmement à la fin de la guerre civile, leur chef, Samir Geagea, étant emprisonné suite à de fausses accusations. Le Hezbollah craint de subir le même sort que les Forces libanaises.

Le Hezbollah est confronté à un dilemme. Ses armes sont la raison pour laquelle lui-même, et le Liban, sont pris pour cible. Cependant, elles constituent aussi son seul atout dans les négociations. S'il les dépose, il n'a plus aucun moyen de pression. L'insécurité du parti est compréhensible. Cependant, le sort du pays ne peut être compromis uniquement pour servir les intérêts d'un seul parti.

Israël cible sans cesse les dirigeants du Hezbollah. D'autre part, les transgressions du parti au fil des ans, et le fait qu'il ait provoqué la guerre au Liban en raison de son soutien à Gaza, ont suscité une vive colère parmi le reste des Libanais. Le parti est donc confronté à des menaces à la fois internes et externes.

L'insécurité du parti est compréhensible. Cependant, le sort du pays ne peut être compromis uniquement pour servir les intérêts d'un seul parti.

                                                            Dr Dania Koleilat Khatib

Malgré son affaiblissement, le Hezbollah continue de bénéficier du soutien d’une large partie de la communauté chiite, et peut interpréter toute tentative de le contrôler comme une attaque contre la communauté. Cela peut évidemment mener à des conflits internes, d'autant plus que la communauté chiite a subi le plus de destructions causées par Israël. Bien que le Hezbollah ne dispose pas d'une puissance de feu suffisante pour mener une guerre contre Israël, il dispose de suffisamment d'armes et de soutien populaire pour déclencher une guerre civile. C’est pourquoi il est important d'agir intelligemment.

Israël affirme sa présence au Liban parce que le Hezbollah n'est pas totalement désarmé, tandis que le groupe affirme qu'il n'y a aucune garantie qu'Israël cesse son agression s'il dépose ses armes. Nous sommes dans une situation de l'œuf et de la poule. Qu'est-ce qui est apparu en premier ? La meilleure façon de résoudre ce dilemme serait une approche progressive. Cela permettrait au Hezbollah de se transformer en parti politique, sans donner l'impression d'avoir subi une défaite totale face à Israël.

Les États-Unis insistent pour un désarmement immédiat du parti, mais cela devrait s'accompagner d'un retrait intégral d'Israël du Liban. Un calendrier précis pour ces mesures devrait être établi.
L'armée libanaise devrait immédiatement pourvoir les postes laissés vacants par l'armée israélienne. Lier le désarmement du Hezbollah au retrait israélien obligerait le parti à s'y conformer. Comment pourrait-il refuser de se désarmer si cela signifiait la libération immédiate du Liban d'Israël ?

Le président Aoun a raison de privilégier le dialogue avec le Hezbollah pour régler la question de ses armes. Cependant, pour garantir une transition sans conflits internes, les États-Unis devraient exercer des pressions sur Israël afin qu'il présente un calendrier de retrait du Liban en lien avec le désarmement du groupe.


La Dr Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes, et plus particulièrement du lobbying. Elle est présidente du Centre de recherche pour la coopération et la construction de la paix, une organisation non gouvernementale libanaise axée sur la voie II.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com