LE CAIRE: Le défenseur des droits humains égypto-britannique Alaa Abdel-Fattah, figure du militantisme en Egypte, a retrouvé la liberté dans la nuit de lundi à mardi et rejoint sa famille après avoir été gracié au terme de plusieurs années en prison.
"La vie est revenue chez nous! J'espère que ce nous vivons ne se répètera pas et que la libération d'Alaa est un signe d'ouverture", a déclaré à la presse sa soeur Sanaa Seif, qui a elle aussi connu la prison pour ses activités militantes.
Figure emblématique du soulèvement de 2011 contre le pouvoir de Hosni Moubarak en Egypte, Alaa Abdel-Fattah, 43 ans, a passé la majeure partie de la dernière décennie derrière les barreaux.
La grâce accordée par le président Abdel Fattah al-Sissi a été annoncée lundi après de longs mois d'attente et de mobilisation intense.
La famille qui s'était précipitée à la prison de Wadi Natroun où il était détenu -à quelque 80 km du Caire- pour attendre sa sortie a eu ensuite la surprise de le retrouver à la maison, comme l'a expliqué sa soeur.
Ses proches ont posté tôt mardi des images sur les réseaux sociaux montrant les retrouvailles, avec pour commentaires "Alaa est libre" et "Home" (à la maison).
"Je n'arrive pas à croire qu'Alaa soit parmi nous maintenant. C'est un immense soulagement et il nous faudra du temps pour le digérer", a déclaré Sanaa Seif.
"J'espère que d'autres familles de militants vivront cet instant, que ce sera la fin des difficultés, qu'Alaa sera autorisé à voyager pour retrouver son fils qui vit à l'étranger", a ajouté sa soeur. Le petit Khaled, 10 ans, a surtout connu son père à travers les parloirs.
Elle a néanmoins souligné que son frère était "sur la liste des personnes interdites de voyager".
"Reconnaissante"
Opposé aux pouvoirs en place ayant succédé à Hosni Moubarak, Alaa Abdel-Fattah avait été arrêté pour la dernière fois en 2019 pour avoir publié sur Facebook un message évoquant des violences policières, puis condamné à cinq ans de prison en 2021 pour "fausses informations", une accusation fréquemment utilisée en Egypte contre les voix dissidentes.
La cheffe de la diplomatie britannique, Yvette Cooper, a dit sa joie à l'annonce de cette grâce. "Je suis reconnaissante au président Sissi" et j'espère "qu'Alaa pourra bientôt rentrer au Royaume-Uni", a-t-elle dit sur X.
Le gouvernement britannique a régulièrement intercédé auprès des autorités égyptiennes et un groupe d'experts de l'ONU a également appelé à sa libération immédiate, qualifiant sa détention d'"arbitraire".
Le militant avait obtenu la nationalité britannique en 2022 par le biais de sa mère, elle-même naturalisée.
M. Sissi avait ordonné le lancement de la procédure d'examen de grâce en faveur de détenus, dont M. Abdel-Fattah. En juillet, la justice avait ordonné son retrait de la liste des personnes accusées de terrorisme.
Sa mère, la militante et universitaire Laila Soueif, a récemment mis fin à une grève de la faim partielle de dix mois menée pour réclamer sa libération.
Le militant observait lui-même une grève de la faim depuis début septembre, après une grève de la faim partielle en mars par solidarité avec sa mère, alors hospitalisée.
Espoirs d'un "tournant"
Saluant cette grâce, l'ONG Human Rights Watch a rappelé dans un communiqué que "des milliers de personnes comme Alaa croupissent encore dans les prisons égyptiennes simplement pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression".
Amr Magdi, chercheur de HRW pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, a espéré que "sa libération marque un tournant et offre au gouvernement de Sissi l'occasion de mettre fin à la détention abusive de milliers de critiques pacifiques".
La libération d'Alaa Abdel-Fattah est "un pas nécessaire et important mais il n'aurait jamais dû être emprisonné", a déclaré à l'AFP le militant Ahmed Douma, qui s'était rendu devant la prison bouclée. "Cela donne de l'espoir mais il y a encore des dizaines de milliers d'autres en prison."
En août, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, Volker Türk, a exhorté les autorités égyptiennes à mettre fin aux pratiques de détention arbitraire prolongée et appelé à "libérer toutes les personnes qui en ont été victimes".
En 2022, M. Sissi avait relancé un comité de grâce présidentielle qui a permis la libération de plusieurs prisonniers politiques, dont un avocat de M. Abdel-Fattah, Mohamed al-Baqer.
Mais selon les défenseurs des droits humains, "trois fois plus de personnes" ont été arrêtées durant la même période.