Tunisie : Abderrahmane Hedhili, « l’État ne joue pas son rôle »

Abderrahmane Hedhili, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). (Photo fournie).
Abderrahmane Hedhili, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). (Photo fournie).
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Publié le Mercredi 03 février 2021

Tunisie : Abderrahmane Hedhili, « l’État ne joue pas son rôle »

  • Le quartier se transforme en un espace de résistance collective dans une société où injustice et exclusion se cristallisent
  • Le gouvernement a offert une réponse purement sécuritaire à une crise économique et sociale, perpétué ainsi une politique de fuite et échappé à l’examen des dossiers

PARIS :  Abderrahmane Hedhili, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), organisation non gouvernementale, répond aux questions d’Arab News en français.

La jeunesse manifeste son mécontentement, son désespoir, face à la dégradation de la situation socio-économique dans le pays. Comment l’expliquez-vous?

Les dernières contestations ne sont nullement une surprise, pas même pour le gouvernement qui, malheureusement, s’est uniquement préparé en important du matériel de défense face aux émeutes que le chef du gouvernement s’est personnellement déplacé pour réceptionner, envoyant ainsi un message clair.

Ces protestations sont en fait le résultat d’un processus de marginalisation et d’exclusion. Le silence politique officiel face à ces contestations, du début de la colère à l’apparition médiatique du chef du gouvernement, s’explique par l’impuissance des élites gouvernantes à formuler de vraies réponses aux motivations propres à ces vagues ascendantes de colère.

De même, certaines réponses aux contestations reflètent un manque de compréhension et une envie pressante de stigmatiser en se concentrant uniquement sur les actes de vol qui accompagnent cette colère, ce qui n’est pas une exception tunisienne. Cela n’est pas une justification mais plutôt une recentralisation du débat autour de son essence.

Ces dernières années, l’idée s’est construite chez les jeunes qu’ils vivent en fait dans une démocratie vitrine et que l’État n’est pas en train de jouer son rôle, voire qu’il est devenu un facteur de violence sociale en soi, via les inégalités, l’absence de justice, le clientélisme et le népotisme.

Outre la violence économique et la discrimination sociale, associées au mépris de classe ou de catégorie sociale qui résultent des crises politiques, économiques et sociales, et la mauvaise performance de l’État dans sa gestion de la pandémie, la réponse lourdement sécuritaire et violente aux dernières contestations a créé un sentiment d’ignominie et d’humiliation partagé par plusieurs catégories. Cela a pavé le chemin d’un sentiment de colère et son expression par la violence. C’est ainsi que le quartier se transforme en un espace de résistance collective dans une société où injustice et exclusion se cristallisent.

Ces jeunes ont-ils le sentiment d’être exclus, marginalisés par la classe politique?

Les contestations montrent aux acteurs politiques que la pauvreté, l’exclusion et la marginalisation poussent nécessairement à demander plus de reconnaissance, de dignité et de justice par le biais de politiques économiques et sociales plus justes et plus équitables. Quant au choix du cadre temporel pour protester, les manifestants souhaitent faire face au symbole du pouvoir de l’État, de sa violence et éviter la violence dont les manifestations «de jour» font l’objet. Ce choix marque aussi une rupture avec les éléments classiques de protestation en termes d’espace, de mécanismes et de forme.

Peut-on parler de défiance, de confiance rompue entre la jeunesse et la classe politique, tous partis confondus?

La réalité c’est que cette génération – celle des mineurs, des enfants mais aussi des jeunes présents dans la vague de contestations nocturnes – est celle d’une liberté teintée de crises et dont la relation avec l’État n’est basée sur aucun rapport de confiance.

Marginalisés, opprimés et exposés à la discrimination et à la privation, ils ne bénéficient d’aucune considération ou respect. Leur voix est ignorée dans leur propre pays. Ils sont confrontés à l’injustice et aux inégalités et sont victimes de violence. En tant que tels ils ont leur propre représentation de l’État.

