La guerre à Gaza, avec toutes ses horreurs, approche de la fin de sa deuxième année, ce qui en fait l'affrontement le plus long et le plus meurtrier de l'histoire du conflit israélo-arabe.
Pourquoi la guerre de Gaza dure-t-elle depuis si longtemps ?
Certains pensent qu'Israël craint pour les otages restants. D'autres pensent qu'il veut éviter de nouvelles pertes parmi ses troupes. D'autres encore le considèrent comme incapable d'éliminer ce qui reste du Hamas.
À mon avis, Israël ne veut mettre fin à la guerre qu'à ses propres conditions, en empêchant le retour de l'Autorité palestinienne à la tête de la bande de Gaza. Pour prolonger la crise, il utilisera toutes les armes qui lui restent, de la famine aux déplacements de population. En bref, ce que le Premier ministre Benjamin Netanyahu craint le plus, c'est la création d'un État palestinien.
Washington a une solution pratique pour mettre fin à la guerre : Le Hamas quitte Gaza et Israël arrête sa campagne militaire. Mais ni le Hamas ni Israël ne sont prêts à l'accepter.
Israël, en particulier, en tant que partie la plus forte, refuse d'éliminer le Hamas si le prix à payer est le retour de l'AP. Netanyahou et son équipe sont convaincus que l'AP représente une plus grande menace pour Israël que le Hamas. Le Hamas n'a aucune légitimité internationale et représente tout ce qui terrifie la majeure partie du monde, même le monde arabe. Il s'agit d'un groupe extrémiste militant et idéologique.
En attendant, l'AP est reconnue par les Nations unies comme le représentant légitime du peuple palestinien. Si elle reprend le contrôle de Gaza, elle ouvrira la voie à un État palestinien.
Netanyahou et son équipe sont convaincus que l'Autorité palestinienne représente une plus grande menace pour Israël que le Hamas.
Abdulrahman Al-Rashed
Malgré tout ce que le Hamas a fait - y compris les attentats du 7 octobre 2023 - il reste, aux yeux d'Israël, un simple "groupe terroriste" qui peut être traité comme d'autres pays le font avec des groupes similaires.
M. Netanyahou estime qu'il serait stupide de détruire le Hamas uniquement pour récompenser l'Autorité palestinienne en lui donnant le contrôle de Gaza, ce qui lui permettrait de sortir vainqueur de ces guerres et de créer un État palestinien de facto. M. Netanyahou s'est personnellement efforcé d'empêcher ce scénario, en favorisant une relation symbiotique avec le Hamas depuis les premiers jours de son règne, en donnant au groupe les moyens de gouverner la bande de Gaza.
Netanyahou est corrompu et opportuniste, mais il n'est pas idiot. Il sait que remettre les clés de Gaza à Ramallah signifierait automatiquement que le compte à rebours de la création d'un État palestinien a commencé.
Après ses victoires rapides et éclatantes sur le Hezbollah, Bachar Assad et l'Iran, M. Netanyahou est aujourd'hui confronté à une situation similaire à celle de l'après-guerre du Golfe en 1991. À l'époque, la coalition États-Unis-Golfe avait vaincu Saddam Hussein, libéré le Koweït et éliminé une menace majeure pour Israël. Elle a ensuite exigé un prix : une solution à la question palestinienne.
La même année, la conférence de Madrid s'est tenue malgré les réticences du Premier ministre israélien Yitzhak Shamir. Il finit par l'accepter, ouvrant la voie aux accords d'Oslo, qui autorisent pour la première fois les Palestiniens à rentrer d'exil.
Netanyahou connaît cette histoire et craint que ses propres victoires ne "dévient" de la même manière vers la création d'un État palestinien.
En pratique, Israël, qui a détruit le Hezbollah et traqué son chef Hassan Nasrallah dans la clandestinité, pourrait faire de même avec le Hamas. Comme nous l'avons vu, Israël n'est pas découragé par les pertes de ses soldats, ses otages ne sont pas une priorité absolue et l'ampleur des décès palestiniens n'est certainement pas un sujet de préoccupation. Sur les 251 otages initiaux, seuls 23 environ sont encore en captivité.
Aujourd'hui, les négociations de l'émissaire américain ont atteint un stade avancé pour mettre fin à la tragédie de Gaza, obtenir la libération des otages restants - une cinquantaine, morts ou vivants - et désarmer le Hamas. Pourtant, la principale préoccupation de M. Netanyahu reste le retour de l'Autorité palestinienne à la tête de la bande de Gaza.
Même sans l'accord de l'émissaire, M. Netanyahou pourrait mettre fin à la guerre en éliminant les forces restantes du Hamas. Il s'est montré prêt à accepter de nouvelles pertes, comme il l'a fait dans des guerres parallèles. Il a risqué la sécurité de son peuple en ouvrant des fronts avec le Hezbollah, l'Iran et les Houthis, et il est prêt à prendre des risques et à accepter des pertes dans une confrontation finale avec le Hamas.
Alors pourquoi Netanyahou ne met-il pas fin à la guerre ?
Alors que le conflit se rapproche d'une résolution possible dans les deux mois à venir, je pense que son dilemme consiste à trouver un arrangement qui empêche l'émergence d'un État palestinien. Ce qui l'empêche de mettre fin à la guerre de Gaza, ce n'est pas la crainte d'un plus grand nombre de victimes israéliennes ou même de perdre son rôle de premier ministre, d'autant plus que Donald Trump s'efforce ouvertement de le soustraire à toute responsabilité et de l'aider à rester au pouvoir.
D'un point de vue stratégique, la question va au-delà des événements actuels : Israël ne veut pas que l'Autorité palestinienne revienne à Gaza et l'unisse à Ramallah, même si cela signifie rétablir le Hamas ou confier la gestion de Gaza à Ibrahim Al-Arjani.
Abdulrahman Al-Rashed est un journaliste et un intellectuel saoudien. Il est l'ancien directeur général de la chaîne d'information Al-Arabiya et l'ancien rédacteur en chef d'Asharq Al-Awsat, où cet article a été initialement publié.
X : @aalrashed
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Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com