Tunisie : Abderrahmane Hedhili, « l’État ne joue pas son rôle »

Abderrahmane Hedhili, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). (Photo fournie).
Abderrahmane Hedhili, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES). (Photo fournie).
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Publié le Mercredi 03 février 2021

Tunisie : Abderrahmane Hedhili, « l’État ne joue pas son rôle »

  • Le quartier se transforme en un espace de résistance collective dans une société où injustice et exclusion se cristallisent
  • Le gouvernement a offert une réponse purement sécuritaire à une crise économique et sociale, perpétué ainsi une politique de fuite et échappé à l’examen des dossiers

PARIS :  Abderrahmane Hedhili, président du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), organisation non gouvernementale, répond aux questions d’Arab News en français.

La jeunesse manifeste son mécontentement, son désespoir, face à la dégradation de la situation socio-économique dans le pays. Comment l’expliquez-vous?

Les dernières contestations ne sont nullement une surprise, pas même pour le gouvernement qui, malheureusement, s’est uniquement préparé en important du matériel de défense face aux émeutes que le chef du gouvernement s’est personnellement déplacé pour réceptionner, envoyant ainsi un message clair.

Ces protestations sont en fait le résultat d’un processus de marginalisation et d’exclusion. Le silence politique officiel face à ces contestations, du début de la colère à l’apparition médiatique du chef du gouvernement, s’explique par l’impuissance des élites gouvernantes à formuler de vraies réponses aux motivations propres à ces vagues ascendantes de colère.

De même, certaines réponses aux contestations reflètent un manque de compréhension et une envie pressante de stigmatiser en se concentrant uniquement sur les actes de vol qui accompagnent cette colère, ce qui n’est pas une exception tunisienne. Cela n’est pas une justification mais plutôt une recentralisation du débat autour de son essence.

Ces dernières années, l’idée s’est construite chez les jeunes qu’ils vivent en fait dans une démocratie vitrine et que l’État n’est pas en train de jouer son rôle, voire qu’il est devenu un facteur de violence sociale en soi, via les inégalités, l’absence de justice, le clientélisme et le népotisme.

Outre la violence économique et la discrimination sociale, associées au mépris de classe ou de catégorie sociale qui résultent des crises politiques, économiques et sociales, et la mauvaise performance de l’État dans sa gestion de la pandémie, la réponse lourdement sécuritaire et violente aux dernières contestations a créé un sentiment d’ignominie et d’humiliation partagé par plusieurs catégories. Cela a pavé le chemin d’un sentiment de colère et son expression par la violence. C’est ainsi que le quartier se transforme en un espace de résistance collective dans une société où injustice et exclusion se cristallisent.

Ces jeunes ont-ils le sentiment d’être exclus, marginalisés par la classe politique?

Les contestations montrent aux acteurs politiques que la pauvreté, l’exclusion et la marginalisation poussent nécessairement à demander plus de reconnaissance, de dignité et de justice par le biais de politiques économiques et sociales plus justes et plus équitables. Quant au choix du cadre temporel pour protester, les manifestants souhaitent faire face au symbole du pouvoir de l’État, de sa violence et éviter la violence dont les manifestations «de jour» font l’objet. Ce choix marque aussi une rupture avec les éléments classiques de protestation en termes d’espace, de mécanismes et de forme.

Peut-on parler de défiance, de confiance rompue entre la jeunesse et la classe politique, tous partis confondus?

La réalité c’est que cette génération – celle des mineurs, des enfants mais aussi des jeunes présents dans la vague de contestations nocturnes – est celle d’une liberté teintée de crises et dont la relation avec l’État n’est basée sur aucun rapport de confiance.

Marginalisés, opprimés et exposés à la discrimination et à la privation, ils ne bénéficient d’aucune considération ou respect. Leur voix est ignorée dans leur propre pays. Ils sont confrontés à l’injustice et aux inégalités et sont victimes de violence. En tant que tels ils ont leur propre représentation de l’État.

Les résultats d’une étude quantitative sur la dimension sociale du phénomène de l’extrémisme violent, menée par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), sont choquants pour une génération abattue par les crises. L’étude, qui se base sur un échantillon de 805 participants des quartiers de Kabbariya, Sidi Hassine, El Mourouj et El Menzah, donne des résultats éloquents: 71,3 % des personnes interrogées considèrent que la société tunisienne n’est pas fondée sur de bonnes bases; 83,1 % que c’est une société d’inégalités; 83,6 % que c’est une société injuste; 76,4 % que les classes riches ne se soucient pas du reste de la population; 69,7 % que l’État n’assure pas les besoins de base; 65,7 % que l’État n’assure pas les besoins en éducation; 79,2 % que l’État n’assure pas les besoins économiques; 70,1 % que l’État exerce la violence; 80,4 % que l’État n’assiste pas les plus pauvres; et 82,4 % croient fermement que l’égalité face à la loi n’existe pas.

