Face à l’islamisme, Macron mise sur une action renforcée et concertée avec les musulmans

Le président français Emmanuel Macron prononce un discours pour présenter sa stratégie de lutte contre le séparatisme, le 2 octobre 2020 aux Mureaux, en banlieue parisienne. Photo d'archive. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron prononce un discours pour présenter sa stratégie de lutte contre le séparatisme, le 2 octobre 2020 aux Mureaux, en banlieue parisienne. Photo d'archive. (AFP)
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Publié le Jeudi 22 mai 2025

Face à l’islamisme, Macron mise sur une action renforcée et concertée avec les musulmans

  • Le rapport met le doigt sur un point essentiel en proposant de mieux répondre au malaise des musulmans de France
  • Le président entend poursuivre ce travail avec les musulmans de France, et non contre eux, car ce sont bien eux, souvent, les premières cibles et victimes de ces dérives communautaristes

PARIS: En marge d’une réunion du Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN), tenue ce mercredi 21 mai, le gouvernement français a dressé un état des lieux de sa lutte contre le séparatisme et mis en lumière une menace émergente: l’entrisme islamiste.

Ce conseil avait un double objectif: évaluer les dispositifs antiséparatistes existants et les ajuster si nécessaire, mais aussi définir une stratégie ciblée face à cette nouvelle forme d’infiltration jugée plus discrète mais tout aussi préoccupante. Pour y répondre, les autorités prévoient la mise en place d’outils spécifiques: détection, blocage, judiciarisation, et sensibilisation accrue des élus locaux.

À la différence du «séparatisme», concept désormais bien installé dans le débat public depuis près de trois ans, l’entrisme désigne une infiltration progressive et silencieuse des institutions. Selon l’Élysée, cette évolution appelle une réponse ferme et structurée.

Cette stratégie s’appuie sur un rapport classé confidentiel, commandé en 2024 par le président Emmanuel Macron à deux hauts fonctionnaires. Partiellement révélé ce jour, le document souligne qu’«aucun élément récent ne prouve la volonté d’instaurer un État islamique en France, ni d’y appliquer la charia», mais alerte sur un «risque frériste bien réel».

Le rapport pointe notamment le danger d’un islamisme municipal, idéologiquement hétérogène mais fortement militant et soutenu par des financements étrangers, ce qui en fait une préoccupation stratégique majeure pour les autorités françaises.

Sur 2 800 lieux de culte musulmans en France, 207 lieux sont identifiés comme étant affiliés ou proches des Frères musulmans, et le rapport indique que des «écosystèmes islamistes» représentés par des «cours d’éducation coranique» ou d’associations caritatives, culturelles ou sportives, gravitent autour de ces lieux.

Le rapport pointe la paupérisation comme facteur favorisant la création de ces écosystèmes «qui répondent à des besoins de la population, et «à mesure que l’écosystème se consolide», des normes comme le port du voile et de la barbe s’imposent.

Une attention particulière est par ailleurs portée au système éducatif: le rapport indique que sur 74 établissements scolaires musulmans, cinq seulement sont sous contrat avec l’État.

De plus, le rapport pointe du doigt «l’importance croissante des influenceurs» islamistes et des prédicateurs sur les réseaux sociaux, et estime qu’ils représentent une «menace pour la cohésion sociale».

Pour rédiger ce rapport, les deux hauts fonctionnaires ont mené un vaste travail de terrain, se déplaçant dans plusieurs départements français ainsi que dans quatre pays européens. Ils ont conduit plus de 2 000 auditions, rencontrant des universitaires, des acteurs institutionnels et des responsables musulmans.

Sur la base des constats et témoignages recueillis, ils formulent une série de recommandations, dont la principale consiste à mieux appréhender la menace que représente l’islamisme politique, en particulier à travers la stratégie insidieuse des Frères musulmans. Le rapport souligne que leur projet, souvent discret et graduel, vise à «porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation».

