PARIS: Respirer est vital… mais en France, il demeure paradoxalement mortel. Chaque année, des dizaines de milliers de vies sont écourtées par un ennemi invisible : la pollution de l’air.
Selon l’agence gouvernementale Santé publique France, les particules fines présentes dans l’atmosphère seraient responsables d’environ 40 000 décès prématurés chaque année.
Cette réalité accablante touche en priorité les grandes agglomérations, où la concentration des polluants est la plus forte. Elle souligne aussi l’ampleur des efforts qu’il reste à fournir pour assainir durablement l’air que nous respirons.
Pourtant, des progrès notables ont été réalisés ces dernières années. L’association Respire, qui milite pour une meilleure qualité de l’air, reconnaît une amélioration globale.
Ses dernières analyses révèlent une baisse significative des concentrations moyennes de dioxyde d’azote (NO₂). À Clermont-Ferrand, par exemple, la moyenne annuelle est passée de 25,7 à 13,7 microgrammes par mètre cube entre 2018 et 2024. À Paris, la baisse atteint environ 40 %, de 45,3 à 26,3 microgrammes.
Ces avancées sont le fruit de plusieurs leviers : des normes européennes plus strictes en matière d’émissions automobiles, l’extension des Zones à Faibles Émissions (ZFE) et une politique de réduction de la place de la voiture dans les centres urbains.
Mais le combat est loin d’être gagné. Respire alerte: la France reste « loin du compte ». Malgré les progrès, les concentrations de polluants dans de nombreuses grandes villes dépassent encore largement les nouvelles limites européennes prévues pour 2030.
À Paris et Lyon, certaines stations de mesure enregistrent des taux plus de deux fois supérieurs aux futures normes.
« La bataille pour la qualité de l’air est loin d’être gagnée », résume Tony Renucci, directeur général de l’association, dans les colonnes du Parisien. Il appelle à des politiques plus ciblées, en particulier pour s’attaquer aux émissions liées au trafic routier.
en bref
Face au risque de recul politique, Respire appelle à renforcer les ZFE, en les concentrant sur les métropoles les plus polluées, comme Paris et Lyon.
L’association propose également plusieurs mesures complémentaires :
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maintenir et étendre les ZFE,
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instaurer des aides sociales pour faciliter l’achat de véhicules propres,
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développer des alternatives à la voiture individuelle.
Le lien entre pollution et mortalité reste difficile à percevoir pour le grand public. La pollution ne figure jamais sur un certificat de décès. Pourtant, ses effets sur la santé sont bien réels : elle augmente les risques de maladies cardiovasculaires, d’AVC, de cancers du poumon et de pathologies respiratoires chroniques.
Les 40 000 décès prématurés estimés chaque année ne sont pas des projections abstraites. Ils s’appuient sur des modèles épidémiologiques solides, élaborés par Santé publique France, croisant données sanitaires et niveaux de pollution.
Entre 2007-2008 et 2016-2019, la mortalité liée aux particules fines est passée de 48 000 à 40 000 décès. Une baisse encourageante, reflet d’une meilleure qualité de l’air… mais encore loin des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, qui fixe le seuil à 5 microgrammes par mètre cube.
L’Institut Mobilités en transition, un think tank indépendant, rappelle que ces seuils ne sont ni utopiques ni inaccessibles. Plusieurs villes scandinaves les respectent déjà. Preuve, selon lui, qu’une France plus respirable est possible… à condition d’agir plus fermement.
Au centre des débats : les Zones à Faibles Émissions (ZFE). Ces zones, où les véhicules les plus polluants sont restreints, sont défendues avec vigueur par le gouvernement.
La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, affirme qu’elles pourraient éviter des milliers de décès prématurés chaque année.
Mais la mesure suscite la controverse. Certains élus d’opposition dénoncent une « manipulation statistique » et appellent même à leur suppression.
Pour les experts, ce débat détourne l’attention de l’essentiel : aujourd’hui, les ZFE représentent l’un des rares leviers concrets pour faire baisser les émissions en milieu urbain.
Car sans actions ambitieuses et coordonnées, la France ne pourra ni atteindre les objectifs fixés par l’Union européenne, ni éviter les dizaines de milliers de morts évitables que provoque encore, chaque année, un air que l’on croyait inoffensif.