La bataille pour l'avenir de Gaza ne fait que commencer

Gaza est aujourd'hui en ruines, bien au-delà de ce que beaucoup ont osé imaginer (AFP)
Gaza est aujourd'hui en ruines, bien au-delà de ce que beaucoup ont osé imaginer (AFP)
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Publié le Jeudi 16 octobre 2025

La bataille pour l'avenir de Gaza ne fait que commencer

La bataille pour l'avenir de Gaza ne fait que commencer
  • La paix et la stabilité exigent plus que l'arrêt des bombes et des balles - elles exigent que ce que les habitants de Gaza ont enduré ne soit pas seulement reconnu, mais qu'il ne soit jamais permis que cela se reproduise
  • Les réparations, l'obligation de rendre des comptes et un processus de reconstruction global doivent être au cœur de tout accord

Les armes se sont peut-être tues, mais Gaza est aujourd'hui en ruines, bien au-delà de ce que beaucoup ont osé imaginer. Ce que l'agression militaire et la destruction systématique d'Israël ont infligé à la bande de Gaza depuis plus de deux ans est une catastrophe d'un ordre que le monde commence seulement à comprendre. Les médias internationaux, les organisations humanitaires et les observateurs ayant enfin accès à Gaza, la triste vérité deviendra bientôt visible : il ne s'agit pas d'une zone de guerre nécessitant uniquement un cessez-le-feu, mais d'un paysage dévasté exigeant justice, reconstruction et une remise en question fondamentale de ce que la "paix" doit signifier.

La fin des opérations militaires n'est que le tout premier pas. La paix et la stabilité exigent plus que l'arrêt des bombes et des balles - elles exigent que ce que les habitants de Gaza ont enduré ne soit pas seulement reconnu, mais qu'il ne soit jamais permis que cela se reproduise. Les réparations, l'obligation de rendre des comptes et un processus de reconstruction global doivent être au cœur de tout accord. Sans cela, Gaza restera une coquille de souffrance, une plaie ouverte dans la conscience de l'humanité.

Les conséquences de la campagne israélienne sont stupéfiantes. Selon les autorités de Gaza, plus de 67 000 Palestiniens ont été tués, des milliers d'autres sont portés disparus et plus de 20 000 enfants seraient morts. La destruction des infrastructures est quasi-totale : plus de 90 % des routes sont endommagées, les hôpitaux, les écoles et les systèmes d'approvisionnement en eau sont détruits et des quartiers entiers sont rasés.

Les agences internationales estiment, avec optimisme, que la reconstruction de Gaza coûtera jusqu'à 40 milliards de dollars et prendra au moins une décennie. De nombreux quartiers sont encore couverts de décombres, imprégnés de contaminants et jonchés de munitions non explosées. Les survivants reviennent et ne trouvent plus rien : plus de murs, plus de toits, plus de passage sûr.

Les réparations, l'obligation de rendre des comptes et un processus de reconstruction global doivent être au centre des préoccupations.

Hani Hazaimeh


Tel est le monde auquel sont confrontés les survivants de Gaza. Le choc est enfin arrivé. Les images satellites qui ressemblaient à une dévastation abstraite montrent aujourd'hui des histoires humaines de perte : des maisons brisées, des hôpitaux effondrés, des marchés rasés. Les photos d'enfants au ventre gonflé, de familles fouillant les ruines à la recherche de tout vestige récupérable, de familles entières ensevelies sous les débris - tout cela a toujours été réel, mais aujourd'hui, c'est indéniable.

Mais la véritable mesure de la justice sera de savoir si le monde agit en fonction de ce qu'il voit maintenant. Un cessez-le-feu ou une trêve n'efface pas le devoir de réparation. Être aux côtés de Gaza aujourd'hui n'est plus un geste moral symbolique. Il s'agit d'une demande urgente : faire en sorte que la douleur des habitants de Gaza ne se transforme pas en une nouvelle vague de destruction.

