Ce mois de septembre pourrait être le plus cruel pour les Palestiniens - une ironie puisque les habitants de Gaza viennent de commémorer plus de 64 000 morts suite à la guerre génocidaire de 700 jours menée par Israël contre l'enclave. Mais les choses pourraient encore empirer dans les jours et les semaines à venir. Le gouvernement d'extrême droite de Benjamin Netanyahou est plus proche que jamais de mettre à exécution sa menace ouverte d'annexer 82 % de la Cisjordanie, soit la somme totale des zones B et C.
Les responsables israéliens ont menacé de prendre des mesures de rétorsion à l'encontre d'une vague attendue de pays européens reconnaissant le statut d'État palestinien lors de l'Assemblée générale des Nations unies qui se tiendra ce mois-ci. Ces représailles ont commencé en mai 2024, lorsqu'Israël a réagi à la reconnaissance de l'Espagne en empêchant le consulat espagnol de Jérusalem-Est de fournir des services aux Palestiniens de Cisjordanie.
Ce qui serait un grand triomphe diplomatique pour les Palestiniens à l'ONU aura un prix. Israël poursuivra très probablement sa décision d'annexer la majeure partie de la Cisjordanie, mettant en œuvre la juridiction israélienne sur ces zones, tout en isolant les principales zones de population palestinienne telles que Ramallah, Naplouse, Jénine, Tulkarem et d'autres, en les coupant les unes des autres. Cette décision unilatérale et illégale, qui constitue une violation directe des accords d'Oslo, sonnerait le glas du processus de paix, de la solution à deux États et de l'Autorité palestinienne, qui sont dans l'impasse.
Même si le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu laissait l'AP intacte pour des raisons politiques, celle-ci serait dépouillée de toute autorité, ce qui la rendrait inutile.
Une telle décision unilatérale et illégale signerait l'arrêt de mort du processus de paix, de la solution à deux États et de l'Autorité palestinienne.
Osama Al-Sharif
Israël et les États-Unis ont critiqué les pays qui ont annoncé leur intention de reconnaître le statut d'État palestinien dans le cadre d'une initiative franco-saoudienne visant à sauver la solution des deux États. Les États-Unis ont laissé entendre que la question de l'annexion relevait de la compétence d'Israël, ce qui constitue une rupture importante par rapport à la politique bipartisane menée depuis des décennies sur le conflit israélo-palestinien.
Washington et Tel-Aviv travaillent à huis clos pour convaincre des pays comme le Royaume-Uni, la France et la Belgique de "reporter" leur projet de reconnaissance de la Palestine en tant qu'État, sans proposer d'idées susceptibles de mettre rapidement fin à la guerre de Gaza ou de s'engager à mettre en œuvre la solution des deux États.
Depuis des années, M. Netanyahou se distancie de l'héritage et des engagements des accords d'Oslo, tout en sapant le président Mahmoud Abbas et l'Autorité palestinienne. Jusqu'à ce qu'il forme le gouvernement le plus à droite de l'histoire d'Israël en 2022, M. Netanyahou a pu maintenir l'"engagement" d'Israël auprès de ses partenaires occidentaux tout en empiétant lentement sur le territoire palestinien par la construction de colonies en Cisjordanie et en autorisant le financement du Hamas à Gaza afin de le maintenir en tant que rival puissant du Fatah et de l'Autorité palestinienne.
Mais le 7 octobre 2023 est arrivé et Netanyahou et ses partenaires ultranationalistes et ultrareligieux ont vu l'occasion de faire d'une pierre plusieurs coups : détruire le Hamas et occuper Gaza, tout en faisant la guerre aux camps de réfugiés palestiniens en Cisjordanie et en défaisant l'Autorité palestinienne. Alors que la guerre d'Israël faisait rage, M. Netanyahou a permis au ministre extrémiste de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, d'armer des dizaines de milliers de colons en Cisjordanie pour qu'ils mènent une vague de terreur contre les Palestiniens dans leurs villages, en essayant de les forcer à fuir.
