Une enquête indépendante de l’ONU a accusé mardi Israël de commettre un génocide à Gaza, le même jour où Tel‑Aviv lançait la première phase d’une offensive terrestre sur la ville de Gaza, menaçant la vie de centaines de milliers de Palestiniens pris au piège. La Commission internationale d’enquête indépendante sur le territoire palestinien occupé a publié le rapport le plus accablant à ce jour sur l’offensive israélienne post‑7 octobre, concluant que le gouvernement et les forces israéliennes avaient commis « quatre des cinq actes génocidaires » définis dans la Convention sur le génocide de 1948.
Le rapport accuse des hauts responsables israéliens, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu, l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant et le Président Isaac Herzog, d’avoir incité au génocide. La commission d’enquête a constaté que « le génocide se produit à Gaza et continue de se produire. » Deux ans après qu’Israël a déclenché la guerre sur la Bande, le rapport de 72 pages évoque l’ampleur des tueries, les blocages de l’aide, les déplacements forcés et la destruction d’une clinique de fertilité dans le territoire pour étayer la conclusion de génocide.
Comme prévu, Israël a immédiatement rejeté le rapport, le ministère des Affaires étrangères le qualifiant de « faux ». « Israël rejette catégoriquement ce rapport déformé et mensonger et appelle à l’abolition immédiate de cette Commission d’enquête, » a‑t‑il ajouté dans un message sur X.
Mais bien que ce rapport ne s’exprime pas au nom de l’ONU, il intervient à un moment où de plus en plus de preuves émergent de Gaza, soulignant le fait qu’Israël cible délibérément les civils, utilise la famine comme arme, empêche la circulation de l’aide et détruit tous les moyens de subsistance dans l’enclave. Le nombre de morts a dépassé les 64 000, mais ce chiffre n’inclut pas les dizaines de milliers de personnes toujours portées disparues et que l’on croit être sous les décombres.
Comme prévu, Israël a immédiatement rejeté le rapport, le ministère des Affaires étrangères le qualifiant de ‘faux’
Osama Al‑Sharif
Ce n’est pas seulement cet organe de l’ONU qui a conclu qu’Israël commet un génocide. Le mois dernier, l’Association internationale des spécialistes du génocide, un réseau mondial de plus de 500 universitaires spécialisés dans les études sur le génocide, a adopté une résolution déclarant que les actions et politiques militaires d’Israël à Gaza répondent à la définition juridique du génocide, telle que fixée par la Convention sur le génocide.
De plus, plusieurs grandes organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International ainsi que les israéliennes B’Tselem et Physicians for Human Rights‑Israel, ont accusé Israël de commettre un génocide à Gaza. Amnesty a décrit la campagne militaire israélienne comme un « génocide en direct ». Des groupes tels que Human Rights Watch et Médecins Sans Frontières ont également condamné Israël pour ses crimes de guerre et ses actes génocidaires à Gaza.
Dans chaque cas, Israël a rejeté les accusations, notamment en qualifiant de « libelle de sang » les affirmations selon lesquelles la famine se répandrait à Gaza, tout en accusant ces organisations et instances de donner du pouvoir au Hamas, affirmant que Tel‑Aviv agit en légitime défense.
Israël fait face à des allégations de génocide à Gaza devant la Cour internationale de Justice. Toutefois, la Cour n’a pas donné d’indication quant à la date à laquelle elle statuera sur l’affaire déposée par l’Afrique du Sud.
Malgré les preuves de plus en plus nombreuses que la guerre d’Israël en cours à Gaza est génocidaire, rien n’indique qu’elle prendra fin bientôt.
Osama Al‑Sharif
Le mois dernier, la Commission internationale de juristes a émis un avertissement fort contre le plan israélien de prise de contrôle militaire complète de la ville de Gaza. Elle a condamné le transfert forcé inévitable de près d’un million de civils, les destructions massives, et les crimes de guerre et crimes contre l’humanité supplémentaires attendus d’une telle opération.
Parallèlement, la Cour pénale internationale est restée curieusement silencieuse face aux preuves grandissantes que des hauts responsables israéliens et même des soldats individuels ont commis ou été complices de crimes de guerre, directement ou indirectement. Israël et les États‑Unis, notamment des législateurs américains, mènent une campagne d’intimidation contre la Cour pénale internationale et la Cour internationale de Justice dans le but de faire échouer toute enquête supplémentaire sur les crimes israéliens à Gaza. Israël a également attaqué le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et diffamé Francesca Albanese, rapporteure spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens, qu’il accuse « d’antisémitisme ».
Malgré les preuves de plus en plus nombreuses que la guerre d’Israël en cours à Gaza est génocidaire, rien n’indique qu’elle prendra fin bientôt. De plus, même si la guerre se terminait aujourd’hui et que des chiffres précis du carnage apparaissaient, il n’est pas facile de voir comment Israël pourrait être tenu responsable en vertu du droit international. L’administration américaine actuelle est devenue complice de crimes de guerre en continuant de fournir à Israël une protection diplomatique et politique, tout en lui livrant des armes létales pour des milliards de dollars, utilisées sans contrôle contre 2 millions de civils sans défense.
Mais la balance est en train de pencher. Bien que les instances internationales semblent paralysées pour l’instant en raison de l’intimidation israélo‑américaine, des pays individuels commencent à agir. La plupart des pays européens ont déclaré qu’ils respecteraient les mandats d’arrêt délivrés par la Cour pénale internationale contre Netanyahu et d’autres. L’Espagne et la Belgique ont imposé des sanctions et des embargo sur les armes contre Israël et examinent des demandes pour poursuivre des soldats israéliens impliqués dans des crimes de guerre à Gaza.
Même Netanyahu admet maintenant qu’Israël fera face à une « isolation » prolongée à cause de Gaza. Mais le fait demeure que, sans responsabilité pour les crimes de guerre équivalant à un génocide que commet Israël à Gaza, l’ordre juridique mondial actuel risque de s’effondrer. Le dernier faisceau de preuves contre Israël apporte un faible espoir qu’un moment de reddition des comptes finisse par arriver.
Osama Al-Sharif est un journaliste et commentateur politique basé à Amman.
X : @plato010
NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com