Tout d'abord, il faut que tous les responsables rendent des comptes, sans exception. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu ne doit pas être félicité pour avoir soi-disant "accepté" un plan de paix ; il doit plutôt être reconnu comme un criminel de guerre accusé et soumis à un examen minutieux. La Cour pénale internationale a déjà émis des mandats d'arrêt à l'encontre de M. Netanyahou et de son ancien ministre de la défense, Yoav Gallant, pour des crimes tels que l'utilisation de la famine comme arme de guerre, le ciblage de civils et la persécution. Ces mandats doivent être suivis d'effets. L'immunité politique et la protection diplomatique ne doivent pas le protéger.

Netanyahou ne doit pas être récompensé pour avoir cédé aux pressions. Il doit être poursuivi, et non célébré. Lorsque les dirigeants mondiaux félicitent un délinquant au lieu d'exiger qu'il rende des comptes, ils signalent que les génocides et les atrocités de masse ont une voie vers la respectabilité.

Deuxièmement, les réparations doivent être substantielles et contraignantes. En vertu du droit international, les victimes de violations flagrantes des droits de l'homme ont droit à des recours effectifs : restitution, indemnisation, réhabilitation, satisfaction et garanties de non-répétition. Aucune demi-mesure ou compensation symbolique n'est suffisante après l'ampleur des souffrances endurées par Gaza. La reconstruction doit permettre de rétablir les infrastructures, de reconstruire les maisons, de rétablir les services publics, de fournir des soins de santé et un soutien psychologique, et de permettre des moyens de subsistance durables.

Netanyahou ne doit pas être récompensé pour avoir cédé aux pressions. Il doit être poursuivi, et non célébré

Hani Hazaimeh


Troisièmement, le processus de reconstruction doit être transparent et inclusif. Ce sont les habitants de Gaza, et non des bureaucrates lointains, qui doivent guider les décisions concernant la reconstruction de leurs maisons et de leurs villes. Les États arabes, les donateurs internationaux, les Nations unies et la société civile doivent adopter des mécanismes de contrôle pour s'assurer que les fonds parviennent aux bénéficiaires prévus et ne sont pas détournés par le biais du favoritisme ou de la corruption. La reconstruction ne peut pas être une réoccupation par des agendas étrangers ; elle doit être une renaissance nationale.

Quatrièmement, il faut garantir que cette dévastation ne se reproduira plus jamais. Les accords de cessez-le-feu doivent inclure des clauses contraignantes contre le siège, les tactiques de famine, les déplacements forcés et l'usage disproportionné de la force. Les règles d'engagement doivent respecter sans équivoque la vie des civils et les biens de caractère civil. Tolérer les violations futures, c'est leur donner une licence.

Cinquièmement, la mémoire est importante : Gaza a besoin de commissions de vérité, de commémorations et d'un cadre de justice qui ne permette pas d'oublier ou de rejeter les atrocités. Chaque homicide, chaque disparition et chaque bâtiment détruit doit être documenté, et non enterré discrètement dans les rapports de l'ONU ou oublié dans les cycles médiatiques. Une commission internationale devrait bénéficier d'un accès illimité et de l'autorité nécessaire pour enquêter, exhumer les charniers, identifier les victimes et recommander des poursuites. Le monde ne doit pas répéter le scénario familier du silence après un massacre.

À ceux qui affirment que la gouvernance d'après-guerre doit être pratique et prudente, je réponds : il n'y a pas de paix sans justice. Il n'y a pas de stabilité sans confiance. Et il n'y a pas d'hommage aux morts de Gaza sans reconnaissance de leurs droits. Tout retard dans les réparations ou dans l'obligation de rendre des comptes est une trahison.

Oui, le chemin à parcourir est long. Mais que ce moment soit un tournant. Gaza doit être plus qu'une victime de la guerre. Elle doit devenir un témoignage de la capacité de l'humanité à reconstruire à partir de la ruine. Le monde doit se montrer à la hauteur de cette épreuve, non pas à cause de ce qu'est Gaza, mais à cause de ce qu'elle exige de nous.

Et nous ne devons jamais oublier que la guerre est peut-être terminée, mais que l'obligation est incessante.

Hani Hazaimeh est un rédacteur en chef basé à Amman.

X : @hanihazaimeh

NDLR : Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.