Les résultats d’une étude quantitative sur la dimension sociale du phénomène de l’extrémisme violent, menée par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), sont choquants pour une génération abattue par les crises. L’étude, qui se base sur un échantillon de 805 participants des quartiers de Kabbariya, Sidi Hassine, El Mourouj et El Menzah, donne des résultats éloquents: 71,3 % des personnes interrogées considèrent que la société tunisienne n’est pas fondée sur de bonnes bases; 83,1 % que c’est une société d’inégalités; 83,6 % que c’est une société injuste; 76,4 % que les classes riches ne se soucient pas du reste de la population; 69,7 % que l’État n’assure pas les besoins de base; 65,7 % que l’État n’assure pas les besoins en éducation; 79,2 % que l’État n’assure pas les besoins économiques; 70,1 % que l’État exerce la violence; 80,4 % que l’État n’assiste pas les plus pauvres; et 82,4 % croient fermement que l’égalité face à la loi n’existe pas.

L’État a-t-il renoncé à ses engagements envers la population la plus fragile?

En effet, et ce qui est encore plus consternant, ce n’est pas la participation de mineurs à ces manifestations, mais le taux d’abandon scolaire qui dépasse les 100 000 individus par an, le nombre de mineurs qui se lancent dans une émigration clandestine – en 2020, on estime à quelque 1 900 le nombre de mineurs arrivés sur les côtes italiennes – ainsi que la propagation de la consommation de drogues dans ces milieux.

Tout cela est le résultat d’une politique induite par le renoncement de l’État à ses engagements envers ces catégories. Outre les difficultés relatives au système éducatif qui relèvent de l’État dans les quartiers populaires et les régions intérieures, la politique de gel du recrutement dans le secteur public a provoqué pas moins de 63 fermetures d’institutions destinées à l’enfance.

Quelle est la position du FTDES quant aux arrestations des jeunes dans les quartiers populaires qui réclament une justice sociale?

Les crises précédentes ont prouvé que l’approche sécuritaire et judiciaire aux contestations sociales ne fait qu’accentuer le fossé entre les acteurs sociaux et l’État. Nous sommes profondément attachés au principe de non-impunité. Pour autant, nous exigeons la garantie de la tenue de procès et le respect de la présomption d’innocence. Aujourd’hui, seuls certains privilégiés y ont droit quand les catégories les plus vulnérables sont confrontées aux arrestations et à la détention.

La violence est condamnée quelle que soit sa source, mais la tentative de présenter les dernières contestations comme des événements de pure subversion et d’en stigmatiser les auteurs est une fuite en avant. L’infiltration de ces manifestations par certains n’est pas particulière à la Tunisie, et quoique nous tenions à la préservation des biens publics et privés et à la condamnation de la violence, il faut aussi signaler la violence de l’État et celle de certains médias sous prétexte de dénoncer des actes de subversion.

Avec nos organisations partenaires nationales et internationales, nous continuons de suivre les conditions des procès. Il y a eu plus de 1000 arrestations, dont environ 30 % de mineurs, et cela s’accompagne de beaucoup d’abus et d’arrestations arbitraires. Les enfants ont ainsi été détenus dans un centre de confinement sanitaire sans que leurs parents soient avertis ou que leur écoute soit garantie – leurs parents n’étaient pas présents et le délégué de la protection de l’enfance n’a pas été notifié. L’article 5 n’a pas non plus été respecté: ainsi, il n’a pas été proposé à ces enfants d’exercer le droit d’appeler un avocat. On a également refusé un examen médical à ceux qui avaient subi des violences physiques. De plus, plusieurs procès – oraux – n’ont pas été consignés et contiennent des informations erronées sur l’heure de l’arrestation. Des maisons ont été fouillées sans avis ni permission du procureur de la République, des personnes ont été détenues sans autorisation et d’autres, poussées à signer des procès-verbaux sans même pouvoir en lire le contenu.

Quelles sont les actions à mener pour sortir de cette crise sociale qui intervient dans un contexte de crises politique, économique et sanitaire?