Dans le même temps, le gouvernement a approuvé un nombre sans précédent de nouvelles colonies et d'extensions de colonies, avec en point d'orgue l'approbation récente de la colonie controversée E1 qui encercle Jérusalem-Est. Les lourdes amendes imposées à l'Autorité palestinienne par le ministre des finances, Bezalel Smotrich, ont laissé l'organisme palestinien au bord de la faillite.
La reconnaissance devrait être suivie de mesures collectives de la part de la communauté internationale pour obliger Israël à rendre des comptes.
Osama Al-Sharif
La reconnaissance attendue de l'État de Palestine par les pays européens est trop faible et trop tardive. Elle aurait dû avoir lieu il y a des années, lorsque le processus de paix était encore vivant et qu'Israël s'engageait, au moins en paroles sinon en actes, à résoudre les questions dites du statut final. Aujourd'hui, cette reconnaissance, symbolique au mieux, sera utilisée par Netanyahou, éventuellement soutenu par Washington, pour justifier l'annexion illégale de la majeure partie de la Cisjordanie, avec des conséquences désastreuses pour les Palestiniens et la région.
Cela ne signifie pas que la reconnaissance ne doit pas avoir lieu. Cependant, elle devrait être suivie de mesures collectives de la part de la communauté internationale pour renforcer et consolider cette reconnaissance et rendre Israël responsable de la défiance à son égard. Cette mesure aurait dû être prise par les pays européens il y a de nombreuses années.
L'Espagne, la Belgique, la Slovénie et d'autres pays ont pris des mesures pour sanctionner Israël au sujet de Gaza, portant ainsi un coup diplomatique majeur à M. Netanyahu et à ses partenaires extrémistes. Israël doit savoir que l'annexion de la Cisjordanie aura un prix insupportable et le laissera prisonnier d'une série de mesures punitives unilatérales et collectives. L'avertissement public des Émirats arabes unis selon lequel l'annexion de la Cisjordanie par Israël constituait une "ligne rouge" qui mettrait fin à l'intégration régionale, y compris aux accords d'Abraham, aurait pris Netanyahou au dépourvu.
Israël pourrait recourir à toutes sortes de distractions pour faire dérailler la reconnaissance du statut d'État palestinien, y compris en lançant une nouvelle infiltration dans le sud du Liban ou de la Syrie, voire en entraînant les États-Unis dans un nouveau face-à-face avec Téhéran. L'attaque de mardi à Doha contre les dirigeants du Hamas pourrait être une tentative de créer une telle distraction. Mais elle pourrait également s'inscrire dans le cadre du dernier plan de Trump visant à mettre fin à la guerre à Gaza en échange de l'abandon du projet de reconnaissance de la Palestine. Israël aurait envoyé un message à l'Autorité palestinienne demandant, comme condition supplémentaire, le retrait des plaintes déposées contre elle devant les tribunaux internationaux.
L'annexion de la Cisjordanie, tout comme le déplacement possible de millions de Palestiniens de Gaza, déclencherait une série de crises dans toute la région. L'effondrement de l'Autorité palestinienne soulèverait la question de savoir qui serait responsable des millions de Palestiniens vivant dans les enclaves de Cisjordanie.
Israël a toujours cherché à annexer la terre et non la population. Son plus grand défi en tant qu'entité coloniale a été l'élément démographique de la lutte. À Gaza, il mène une guerre génocidaire dans le but de forcer les survivants à quitter leur terre pour que les colons juifs puissent s'y installer.
En Cisjordanie, il mène une guerre de terreur contre les civils, tout en démantelant l'Autorité palestinienne et en la rendant inutile. Reconnaître la Palestine, c'est aussi reconnaître le droit inaliénable des Palestiniens à l'autodétermination et à la libération de leur terre. Ces droits doivent être appliqués par tous les moyens, afin que le prix de l'annexion soit trop élevé pour qu'Israël puisse le supporter.
Osama Al-Sharif est un journaliste et commentateur politique basé à Amman.
X : @plato010
NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.