Le candidat, le trésorier et la «masse» de billets s'invitent au procès Balladur

Croquis du procès d’Edouard Balladur (à gauche), le 19 janvier à Paris (Dessin, AFP).
Croquis du procès d’Edouard Balladur (à gauche), le 19 janvier à Paris (Dessin, AFP).
Short Url
Publié le Jeudi 28 janvier 2021

Le candidat, le trésorier et la «masse» de billets s'invitent au procès Balladur

  • La campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995 a-t-elle bénéficié de financements illégaux ?
  • Le 26 avril 1995, trois jours après l'élimination au premier tour de l'éphémère favori des sondages, la somme de 10,25 millions de francs est déposée sur le compte de campagne d'Edouard Balladur

PARIS: La campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995 a-t-elle bénéficié de financements illégaux ? Au procès de l'ex-Premier ministre, les juges ont tenté mercredi, près de 26 ans après, de démêler les versions discordantes sur l'origine d'un dépôt suspect de 10,25 millions de francs sur le compte du candidat.

Le 26 avril 1995, trois jours après l'élimination au premier tour de l'éphémère favori des sondages, cette somme est déposée sur le compte de campagne d'Edouard Balladur. 

D'où provient-elle ? De dons et de la vente de gadgets lors de meetings comme l'affirme depuis toujours l'ex-candidat ? De rétrocommissions illégales en marge de contrats d'armement comme le soutient l'accusation ? Ou des « fonds secrets » de Matignon comme le certifie l'ex-trésorier de la campagne ? 

Face à la Cour de justice de la République, qui juge Balladur et son ancien ministre de la Défense François Léotard depuis le 19 janvier, le prévenu de 91 ans se sent « la conscience parfaitement tranquille ». 

Cette « affaire », répète-t-il à l'envi, a été « réglée par le Conseil constitutionnel », qui a « expressément » validé en octobre 1995 son compte de campagne et ainsi « les explications » fournies alors par son mandataire. 

Dons et « objets divers », « tee-shirts, casquettes, briquets », avait indiqué ce dernier, en réponse aux nombreuses interrogations des rapporteurs chargés d'examiner la régularité du compte. 

« Ca m'a paru crédible », rétorque Balladur, droit à la barre dans son costume-cravate gris. « Il s'agit finalement de 10 millions de francs, soit 1,5 million d'euros. Ça représente 15 000 euros par département, (...) ce n'est pas un ratio tellement surprenant », insiste-t-il. 

Pourtant, ces 10,25 millions « tombent » sur le compte - déficitaire - après plusieurs dépôts réguliers et bien moins importants, dont l'un trois jours avant, relève le président de la CJR, Dominique Pauthe. 

Premier ministre et candidat à la présidentielle, Edouard Balladur ne s'occupait pas des « détails », réplique le prévenu, pour qui les sommes n'étaient finalement « pas extraordinairement importantes ». 

« A mon insu »

Mais ces « détails » intéressent la Cour qui veut déterminer si la « masse » de coupures de 500 francs déposée sur le compte peut réellement correspondre à des dons. 

« Je suis incapable de vous répondre », s'impatiente l'ex-Premier ministre, demandant à pouvoir retourner s'asseoir. 

Après deux heures d'interrogatoire, il quitte la salle d'audience pour raisons médicales. Et n'entendra pas son ex-trésorier de campagne, René Galy-Dejean, soutenir que la somme litigieuse provenait des « fonds secrets » de Matignon. 

Très critiquée, cette pratique consistant à distribuer de l'argent liquide aux ministères sans justification a été encadrée en 2001 par Lionel Jospin. 

Explorée par les juges qui n'y ont pas donné suite, la piste des fonds secrets a également été avancée récemment, et pour la première fois, par Nicolas Bazire, l'ancien directeur de campagne de Balladur, selon les extraits lus à l'audience d'une lettre qu'il a adressée le 12 janvier à la CJR. 

