La justice pakistanaise acquitte le principal accusé dans le meurtre de Daniel Pearl

Daniel Pearl, 38 ans, correspondant du quotidien américain The Wall Street Journal, avait disparu le 23 janvier 2002 à Karachi, où il s'apprêtait à rencontrer un chef islamiste (Archive, AFP).
Daniel Pearl, 38 ans, correspondant du quotidien américain The Wall Street Journal, avait disparu le 23 janvier 2002 à Karachi, où il s'apprêtait à rencontrer un chef islamiste (Archive, AFP).
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Publié le Vendredi 29 janvier 2021

La justice pakistanaise acquitte le principal accusé dans le meurtre de Daniel Pearl

  • La Cour a considéré qu'Ahmed Omar Saeed Sheikh n'avait commis «aucun délit dans cette affaire» et devait «être immédiatement libéré»
  • «Nous appelons le gouvernement pakistanais à examiner rapidement ses options légales, y compris aux Etats-Unis de poursuivre Sheikh pour le meurtre brutal d'un citoyen et journaliste américain»

SLAMABAD: La Cour suprême du Pakistan a acquitté jeudi l'extrémiste pakistano-britannique soupçonné d'avoir enlevé et tué en 2002 le journaliste américain Daniel Pearl, ordonnant sa libération immédiate et celle de trois complices présumés.

La Cour a considéré qu'Ahmed Omar Saeed Sheikh n'avait commis «aucun délit dans cette affaire» et devait «être immédiatement libéré», a déclaré Mahmood Sheikh, l'un des avocats de l'accusé.

Les Etats-Unis se sont déclarés «outrés» par cet acquittement. «Nous appelons le gouvernement pakistanais à examiner rapidement ses options légales, y compris aux Etats-Unis de poursuivre Sheikh pour le meurtre brutal d'un citoyen et journaliste américain», a déclaré la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki.

En avril, la Haute cour de la province du Sindh (sud) avait annulé la condamnation à mort - prononcée en 2002 - pour meurtre d'Omar Sheikh, 47 ans, et commué sa peine en sept années de prison pour enlèvement, une durée couverte par ses 18 ans en détention.

Mais la province du Sindh, dont Karachi est la capitale, ainsi que les parents de Daniel Pearl et l'accusé lui-même avait interjeté appel devant la Cour suprême.

Deux des trois juges de la Cour suprême ont présenté les deux premiers appels, mais ont accepté celui de l'accusé contre sa condamnation pour enlèvement «au bénéfice du doute», l'acquittant ainsi de l'ensemble des charges.

La Cour a également confirmé l'acquittement, décidé par le même tribunal du Sindh, de trois de ses complices présumés. Salman Saquib, Fahad Nasim et Sheikh Adil avait été condamné en juillet 2002 à la perpétuité pour avoir notamment envoyé des courriers électroniques revendiquant le rap du journaliste.

Jeudi, le gouvernement de la province de Sindh a annoncé qu'il déposait une demande de révision du verdict de la Cour suprême du Pakistan.

La famille de Daniel Pearl a parlé de «parodie de justice» qui «met en danger les journalistes partout» dans le monde, demandant aux autorités américaines d'intervenir.

Reporters sans frontières a estimé que le jugement «restera le symbole de l'impunité d'absolue concernant les crimes violents contre les journalistes dans ce pays».

Le jugement d’avril avait été dénoncé par le département d’État américain, qui y avait vu «un affront aux victimes du terrorisme dans le monde».

En décembre, le ministre américain de la Justice par intérim, Jeffrey Rosen, avait déclaré que les États-Unis étaient prêts à faire en sorte qu'Omar Sheikh puisse y «être jugé».

Daniel Pearl, 38 ans, correspondant du quotidien américain The Wall Street Journal, avait disparu le 23 janvier 2002 à Karachi, où il s'apprêtait à rencontrer un chef islamiste.

«La justice assassinée»

Il enquêtait sur les réseaux islamistes, alors très implantés dans cette ville et susceptibles d'avoir des liens avec Al-Qaïda, le réseau d'Oussama ben Laden, quelques mois après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.

Une issue d'un mois d'incertitude sur son sort, sa mort avait été confirmée par l'envoi au consulat américain de Karachi d'une cassette vidéo le déroulement de l'égorgé, puis décapité.

Né à Londres dans une famille pakistanaise aisée, Omar Sheikh avait notamment étudié à la London School of Economics (LSE), avant de se rapprocher des milieux islamistes et de participer à d'autres enlèvements d'occidentaux.

Au cours d'une première comparaison devant un tribunal de Karachi, une semaine avant la diffusion de la vidéo, il s'était vanté d'avoir orchestré l'enlèvement, affirmant que le journaliste était mort. Mais il n'avait pas de suite cessé de nier les faits.