Pour y faire face, les auteurs appellent à un effort renforcé d’éducation du public et des décideurs, notamment sur les principes de la laïcité, une meilleure compréhension de l’islam et la reconnaissance des formes contemporaines du séparatisme.

Le rapport recommande en outre de renforcer la recherche académique française sur l’islam et l’islamisme, afin de contrer ce qu’il décrit comme une «islamisation de la connaissance» menée par les courants fréristes. Cette stratégie viserait, selon le document, à légitimer des concepts comme celui d’«islamophobie», utilisés pour délégitimer la critique ou les actions de l’État.

Le rapport met le doigt sur un point essentiel en proposant de mieux répondre au malaise des musulmans de France, dans «un contexte où l’Islam reste évoqué sous un angle négatif».

Il préconise le développement de l’apprentissage de l’arabe à l’école, afin que cet apprentissage ne soit plus le monopole des écoles coraniques.

Il appelle à reconnaître que le sentiment d’une «islamophobie d’état» est attisé par le soutien de la France à Israël dans la guerre à Gaza, et estime que la reconnaissance d’un État palestinien pourrait «apaiser ces frustrations».

À son arrivée à l’Élysée en 2017, Emmanuel Macron s’est immédiatement confronté à deux chantiers majeurs: le chômage et le terrorisme. 

Si des réformes économiques ont été engagées pour redresser l’emploi, la lutte contre l’islamisme radical s’est traduite par une série de mesures d’urgence et de long terme.

Dès les premiers mois, le gouvernement prolonge l’état d’urgence puis adopte la loi SILT (sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme), renforçant les moyens de surveillance et d’intervention, avec pour objectif de prévenir tout passage à l’acte sur le sol national.

Entre 2018 et 2020, la stratégie antiséparatisme s’est d’abord appuyée sur le maillage du territoire. Des «quartiers de reconquête républicaine» ont été créés, avec des actions ciblées: fermeture de lieux de culte, de structures associatives ou commerciales soupçonnées de dérives communautaires.

En 2021, cette démarche s’est structurée avec l’adoption de la loi confortant les principes républicains (loi CRPR). 

Appliquée quotidiennement par les préfets, elle a permis un contrôle rigoureux d’écoles, de clubs sportifs, de commerces ou encore d’associations cultuelles.

En août 2024, 150 structures ont ainsi été inspectées, avec 30 fermetures à la clé et 20 signalements judiciaires.

Par ailleurs, 5 associations ont été dissoutes pour motifs séparatistes, et 15 fonds de dotation ont été visés par des mesures spécifiques. 

Sur le plan judiciaire, 500 personnes ont été mises en cause au titre de la loi CRPR, avec 280 sanctions pénales, dont 25 condamnations pour endoctrinement – cette pratique d’exposition publique dénoncée après l’assassinat de Samuel Paty.

Cette vigilance accrue s’inscrit dans un contexte sensible à l’approche des élections municipales, car, souligne l’Élysée, il est important d’éviter toute dérive, tout en respectant scrupuleusement les libertés fondamentales.

Face à ces enjeux complexes, le président Macron réaffirme une distinction nette entre islam, islamisme et islamisme radical, et l’Élysée précise que le discours des Mureaux, prononcé en 2020, reste la référence doctrinale de cette ligne d’équilibre, «ni laxisme, ni amalgame».

Le président entend poursuivre ce travail avec les musulmans de France, et non contre eux, car ce sont bien eux, souvent, les premières cibles et victimes de ces dérives communautaristes.


Darmanin veut mettre les victimes «au centre» du système judiciaire

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI. (AFP)
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  • "Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat"
  • "Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme"

PARIS: Le garde des Sceaux Gérald Darmanin a annoncé mardi soir avoir donné instruction de placer les "victimes au centre" du système judiciaire et précisé son projet de loi prévoyant une "peine minimum" d'un an de prison pour toute agression d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Les victimes sont les grands oubliés de l'action publique", a déclaré le ministre de la Justice dans un entretien diffusé mardi soir sur LCI.