Le gouvernement a offert une réponse purement sécuritaire à une crise économique et sociale, perpétué ainsi une politique de fuite et échappé à l’examen des dossiers. Cela reflète l’absence de vision, d’alternative et de planification. La non-réactivité dans la communication officielle traduit l’absence de réponse à la hauteur des attentes et l’incapacité à diffuser de l’espoir auprès de catégories sociales qui, aujourd’hui, ont besoin de reconnaissance, d’inclusion et de dignité.

Les forces économiques et sociales doivent pousser le secteur informel à se transformer en secteur formel. Elles doivent aussi œuvrer à une réforme du système fiscal pour garantir l’adoption d’une politique distributive qui aurait pour objectif l’instauration de la justice sociale, l’opposition aux disparités régionales et l’amélioration de la qualité des services sociaux.

Il s’agit aussi de la mise en œuvre de la réforme des mécanismes de financement de l’économie par l’augmentation de la participation de ces forces dans la construction d’un modèle de développement alternatif ainsi que par la refonte du système éducatif et de la formation professionnelle afin d’améliorer la productivité, les compétences et l’employabilité des jeunes.

Il faudra encourager les autorités locales via la décentralisation et garantir les approches participatives et inclusives dans l’esquisse de solutions de développement voulues qui assurent la mobilisation de toutes les forces actives. La restauration de la confiance dans les institutions passe aussi par l’accroissement de la performance de l’administration, la restriction du commerce parallèle et de la contrebande et l’amélioration du climat des affaires en général.

En matière de relations internationales, il faut travailler sur un renouveau des relations avec l’Union européenne (UE). Aller vers plus de considération pour la volonté nationale et plus d’indépendance dans le traitement des propositions et projets de l’UE, vers le renforcement des dynamiques de solidarité maghrébine et des zones frontalières qui permettent la construction de projets communs et l’organisation de transactions commerciales transfrontalières.


Arrestations en Tunisie: le président Saied s'insurge contre les critiques étrangères

Des manifestants brandissent des drapeaux et des pancartes lors d'une manifestation exigeant la libération de journalistes, militants et personnalités de l'opposition emprisonnés à Tunis lundi (Photo, Reuters).
Des manifestants brandissent des drapeaux et des pancartes lors d'une manifestation exigeant la libération de journalistes, militants et personnalités de l'opposition emprisonnés à Tunis lundi (Photo, Reuters).
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  • «Nous ne sommes pas intervenus dans leurs affaires quand ils ont arrêté des manifestants qui dénonçaient la guerre de génocide contre le peuple palestinien»
  • Samedi, l'avocate Sonia Dahmani, également chroniqueuse et voix critique notoire du président Saied, a été emmenée de force par des policiers encagoulés

TUNIS: Le président tunisien Kais Saied a dénoncé jeudi comme une "ingérence étrangère inacceptable" les inquiétudes exprimées par l'Union européenne, la France et les Etats-Unis après une vague d'arrestations d'avocats, de journalistes et de figures de la société civile.

Le chef de l'Etat, qui concentre tous les pouvoirs depuis l'été 2021, a ordonné au ministère des Affaires étrangères de "convoquer dès que possible les ambassadeurs d'un certain nombre de pays étrangers" pour leur transmettre sa "vive protestation contre une ingérence flagrante et inacceptable dans nos affaires intérieures".

"Nous ne sommes pas intervenus dans leurs affaires quand ils ont arrêté des manifestants qui dénonçaient la guerre de génocide contre le peuple palestinien", a ajouté M. Saied, dans une vidéo diffusée par la présidence avant l'aube.

Depuis une dizaine de jours, des figures de la société civile comme la militante antiraciste Saadia Mosbah, plusieurs avocats ainsi que des chroniqueurs à la radio et la télévision ont fait l'objet d'interpellations, souvent musclées.

Samedi, l'avocate Sonia Dahmani, également chroniqueuse et voix critique notoire du président Saied, a été emmenée de force par des policiers encagoulés alors qu'elle s'était réfugiée dans un bâtiment de l'Ordre des avocats. Lundi soir, cela a été au tour d'un autre avocat Mehdi Zagrouba d'y être interpellé.