Son avocat a reconnu cette semaine devant la Cour suprême qu'Omar Sheikh avait admis avoir joué un rôle mineur dans l'affaire, dans une lettre adressée en 2019 à la Haute cour du Sindh.

Les avocats de la famille de Daniel Pearl ont quant à eux argué qu'Omar Sheikh avait joué un rôle essentiel dans l'enlèvement et la détention du journaliste, avant de le faire exécuter.

Les défenseurs de l'accusé, au contraire, ont affirmé qu'il n'était qu'un bouc-émissaire et avait été condamné à partir de preuves insuffisantes.

Une enquête indépendante menée pendant trois ans dans le cadre du «Pearl Project» avait affiché en 2011 qu'Omar Sheikh n'avait pas tué lui-même le journaliste, mais il était accusé d'avoir ordonné son exécution.

Selon Asra Nomani, une ancienne collègue et une amie de Daniel Pearl, qui avait dirigé cette enquête, c'est le Pakistanais Khaled Cheikh Mohammed (KSM selon ses initiales en anglais), le cerveau auto-proclamé des attentats du 11 septembre 2001, qui vous exécutez.

KSM, arrêté au Pakistan en 2003, est détenu dans la prison américaine de Guantanamo, à Cuba. Un psychologue qui vérifie interrogé a demandé que le détenu lui avait confessé avoir décapité le journaliste américain.

«En 2002, Daniel Pearl, un noble journaliste, a été brutalement massacré au Pakistan (...) Aujourd'hui, 19 ans après, en 2021, la justice est assassinée», a réagi Mme Nomani, demandant à Washington d'intervenir pour obtenir l'extradition d'Omar Sheikh.


La flottille pour Gaza quitte la Tunisie, direction le territoire palestinien

Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire. (AFP)
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  • Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place
  • Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser"

BIZERTE: Après plusieurs reports, la flottille internationale pour Gaza a quitté lundi la Tunisie pour mettre le cap sur le territoire palestinien assiégé par Israël, dans le but de "briser le blocus israélien" et d'ouvrir un "corridor" humanitaire.

"Nous essayons d'envoyer un message à la population de Gaza, (de lui dire) que le monde ne l'a pas oubliée", a dit à l'AFP la militante écologiste suédoise Greta Thunberg avant d'embarquer dans le port de Bizerte, dans le nord de la Tunisie.

"Lorsque nos gouvernements ne prennent pas leurs responsabilités, nous n'avons pas d'autre choix que de prendre les choses en main", a-t-elle ajouté.

Une vingtaine de bateaux venus de Barcelone (Espagne) ont quitté Bizerte, les derniers étant partis à l'aube lundi, selon un photographe de l'AFP sur place.

Yasemin Acar, du comité de coordination de la partie maghrébine de la flottille, a posté sur Instagram des images de bateaux tunisiens prenant aussi la mer ces dernières heures, avec le message "le blocus de Gaza doit cesser", "nous partons par solidarité, dignité et pour la justice".

Les embarcations arrivées d'Espagne s'étaient transférées à Bizerte après un séjour mouvementé à Sidi Bou Saïd, près de Tunis.

La "Global Sumud Flotilla", accueillie par des rassemblements de soutien, a indiqué que deux de ses bateaux avaient été visés par des attaques de drones deux nuits de suite la semaine passée, publiant des vidéos à l'appui. Après la deuxième annonce, les autorités tunisiennes ont dénoncé "une agression préméditée" et dit mener une enquête.

L'eurodéputée franco-palestinienne Rima Hassan qui, comme Greta Thunberg, avait été détenue à bord du "Madleen" lors d'une précédente traversée vers Gaza, a dit à l'AFP redouter "bien entendu" de nouvelles attaques, ajoutant: "on se prépare aux différents scénarios".

Selon elle, les personnalités les plus en vue - dont l'actrice française Adèle Haenel - ont été réparties entre les deux plus gros bateaux de coordination "de manière à équilibrer et (ne) pas concentrer toutes les personnalités visibles dans un seul et même bateau".

Le départ de Tunisie a été repoussé à plusieurs reprises en raison de motifs de sécurité, de retard dans les préparatifs pour certains bateaux et de la météo.

La Global Sumud Flotilla ("sumud" signifie "résilience" en arabe), qui comprend aussi des embarcations parties ces derniers jours de Corse (France), Sicile (Italie) et Grèce, avait initialement prévu d'atteindre le territoire palestinien à la mi-septembre, après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet.