Gérald Darmanin a assuré avoir pris une instruction ministérielle qui prendra effet "lundi prochain", exigeant que toute victime puisse être "reçue à (sa) demande" par les instances judiciaires ou encore qu'une notification lui soit adressée pour la prévenir "quand (son) agresseur sort de prison".

"Il est normal, si vous êtes victime de viol (...) que vous puissiez savoir quand la personne va sortir de prison", a illustré le garde des Sceaux.

"On va changer totalement le paradigme du ministère de la Justice. Au lieu de mettre l'accusé au centre, nous allons mettre la victime au centre", a encore souligné M. Darmanin.

Il a également précisé les contours d'un projet de loi pour instaurer une "peine minimum" d'un an de prison pour tout agresseur d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

"Il y aura un tarif minimum, pour parler très populaire, d'un an de prison ferme pour tous ceux qui ont agressé physiquement un policier, un gendarme, un élu local (...) un magistrat, quelqu'un qui représente l'autorité de l'Etat", a-t-il affirmé.

"Aujourd'hui, le minimal, c'est zéro. Demain, le minimal ce sera, sans récidive, au premier fait, un an de prison ferme", a-t-il insisté, espérant une entrée en vigueur en "début d'année prochaine" après un vote au Parlement.

Gérald Darmanin veut aussi légiférer pour qu'une peine de sursis ne puisse être prononcée qu'une seule fois avant le prononcé d'une peine de prison ferme, pour lutter contre les multirécidivistes.

"Les gens auront un seul sursis. Et puis s'ils en ont un deuxième, c'est directement la case prison ou c'est directement l'application de la peine de sursis, par exemple le travail d'intérêt général", a-t-il prôné lors de cet entretien donné après le discours de politique générale de Sébastien Lecornu.

"Si nous ne corrigeons pas nos excès, si nous ne faisons pas preuve d'humilité, si nous ne disons pas que nous nous sommes trompés (...), je crois que nous courons le grand danger d'être éliminés totalement de la vie politique française et de laisser aux Français le choix entre l'extrême droite et l'extrême gauche" lors de la présidentielle de 2027, a-t-il ajouté.

 


Lecornu face à l'Assemblée, son gouvernement suspendu à la réforme des retraites

 C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure. (AFP)
C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure. (AFP)
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  • Le pensionnaire de Matignon se rendra d'abord à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres à 10H00
  • Sa nouvelle équipe examinera les projets de budget de l'Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils soient transmis dans les temps au Parlement

PARIS: C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure.

Le pensionnaire de Matignon se rendra d'abord à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres à 10H00. Sa nouvelle équipe examinera les projets de budget de l'Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils soient transmis dans les temps au Parlement.

Mais c'est à partir de 15H00 que les choses se joueront, à la tribune de l'Assemblée nationale, avec sa déclaration de politique générale. Les responsables des groupes parlementaires pourront ensuite lui répondre avant qu'il ne reprenne une dernière fois la parole.

Si l'exercice impose qu'il aborde de nombreux sujets cruciaux pour le pays, l'attention sera focalisée sur les retraites.

"Nous demandons clairement la suspension immédiate et complète de la réforme" de 2023, adoptée sans vote au prix d'un recours au 49.3, a martelé lundi le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure.

La question est délicate pour Sébastien Lecornu, dont la priorité est de "donner un budget à la France d'ici la fin de l'année".

Même le camp présidentiel est divisé sur la question: si certains ne veulent pas voir détricoter un marqueur emblématique du second quinquennat d'Emmanuel Macron, d'autres espèrent une suspension pour tenter de sortir de la crise politique.

"Il faut bouger clairement sur les retraites et j'espère que le Premier ministre le fera demain", a ainsi estimé lundi le député macroniste Charles Sitzenstuhl.