Dans cette même missive, Bazire, condamné en juin dans le volet non-ministériel de la même affaire et qui a fait appel, expliquait pourquoi il ne témoignerait pas devant la Cour. 

René Galy-Dejean avait évoqué les fonds secrets dès décembre 2012. Mercredi, dans des déclarations filandreuses laissant parfois perplexe la Cour, il confirme s'être rendu à la banque après le premier tour, mais pour y déposer « trois millions de francs », ce qui représentait déjà selon lui « beaucoup de volume ». 

La banque avait pourtant attesté du versement de 10,25 millions de francs. Sur « un bout de carton », murmure l'ex-trésorier, pour qui les sept millions restants ont été « déposés à (son) insu ». 

Sur l'origine des espèces, il n'en démord pas : « Elles m'ont été remises par le chef de cabinet du Premier ministre, Pierre Mongin, chargé des fonds secrets ». 

Entendu à sa suite, Mongin dénonce « une fable absurde ». « A ma connaissance, il n'y a pas eu de fonds spéciaux attribués à la campagne d'Edouard Balladur », a martelé l'ex-patron de la RATP, comme l'ancien Premier ministre avant lui. 

Les soupçons de financement occulte de la campagne Balladur sont l'une des branches de la tentaculaire affaire Karachi, du nom de l'attentat commis en 2002 dans cette ville du Pakistan contre des employés français de la Direction des constructions navales (DCN).


Accord EU-USA: Bayrou juge que la France a été "un peu seule"

Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre français, François Bayrou, s'adresse à la presse après une visite au siège de Tracfin, le service de lutte contre le blanchiment d'argent du ministère des Finances, à Montreuil, près de Paris, le 31 juillet 2025. (AFP)
Short Url
  • Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis
  • Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire"

PARIS: Le Premier ministre, François Bayrou, a jugé jeudi que la France avait été "un peu seule" dans la bataille commerciale face aux Etats-unis, en marge d'un déplacement dans les locaux de Tracfin, organisme de lutte contre la criminalité financière, à Montreuil (93).

Le chef du gouvernement, qui avait vivement critiqué lundi l'accord commercial conclu entre l'Union européenne et les Etats-Unis, déplorant une "soumission" de l'Europe, a estimé que ce n'était "pas la fin de l'histoire", et qu'il fallait "un processus encore pas totalement élucidé de ratification" de cet accord.

"Il y a à vérifier quelle est la portée exacte de ces accords, et les Etats auront d'une manière ou d'une autre leur mot à dire", a-t-il ajouté.

"Je sais que toutes les autorités françaises, et en particulier le président de la République (Emmanuel Macron), ont été ceux qui se sont battus le plus contre des concessions qu'on considérait comme excessives", a-t-il affirmé avant de s'interroger: "Est-ce que nous avons été un peu seuls? Oui".

"Est-ce qu'on a le sentiment qu'à l'intérieur de l'Union européenne, des forces politiques et économiques étaient plutôt sur une ligne de trouver des accommodements? Oui", a-t-il ajouté, en estimant que de son point de vue, "la voie pour l'Europe est une voie d'affirmation et de résistance quand il faut et de fierté le plus souvent possible".

La classe politique française a été unanime à dénoncer l'accord conclu entre le président américain, Donald Trump, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui prévoit notamment une hausse de 15% des droits de douane sur les exportations européennes.

Le président Emmanuel Macron a déploré mercredi en Conseil des ministres que l'Union européenne n'ait pas été assez "crainte" dans ses négociations commerciales avec les Etats-Unis, affirmant que la France continuerait de faire montre "d'exigence et de fermeté" dans la suite des discussions.


Lille: enquête ouverte après les propos sur internet d'une étudiante gazaouie

L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
L'Institut d'études politiques (IEP) de Sciences Po à Lille. (AFP)
Short Url
  • Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie

LILLE: Le parquet de Lille a annoncé jeudi avoir ouvert une enquête pour apologie du terrorisme et apologie de crime contre l'humanité concernant les publications sur les réseaux sociaux d'une étudiante gazaouie, dont Sciences Po Lille a annulé l'inscription mercredi.