 


Les ministres du Groupe E3 condamnent les frappes israéliennes à Doha

Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
Cette photo satellite obtenue le 10 septembre auprès de Planet Labs PBC et datée du 24 janvier 2025 montre le complexe qui abritait les membres du bureau politique du groupe militant palestinien Hamas et qui a été pris pour cible par une frappe israélienne le 9 septembre, dans la capitale du Qatar, Doha. (AFP)
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  • Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza
  • Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas

PARIS: Les ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni ont condamné, dans une déclaration conjointe, les frappes israéliennes ayant visé Doha le 9 septembre. Ils estiment que ces attaques constituent une violation de la souveraineté du Qatar et représentent un risque d’escalade supplémentaire dans la région.

Selon eux, cette action militaire compromet également les négociations en cours visant à la libération des otages encore détenus et à la conclusion d’un accord de cessez-le-feu à Gaza. « Nous appelons toutes les parties à intensifier leurs efforts pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat », ont-ils insisté.

Les trois pays européens ont exprimé leur solidarité avec le Qatar, soulignant son rôle clé dans la médiation menée avec l’Égypte et les États-Unis entre Israël et le Hamas. Ils appellent les parties à « faire preuve de retenue » et à saisir l’opportunité de rétablir la paix.

Les ministres ont réaffirmé que la priorité devait rester la mise en place d’un cessez-le-feu permanent, la libération des otages et l’acheminement massif d’aide humanitaire à Gaza pour enrayer la famine. Ils demandent l’arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes dans la ville de Gaza, dénonçant les déplacements massifs de civils, les pertes humaines et la destruction d’infrastructures vitales.

Ils exhortent par ailleurs à garantir aux Nations unies et aux ONG humanitaires un accès sûr et sans entrave à l’ensemble de la bande de Gaza, y compris dans le Nord.

Enfin, le Groupe E3 a rappelé sa condamnation « sans équivoque » des crimes commis par le Hamas, qualifié de mouvement terroriste, qui doit, selon eux, « libérer immédiatement et sans condition les otages, être désarmé et écarté définitivement de la gouvernance de la bande de Gaza ».


L’ONU adopte une résolution franco-saoudienne pour la paix israélo-palestinienne sans le Hamas

L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
L'ancienne ministre allemande des Affaires étrangères et présidente de la 80e session de l'Assemblée générale des Nations Unies, Annalena Baerbock, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale pour voter sur la solution de deux États à la question palestinienne au siège des Nations Unies (ONU), le 12 septembre 2025 à New York. (AFP)
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  • Résolution adoptée par 142 voix pour, 10 contre — dont Israël et les États-Unis
  • Le vote précède un sommet de haut niveau co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre

​​​​​​NEW YORK : L’Assemblée générale des Nations unies a voté massivement vendredi en faveur de l’adoption de la « Déclaration de New York », une résolution visant à relancer la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

Le texte a été approuvé par 142 pays, contre 10 votes négatifs — dont Israël et les États-Unis — et 12 abstentions. Il condamne fermement les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, exige le désarmement du groupe, la libération de tous les otages, et appelle à une action internationale collective pour mettre fin à la guerre à Gaza.

Intitulée officiellement « Déclaration de New York sur le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États », la résolution a été présentée conjointement par l’Arabie saoudite et la France, avec le soutien préalable de la Ligue arabe et de 17 États membres de l’ONU.

Le texte souligne la nécessité de mettre fin à l’autorité du Hamas à Gaza, avec un transfert des armes à l’Autorité palestinienne, sous supervision internationale, dans le cadre d’une feuille de route vers une paix durable. Celle-ci inclut un cessez-le-feu, la création d’un État palestinien, le désarmement du Hamas, et une normalisation des relations entre Israël et les pays arabes.

L’ambassadeur de France, Jérôme Bonnafont, qui a présenté la résolution, l’a qualifiée de « feuille de route unique pour concrétiser la solution à deux États », soulignant l’engagement de l’Autorité palestinienne et des pays arabes en faveur de la paix et de la sécurité. Il a aussi insisté sur l’urgence d’un cessez-le-feu immédiat et de la libération des otages.

Ce vote intervient à quelques jours d’un sommet de haut niveau de l’ONU, co-présidé par Riyad et Paris le 22 septembre, où le président Emmanuel Macron s’est engagé à reconnaître officiellement un État palestinien.

La représentante américaine, Morgan Ortagus, s’est vivement opposée à la résolution, la qualifiant de « coup de communication malvenu et malavisé » qui récompenserait le Hamas et nuirait aux efforts diplomatiques authentiques.

Elle a dénoncé la mention du « droit au retour » dans le texte, estimant qu’il menace le caractère juif de l’État d’Israël.

« Cette résolution est un cadeau au Hamas,» a déclaré Mme Ortagus, ajoutant que le désarmement du Hamas et la libération des otages étaient la clé de la fin de la guerre. Elle a exhorté les autres nations à se joindre aux États-Unis pour s'opposer à la déclaration.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com