Il a été hospitalisé en urgence dans la nuit de mercredi à jeudi, après avoir été frappé en détention et s'être évanoui, selon plusieurs avocats. Le président de la Ligue de défense des droits de l'homme Bassem Trifi a dit avoir constaté "avec le bâtonnier et des confrères des traces évidentes de violence et torture sur son corps".

Mardi, la France avait exprimé sa "préoccupation" après l'interpellation de Mme Dahmani dans un "contexte d'autres arrestations et interpellations, notamment de journalistes et membres d'associations".

Les Etats-Unis ont également critiqué la vague d'arrestations, jugeant ce "type d'agissement en contradiction avec ce que nous pensons être les droits universels explicitement garantis par la Constitution tunisienne".

L'Union européenne a exprimé son "inquiétude", soulignant que la liberté d'expression et l'indépendance de la justice constituaient "le socle" de son partenariat privilégié avec Tunis.

Depuis que le président Kais Saied, élu en octobre 2019 pour cinq ans devant se terminer à l'automne prochain, s'est octroyé les pleins pouvoirs lors d'un coup de force en juillet 2021, des ONG tunisiennes et internationales déplorent une régression des droits dans le pays berceau du Printemps arabe.


L’Égypte met en garde contre les conséquences de l’escalade israélienne à Gaza

Ayman al-Safadi et Sameh Choukri se rencontrent à Manama, au royaume de Bahreïn. (X/@MfaEgypte)
Ayman al-Safadi et Sameh Choukri se rencontrent à Manama, au royaume de Bahreïn. (X/@MfaEgypte)
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  • La discussion à Manama a eu lieu mercredi, en marge d’une réunion des ministres arabes des Affaires étrangères, organisée en préparation du sommet arabe
  • M. Choukri a évoqué les efforts de l’Égypte pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat, global et durable à Gaza et son appel à autoriser l’acheminement immédiat de l’aide humanitaire

LE CAIRE: Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, a mis en garde contre les conséquences désastreuses de l’intensification des activités israéliennes dans la bande de Gaza.

Lors de ses entretiens avec ses homologues jordanien et irakien, Ayman al-Safadi et Fouad Hussein, il a également déclaré que cette situation entraînerait des répercussions négatives sur la sécurité et la stabilité de l’ensemble de la région.

La discussion à Manama a eu lieu mercredi, en marge d’une réunion des ministres arabes des Affaires étrangères, organisée en préparation du sommet arabe.

M. Choukri a évoqué les efforts de l’Égypte pour parvenir à un cessez-le-feu immédiat, global et durable à Gaza et son appel à autoriser l’acheminement immédiat de l’aide humanitaire.

Il a également mis en lumière le rejet catégorique de son pays de toute tentative visant à déplacer les Gazaouis ou à tuer la cause palestinienne.

Violence coloniale  

Il a par ailleurs insisté sur la nécessité de cesser de cibler les civils, de mettre un terme à la violence des colons israéliens et de permettre l’accès à l’aide en quantités adéquates «pour répondre aux besoins de nos frères palestiniens».

Au cours de la réunion, Sameh Choukri a également réaffirmé le soutien du Caire à la stabilité de l’Irak et de la Jordanie et il a souligné l’importance de mettre en œuvre les directives des dirigeants des trois pays visant à renforcer la coopération dans le cadre du mécanisme tripartite.

Il soutient que l’Égypte considère la coopération tripartite comme un moyen de lier les intérêts des trois pays et de maximiser les bénéfices communs. La discussion a égalementmis en valeur l’importance de mener à bien, dès que possible,les projets communs approuvés.

Lors d’une réunion séparée avec le ministre irakien Hussein, M. Choukri a réitéré les directives du président égyptien,Abdel Fattah al-Sissi, visant à développer les relations entre les deux pays dans divers domaines.

