Alors que d'autres débattent, l'Arabie saoudite construit et s'adapte

La trajectoire de l'Arabie saoudite depuis le lancement de Vision 2030 en 2016 offre un contraste saisissant. Le produit intérieur brut non pétrolier a augmenté de 4 à 5 % par an depuis 2017. (AFP)
La trajectoire de l'Arabie saoudite depuis le lancement de Vision 2030 en 2016 offre un contraste saisissant. Le produit intérieur brut non pétrolier a augmenté de 4 à 5 % par an depuis 2017. (AFP)
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Publié le Lundi 08 décembre 2025

Alors que d'autres débattent, l'Arabie saoudite construit et s'adapte

 Alors que d'autres débattent, l'Arabie saoudite construit et s'adapte
  • La flexibilité est devenue encore plus précieuse à mesure que l'intelligence artificielle remodèle l'économie de l'énergie et de l'industrie
  • Dans un environnement mondial où les retards se traduisent par un désavantage stratégique, la rapidité est devenue un atout concurrentiel

L'Arabie saoudite est souvent perçue à travers le spectacle de ses mégaprojets. Mais les rendus masquent l'histoire plus profonde : le Royaume restaure une capacité que de nombreuses économies avancées ont perdue, à savoir la capacité de planifier sur des décennies tout en ajustant le cap en temps réel. À une époque où la gouvernance à long terme s'est érodée, cette capacité est de plus en plus rare.

Dans l'ensemble de l'Organisation de coopération et de développement économiques, les gouvernements peinent à concrétiser leurs ambitions. Le projet de train à grande vitesse de la Californie a pris 16 ans et plus de 10 milliards de dollars sans produire une seule ligne opérationnelle. La politique industrielle et énergétique de l'Allemagne évolue au gré des coalitions politiques. Au Royaume-Uni, cinq premiers ministres se sont succédé en huit ans, tandis que les grands projets d'infrastructure s'enlisaient dans d'interminables consultations. La continuité politique, autrefois caractéristique de l'Occident, s'est effritée.

La trajectoire de l'Arabie saoudite depuis le lancement de Vision 2030 en 2016 offre un contraste saisissant. Le produit intérieur brut non pétrolier a augmenté de 4 à 5 % par an depuis 2017. Le tourisme a dépassé les 100 millions de visites l'année dernière, atteignant ainsi rapidement l'objectif fixé pour 2030. La participation des femmes au marché du travail est passée de 19 % à plus de 34 %. Les réglementations ont été modernisées, l'exploitation minière a attiré des milliards, la capacité logistique s'est développée et le Royaume se positionne comme un pôle régional de premier plan pour l'infrastructure numérique avancée. Ces progrès sont le fruit d'une exécution coordonnée.

Tout aussi important, le gouvernement a fait preuve de discipline dans l'ajustement de sa stratégie. Il a révisé ou réduit plusieurs initiatives majeures afin d'éviter de trop solliciter les capacités et de protéger l'équilibre budgétaire. Le ministre des finances, Mohammed Al-Jadaan, a résumé cette approche en déclarant que le Royaume n'a "aucun ego" et qu'il accélérera, retardera ou annulera des projets "sans sourciller" lorsque cela s'avérera nécessaire.

Cette approche diffère fortement de celle de la Chine, par exemple, qui a passé des décennies à construire avant la demande. Le résultat est un gaspillage de plusieurs milliers de milliards de dollars d'investissements. L'Arabie saoudite, en revanche, a montré qu'elle modifierait son orientation avant que les projets ne deviennent des dettes structurelles.

La flexibilité est devenue encore plus précieuse à mesure que l'intelligence artificielle remodèle l'économie de l'énergie et de l'industrie. Alors que le débat public se concentre souvent sur les lignes d'horizon, une transformation plus discrète est en cours. Le développement de l'IA est de plus en plus limité non pas par les puces ou le talent, mais par l'électricité. En Virginie du Nord, le plus grand centre de données du monde, les services publics préviennent que les nouvelles connexions à l'échelle du gigawatt pourraient prendre des années. En Europe, les prix de l'électricité de 15 à 20 centimes par kilowattheure rendent prohibitif le coût de l'entraînement de modèles à grande échelle.

Dans un environnement mondial où les retards se traduisent par un désavantage stratégique, la vitesse est devenue un atout concurrentiel.

Ali Shihabi


L'Arabie saoudite propose un modèle différent. Au lieu d'exporter uniquement de l'énergie, le Royaume commence à héberger les calculs que l'énergie alimente. L'électricité solaire y coûte environ 1 centime par kWh, contre 7 à 9 centimes pour les consommateurs industriels américains. Pour les charges de travail d'IA qui exigent une puissance énorme et évolutive, il est tout simplement logique de localiser les ressources informatiques là où l'énergie est bon marché et abondante. Cela permet également de réduire la pression sur les réseaux occidentaux saturés.

Cette évolution a déjà commencé. Un centre de données de 500 MW est en cours de construction dans le Royaume par xAI. Une coentreprise avec AMD et Cisco vise à atteindre une capacité de 1 GW d'ici 2030. Adobe et Qualcomm déploient des charges de travail d'IA générative optimisées pour les marchés régionaux. Blackstone s'est engagé à investir 3 milliards de dollars dans des entrepôts de données axés sur l'IA. Aramco Digital et Groq visent des vitesses d'inférence de 1 milliard de jetons par seconde. La capacité des centres de données nationaux devrait passer d'environ 350 MW aujourd'hui à 1,3 GW d'ici 2030.

L'Arabie saoudite ne revendique pas la primauté technologique. Elle s'appuie sur des puces américaines, des algorithmes occidentaux et une expertise mondiale. Mais elle offre ce que l'économie de l'IA apprécie le plus aujourd'hui : une énergie abondante, la délivrance rapide de permis et une forte volonté politique. Le Royaume peut mettre en place des capacités numériques et industrielles rapidement et de manière prévisible, tout en restant aligné sur les normes américaines en matière de technologie et de sécurité. Dans un environnement mondial où les retards se traduisent par un désavantage stratégique, la vitesse est devenue un atout concurrentiel.

Ces différences dans les capacités des États influencent déjà les flux mondiaux de capitaux. Les entreprises multinationales recherchent de plus en plus des juridictions qui offrent clarté, durabilité et fiabilité de mise en œuvre. L'Arabie saoudite s'est positionnée comme l'une des rares économies émergentes capables de réunir ces conditions. La présence d'un grand nombre de PDG internationaux aux forums d'investissement saoudiens reflète cette réalité.

Des risques subsistent. Les dépenses excessives et les problèmes d'exécution doivent être gérés et les institutions doivent continuer à évoluer. Mais la tendance générale est sans équivoque. À une époque où de nombreux gouvernements peinent à voir au-delà des pressions immédiates, l'Arabie saoudite renoue avec la capacité de penser en décennies tout en s'adaptant rapidement à l'évolution des circonstances. Dans un monde où la gouvernance à long terme est devenue l'exception plutôt que la norme, cette combinaison d'ambition stratégique et de correction de trajectoire disciplinée est en train de devenir l'un des avantages concurrentiels les plus significatifs du Royaume.

Ali Shihabi est un auteur et un commentateur de la politique et de l'économie de l'Arabie saoudite.

X : @aliShihabi

NDLR: Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section leur sont propres et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.