"Une enquête a été ouverte pour apologie du terrorisme, apologie de crime contre l'humanité avec utilisation d'un service de communication au public en ligne", a écrit la procureure de la République de Lille, Carole Etienne, à l'AFP.

Des captures d'écran circulant sur les réseaux sociaux montrent qu'un compte, attribué à cette étudiante par des internautes et fermé depuis, a repartagé des messages appelant à tuer des juifs.

Elle a été désinscrite de l'Institut d'études politiques de Lille, où elle devait étudier à partir de septembre, en raison du contenu de certaines de ses publications qui "entre en contradiction frontale avec les valeurs portées par Sciences Po Lille", a indiqué l'établissement mercredi.

"Pourquoi on est passé à travers? Il y a quand même une question, il faut y répondre", a reconnu jeudi sur RMC François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre de l'Intérieur.

"Il y aura des poursuites qui seront engagées et sur la base de ces éléments-là, elle est susceptible d'être renvoyée dans son pays, bien évidemment", a-t-il ajouté.

"Administrativement, semble-t-il, je suis très prudent, il n'y avait pas de difficulté particulière, sauf que sur les réseaux sociaux, voilà, on s'en est rendu compte", a-t-il ajouté, précisant que "les services des titres de séjour relèvent du ministère des Affaires étrangères".

Sollicité par l'AFP, Sciences Po Lille a expliqué avoir "accueilli cette étudiante sur proposition du consulat général de France à Jérusalem".

L'incident a fait largement réagir dans la classe politique, jusqu'au gouvernement.

"Une étudiante gazaouie tenant des propos antisémites n'a rien à faire en France", a réagi sur X le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Il a indiqué avoir "demandé à ce qu'une enquête interne soit diligentée pour que cela ne puisse en aucun cas se reproduire".

Le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, a souligné sur le même réseau social avoir "demandé de faire fermer ce compte haineux", et a martelé que "les propagandistes du Hamas n'ont rien à faire dans notre pays".


Restitutions coloniales: le gouvernement français annonce un projet de loi

La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
La ministre française de la Culture Rachida Dati (G) et la ministre française des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative Marie Barsacq quittent le Palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 30 juillet 2025, après la réunion hebdomadaire du conseil des ministres. (AFP)
Short Url
  • Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation
  • Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises

PARIS: Le gouvernement français a présenté mercredi en conseil des ministres un projet de loi-cadre visant à faciliter la restitution à leur pays d'origine de biens culturels pillés pendant la colonisation.

S'appliquant en priorité aux pays africains mais de "portée géographique universelle", ce texte vise à accélérer le retour dans leur pays d'origine de biens culturels appartenant aux collections nationales françaises.

Ils doivent revenir à des "Etats qui, du fait d'une appropriation illicite, en ont été privés" entre 1815 et 1972, selon le ministère français de la Culture.

Ce projet de loi-cadre crée une dérogation au principe d'inaliénabilité pour les œuvres des collections nationales françaises. Les oeuvres à restituer devront avoir été acquises "dans une situation de vol, de pillage, de cession ou de libéralité obtenue par contrainte ou violence ou d'une personne qui ne pouvait en disposer", a précisé le ministère.

La décision de sortie des collections pour opérer cette restitution ne passera plus par un processus législatif au cas par cas mais pourra intervenir sur seul décret du Conseil d'Etat et après avis, le cas échéant, d'une commission scientifique bilatérale.

Cette commission devra en effet documenter et déterminer, si besoin, le caractère illicite de l'appropriation des oeuvres réclamées à travers un travail qui associerait des experts et historiens français et l'Etat demandeur, selon le ministère.

Concernant la période historique retenue, 1815 correspond à la date d'un règlement des conquêtes napoléoniennes qui est dû à un premier mouvement de restitution d'œuvres à l'échelle européenne. 1972 est celle de l'entrée en application de la convention internationale de l'Unesco protégeant les biens culturels contre le trafic illicite.