Pourquoi les cessez-le-feu n’arrêtent-ils pas la machine meurtrière israélienne ?

Les cessez-le-feu qui ont échoué à Gaza et au Liban ont révélé un engagement américain en déclin. (AFP)
Les cessez-le-feu qui ont échoué à Gaza et au Liban ont révélé un engagement américain en déclin. (AFP)
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Publié le Jeudi 27 novembre 2025

Pourquoi les cessez-le-feu n’arrêtent-ils pas la machine meurtrière israélienne ?

Pourquoi les cessez-le-feu n’arrêtent-ils pas la machine meurtrière israélienne ?
  • Les cessez-le-feu échouent faute de mécanisme de surveillance efficace et de mandat clair pour faire respecter la démilitarisation
  • L’absence d’engagement politique sérieux et la priorité donnée aux intérêts israéliens et américains limitent toute chance de paix durable

Malgré l’annonce et l’acceptation de cessez-le-feu à Gaza et au Liban, l’armée israélienne — en particulier son aviation — a poursuivi ses opérations meurtrières.

Selon le ministère de la Santé et le bureau des médias du gouvernement de Gaza, depuis lundi, les attaques israéliennes menées à Gaza depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu négocié par les États-Unis le 10 octobre ont tué entre 318 et 342 Palestiniens. L'UNICEF rapporte également qu'au moins 67 enfants ont été tués depuis le début du cessez-le-feu. Au cours de la même période, trois soldats israéliens auraient été tués lors d'incidents dans la bande de Gaza ou à proximité. Aucun décès de civils israéliens n'a été enregistré en Israël pendant cette période.

Pendant ce temps, au Liban, près de 400 personnes ont été tuées depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu il y a un an, dont cinq — parmi eux un haut responsable du Hezbollah — dans une explosion qui a secoué un faubourg du sud de Beyrouth dimanche.

Pourquoi ? Et qui est tenu responsable ?

Contrairement à la plupart des accords de cessez-le-feu traditionnels et réussis, l’initiative dirigée par les États-Unis à Gaza manquait de composants essentiels. Elle n’incluait pas deux éléments clés pour une fin durable des hostilités : un mécanisme solide de surveillance sur le terrain, capable de signaler les violations ; et une feuille de route politique claire abordant les causes profondes du conflit.

Contrairement à la plupart des accords de cessez-le-feu traditionnels et réussis, l’initiative dirigée par les États-Unis à Gaza manquait de composants clés. 

                                                             Daoud Kuttab

Pour être juste, le plan en 20 points des États-Unis mentionne la nécessité d’une Force internationale de stabilisation temporaire. Mais l’accord ne précise ni qui composerait cette force, ni son mandat opérationnel. Cette ambiguïté offre à Israël une échappatoire facile.

Israël a rejeté unilatéralement la participation de troupes de Turquie, membre de l’OTAN à majorité musulmane, et avait auparavant écarté tout rôle pour le Qatar, affirmant que les deux pays étaient trop proches du Hamas. Il a suggéré l’Azerbaïdjan à la place, mais Bakou s’est rapidement retiré de la considération, tout comme la Jordanie et les Émirats arabes unis.

Au cœur de cette réticence se trouve l’absence d’une mission claire. La plupart des forces de surveillance des cessez-le-feu ont pour mandat seulement d’observer et de rapporter — pas d’intervenir, de stopper les violations ou de désarmer les combattants. Le plan américain, ensuite endossé par le Conseil de sécurité de l’ONU, prévoit que Gaza devienne une zone démilitarisée mais ne précise pas qui en fera respecter la démilitarisation.

Le Hamas insiste sur le fait que la question de la résistance armée est une affaire purement palestinienne et qu’aucune force étrangère n’a le droit de désarmer ses combattants. Même la question de permettre le passage sécurisé d’environ 200 résistants se réfugiant dans des tunnels est devenue controversée, les dirigeants israéliens — avides d’images de reddition palestinienne — exigeant qu’ils déposent les armes avant de pouvoir partir.

Ce que les cessez-le-feu ratés à Gaza et au Liban ont finalement révélé, c’est l’affaiblissement de l’engagement américain. 

                                                              Daoud Kuttab

Il ne fait guère de doute qu’Israël cherche constamment à freiner le processus, trouvant des excuses pour retarder la deuxième phase de l’accord, qui inclut la réouverture du passage de Rafah et l’autorisation d’une aide humanitaire nettement plus importante à Gaza. La semaine dernière, le président de la Chambre de commerce de Gaza a révélé que les restrictions israéliennes avaient alimenté un marché noir générant près d’un milliard de dollars de « frais de coordination », au bénéfice d’Israéliens et de Palestiniens impliqués dans ce système corrompu. Sa déclaration souligne une amère ironie : le seul domaine de coopération réelle entre Israéliens et Palestiniens est le crime et la corruption.

La deuxième raison de l’échec du cessez-le-feu est l’absence de tout engagement politique sérieux. Israël rejette catégoriquement tout rôle pour l’Autorité palestinienne basée à Ramallah à Gaza, et le Premier ministre Benjamin Netanyahu sape à plusieurs reprises les perspectives d’un État palestinien. La frustration croissante de Washington envers Netanyahu semble être à l’origine de la clause insérée dans la résolution 2803 du Conseil de sécurité de l’ONU appelant au dialogue palestino-israélien, que les États-Unis ont accepté d’accueillir, bien qu’aucune date ni aucun détail n’aient été annoncés.

Ce que les cessez-le-feu ratés à Gaza et au Liban ont finalement révélé, c’est l’affaiblissement de l’engagement américain. L’administration Trump avait investi massivement dans le cessez-le-feu de Gaza tant que les otages israéliens restaient en captivité. Une fois leur libération effectuée et le front nord devenu plus calme, l’attention de Washington s’est tournée vers l’Ukraine.

Mais un engagement américain soutenu sera inévitablement nécessaire si l’impasse actuelle persiste. Gaza, la Cisjordanie et le Liban sont des poudrières. La région a urgemment besoin de deux choses : une force de maintien de la paix crédible avec un mandat ferme pour surveiller et signaler les violations, et un processus politique sérieux qui s’attaque aux problèmes fondamentaux du conflit. Sans cela, les vrais cessez-le-feu resteront hors de portée.

Daoud Kuttab est un journaliste palestinien primé et ancien professeur de journalisme à l'université de Princeton. Il est l'auteur de "State of Palestine Now : Practical and Logical Arguments for the Best Way to Bring Peace to the Middle East".

X : @daoudkuttab

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com