Selon des sources gouvernementales et parlementaires, Sébastien Lecornu invitera mardi à Matignon les ministres et députés du camp gouvernemental, avant de se rendre à l'Assemblée prononcer son discours.

"Pente naturelle" 

Le PS tiendra un Bureau national à 13H00, a-t-on appris auprès d'une source socialiste. Et se retrouve sous la pression des autres oppositions, RN et LFI en tête.

"C'est le moment de vérité", a lancé lundi le patron du RN Jordan Bardella. Le gouvernement "va évidemment tomber puisqu'il n'y a aucune possibilité de suspension des retraites avec les gens qui sont là-dedans", a jugé pour sa part le chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon.

A ce stade, deux motions de censure ont été déposées, par LFI et des alliés de gauche, et par la coalition RN/UDR, le parti d'Eric Ciotti.

Le PS pourrait décider de déposer sa propre motion mardi après le discours de politique générale.

Le choix des socialistes sera décisif: leurs voix feraient presque assurément pencher la balance de la censure, qui nécessite 289 voix.

Si tout le reste de la gauche (insoumis, écologistes et communistes) et l'alliance RN-UDR votaient une censure, il ne faudrait même qu'une vingtaine de voix du PS pour faire tomber le gouvernement.

Une équation qui interroge un conseiller de l'exécutif: "est-ce que Faure tient le groupe?"

"On a peut-être une douzaine, une dizaine de députés, qui voteront quand même" la censure, même si le groupe appelait à s'abstenir, a commenté sur LCP le porte-parole des députés socialistes Romain Eskenazi.

Il estime toutefois que si le gouvernement accède à des demandes sur les "retraites, le pouvoir d'achat et la fiscalité", il sera épargné.

"Je pense que la pente naturelle des députés est de dire +franchement, on sanctionne tout ça+", résume une source au sein du groupe. Selon lui, "en leur for intérieur", les députés socialistes sont partagés alors que "les Français sont aussi fatigués" par la crise politique et "qu'ils nous demandent de nous entendre".

D'autant que le PS escompte décrocher d'autres victoires dans l'hémicycle.

L'objectif du projet de budget est de garder le déficit en dessous des 5% du PIB, au lieu de 4,7% initialement prévu, un assouplissement qui laisse une marge de 9 milliards d'euros pour éventuellement satisfaire les demandes des oppositions.

"Sur ces bases là, nous allons pouvoir réviser complètement la copie qui va être présentée en Conseil des ministres", a estimé lundi Olivier Faure.


Gouvernement Lecornu: «le devoir de tous c'est d'oeuvrer à la stabilité», exhorte Macron

Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté. (AFP)
Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté. (AFP)
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  • Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin
  • Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté

CHARM EL-CHEIKH: Emmanuel Macron a appelé lundi les forces politiques à "oeuvrer à la stabilité" et non à "faire des paris sur l'instabilité", au lendemain de la nomination du nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu, déjà menacé de censure par LFI et le RN.

"Je trouve que beaucoup de ceux qui ont nourri la division, les spéculations, n'ont pas été au niveau du moment où vit la France et de ce qu'attendent les Françaises et les Français", a insisté le chef de l'Etat à son arrivée en Egypte où il assiste à un "sommet pour la paix" à Gaza.

"Les forces politiques qui ont joué la déstabilisation de Sébastien Lecornu sont les seules responsables de ce désordre", a-t-il martelé.

Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté.

M. Lecornu, reconduit vendredi, avait été contraint à la démission il y a une semaine, en voyant sa coalition gouvernementale voler en éclats avec la fronde des Républicains (LR).

Face à ce chaos politique, M. Macron a demandé "à tout le monde de se ressaisir, de travailler avec exigence, respect". Et, interrogé sur une possible dissolution en cas de nouvelle chute du gouvernement, il a assuré ne "faire aucun pari".

"Je souhaite que le pays puisse avancer dans l'apaisement, la stabilité, l'exigence et le service des Français", a encore déclaré le président.