Le ministre irakien a souligné les liens historiques étroits avec l’Égypte qui nécessitent une coordination continue face aux différents défis auxquels la région est confrontée. Fouad Hussein a également salué le rôle majeur joué par l’Égypte pour mettre fin à la crise à Gaza.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Un institut saoudien s’apprête à lutter contre le crime organisé

Une table ronde portant sur le thème «Améliorer les mécanismes d’application transfrontalière des lois et de recouvrement d’actifs», mercredi à Riyad. (Photo AN/Huda Bashatah)
Une table ronde portant sur le thème «Améliorer les mécanismes d’application transfrontalière des lois et de recouvrement d’actifs», mercredi à Riyad. (Photo AN/Huda Bashatah)
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  • Le crime organisé englobe les groupes terroristes, le trafic de drogue, le blanchiment d’argent, le trafic de migrants et la traite des êtres humains
  • Les stratégies nationales doivent inclure une évaluation continue des risques liés à la criminalité financière

RIYAD: Les forces de l’ordre doivent être «largement» plus performantes que les groupes criminels organisés pour empêcher la formation d’alliances criminelles et leur infiltration à travers les frontières, a-t-on appris lors d’un important forum à Riyad sur la lutte contre la corruption.

Dans un discours intitulé «Le renforcement des capacités humaines pour lutter contre la corruption et la fraude»,prononcé mercredi lors du Forum arabe des agences de lutte contre la corruption et des services de renseignement financier, Abdelmadjid ben Abdallah al-Banyan, président de l’université arabe Naif pour les sciences de sécurité, soutientque le développement de stratégies de lutte contre le crime organisé «représente un défi important à la fois pour les personnes qui créent ces initiatives et celles qui les exécutent».

Il ajoute: «Il faut que les individus formés acquièrent des connaissances et des compétences supérieures à celles des organisations criminelles, même les plus compétentes, car les crimes en question sont de nature complexe, souvent orchestrés par des gangs transnationaux sophistiqués qui exploitent le cyberespace et la technologie pour mener leurs activités illégales tout en échappant au contrôle des autorités.»

Le crime organisé englobe les groupes terroristes, le trafic de drogue, le blanchiment d’argent, le trafic de migrants et la traite des êtres humains.

L’université arabe Naif des sciences de sécurité a examiné les programmes de formation spécialisés dans le domaine de la criminalité économique, dans le cadre d’une enquête sur la région arabe en 2018.

«Nous avons constaté une pénurie dans le nombre et le type de programmes disponibles par rapport à d’autres régions du monde», précise M. Al-Banyan.

Une table ronde portant sur le thème «Améliorer les mécanismes d’application transfrontalière des lois et de recouvrement d’actifs», mercredi à Riyad. (Photo AN/Huda Bashatah)
Une table ronde portant sur le thème «Améliorer les mécanismes d’application transfrontalière des lois et de recouvrement d’actifs», mercredi à Riyad. (Photo AN/Huda Bashatah)

En conséquence, l’université – l’organisme scientifique du Conseil des ministres arabes de l’Intérieur – a fait de la lutte contre la criminalité économique l’une de ses principales batailles.

«Nous avons créé plusieurs programmes de maîtrise visant à renforcer les capacités dans ce domaine. Le plus important est indéniablement le programme de maîtrise en intégrité financière, en coopération avec l’université Case Western Reserve aux États-Unis, qui vise spécifiquement à former des experts dans la lutte contre la fraude financière», souligne-t-il.

L’université propose un programme de maîtrise sur la lutte contre les crimes économiques, notamment la corruption et la fraude financière, ainsi qu’un programme de maîtrise sur l’investigation judiciaire numérique, axé sur la lutte contre la cybercriminalité et les activités suspectes en ligne.

L’université a également initié, cette année, un nouveau programme de maîtrise en intelligence artificielle, poursuitAbdelmadjid ben Abdallah al-Banyan.

«Nous envisageons actuellement d’ajouter un nouveau programme de maîtrise en juricomptabilité, qui vise à former les comptables à détecter les pratiques financières frauduleuses et à mener des enquêtes et des examens financiers détaillés», ajoute-t-il.

L’université a signé un protocole d’accord avec la présidence de la sécurité de l’État en 2016, dans le cadre de ses efforts visant à accroître sa collaboration avec des partenaires locaux et internationaux majeurs.

«Nous avons renforcé nos relations avec l’Autorité saoudienne de surveillance et de lutte contre la corruption (Nazaha) et,aujourd’hui, nous assisterons à la signature du protocole d’accord en marge de ce forum», indique-t-il.

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Une table ronde portant sur le thème «Améliorer les mécanismes d’application transfrontalière des lois et de recouvrement d’actifs», mercredi à Riyad. (Photo AN/Huda Bashatah)

L’université s’est associée à l’Office des nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), créant un centre commun àl’intérieur de son siège pour soutenir la communauté internationale et arabe dans la lutte contre le crime organisé, la corruption et le blanchiment d’argent.

Les experts ont souligné que la lutte contre la criminalité économique et financière est une tâche complexe qui nécessite des stratégies nationales claires et une coopération transfrontalière efficace.

Les pays doivent œuvrer de concert pour contrer la menace posée par de tels crimes, qui peuvent nuire gravement aux économies et affaiblir les systèmes financiers.

Hassan Mohamoud, ministre somalien de la Justice et des Affaires constitutionnelles, a déclaré, lors du forum, que la poursuite du conflit en Somalie a favorisé un «paysage complexe en matière de blanchiment d’argent», rendant la coopération internationale indispensable pour identifier et restituer les fonds illicites.

S’exprimant lors d’une table ronde portant sur le thème «Améliorer les mécanismes d’application transfrontalière des lois et de recouvrement d’actifs», M. Mohamoud a déclaré que la coopération judiciaire entre les pays et les secteurs public et privé est essentielle pour résoudre ces problèmes en constante évolution.

«La nécessité de partager des informations sur les flux d’argent transfrontaliers est importante pour lutter efficacement contre le blanchiment d’argent, non seulement en Somalie, mais à l’échelle mondiale», souligne-t-il.

Dans un discours d’ouverture sur les «Stratégies nationales: Évaluation des risques à la lumière de réalités en rapide évolution», Raed Radwan, chef de la Commission palestinienne de lutte contre la corruption, déclare: «Une stratégie nationale oriente les efforts et les ressources de manière équitable et efficace vers la réalisation d’objectifs spécifiques pour réduire la criminalité financière et renforcer l’intégrité et la transparence du système financier et économique.»

Il ajoute que les citoyens ont un rôle important à jouer dans la surveillance et le signalement des crimes, ainsi que dans la sensibilisation aux menaces possibles.

«La formation de perfectionnement est une activité de sensibilisation généralement soutenue par des stratégies nationales. Elle ne se limite pas aux salariés, mais elle doit être accessible aux citoyens qui souhaitent acquérir des connaissances pour devenir des partenaires dans la lutte contre ces crimes», renchérit-il.

Les stratégies nationales doivent également inclure une évaluation continue des risques liés à la criminalité financière.

«Cette base d’évaluation peut fournir aux parties prenantes un aperçu des évolutions auxquelles les auteurs de délits financiers peuvent recourir ou ont déjà recours», indique M. Radwan.

Il ajoute que la stabilité politique et économique est un facteur essentiel pour freiner la montée de la criminalité financière, particulièrement évidente dans les pays instables.

«Les délits financiers érodent la confiance, en plus d’affecterles systèmes économiques et financiers. Ils entraînent ainsi une instabilité du marché et une diminution des investissements. Ils constituent un obstacle à la croissance économique, ce qui provoque des crises financières», soutient-il.

Ce n’est pas aux institutions fondées et mandatées par la loi de lutter contre la corruption et les crimes financiers. Il s’agit plutôt d’une tâche communautaire à laquelle participent divers secteurs de la société, conclut Raed Radwan.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com