L’État a-t-il renoncé à ses engagements envers la population la plus fragile?

En effet, et ce qui est encore plus consternant, ce n’est pas la participation de mineurs à ces manifestations, mais le taux d’abandon scolaire qui dépasse les 100 000 individus par an, le nombre de mineurs qui se lancent dans une émigration clandestine – en 2020, on estime à quelque 1 900 le nombre de mineurs arrivés sur les côtes italiennes – ainsi que la propagation de la consommation de drogues dans ces milieux.

Tout cela est le résultat d’une politique induite par le renoncement de l’État à ses engagements envers ces catégories. Outre les difficultés relatives au système éducatif qui relèvent de l’État dans les quartiers populaires et les régions intérieures, la politique de gel du recrutement dans le secteur public a provoqué pas moins de 63 fermetures d’institutions destinées à l’enfance.

Quelle est la position du FTDES quant aux arrestations des jeunes dans les quartiers populaires qui réclament une justice sociale?

Les crises précédentes ont prouvé que l’approche sécuritaire et judiciaire aux contestations sociales ne fait qu’accentuer le fossé entre les acteurs sociaux et l’État. Nous sommes profondément attachés au principe de non-impunité. Pour autant, nous exigeons la garantie de la tenue de procès et le respect de la présomption d’innocence. Aujourd’hui, seuls certains privilégiés y ont droit quand les catégories les plus vulnérables sont confrontées aux arrestations et à la détention.

La violence est condamnée quelle que soit sa source, mais la tentative de présenter les dernières contestations comme des événements de pure subversion et d’en stigmatiser les auteurs est une fuite en avant. L’infiltration de ces manifestations par certains n’est pas particulière à la Tunisie, et quoique nous tenions à la préservation des biens publics et privés et à la condamnation de la violence, il faut aussi signaler la violence de l’État et celle de certains médias sous prétexte de dénoncer des actes de subversion.

Avec nos organisations partenaires nationales et internationales, nous continuons de suivre les conditions des procès. Il y a eu plus de 1000 arrestations, dont environ 30 % de mineurs, et cela s’accompagne de beaucoup d’abus et d’arrestations arbitraires. Les enfants ont ainsi été détenus dans un centre de confinement sanitaire sans que leurs parents soient avertis ou que leur écoute soit garantie – leurs parents n’étaient pas présents et le délégué de la protection de l’enfance n’a pas été notifié. L’article 5 n’a pas non plus été respecté: ainsi, il n’a pas été proposé à ces enfants d’exercer le droit d’appeler un avocat. On a également refusé un examen médical à ceux qui avaient subi des violences physiques. De plus, plusieurs procès – oraux – n’ont pas été consignés et contiennent des informations erronées sur l’heure de l’arrestation. Des maisons ont été fouillées sans avis ni permission du procureur de la République, des personnes ont été détenues sans autorisation et d’autres, poussées à signer des procès-verbaux sans même pouvoir en lire le contenu.

Quelles sont les actions à mener pour sortir de cette crise sociale qui intervient dans un contexte de crises politique, économique et sanitaire?

Le gouvernement a offert une réponse purement sécuritaire à une crise économique et sociale, perpétué ainsi une politique de fuite et échappé à l’examen des dossiers. Cela reflète l’absence de vision, d’alternative et de planification. La non-réactivité dans la communication officielle traduit l’absence de réponse à la hauteur des attentes et l’incapacité à diffuser de l’espoir auprès de catégories sociales qui, aujourd’hui, ont besoin de reconnaissance, d’inclusion et de dignité.

Les forces économiques et sociales doivent pousser le secteur informel à se transformer en secteur formel. Elles doivent aussi œuvrer à une réforme du système fiscal pour garantir l’adoption d’une politique distributive qui aurait pour objectif l’instauration de la justice sociale, l’opposition aux disparités régionales et l’amélioration de la qualité des services sociaux.

Il s’agit aussi de la mise en œuvre de la réforme des mécanismes de financement de l’économie par l’augmentation de la participation de ces forces dans la construction d’un modèle de développement alternatif ainsi que par la refonte du système éducatif et de la formation professionnelle afin d’améliorer la productivité, les compétences et l’employabilité des jeunes.

Il faudra encourager les autorités locales via la décentralisation et garantir les approches participatives et inclusives dans l’esquisse de solutions de développement voulues qui assurent la mobilisation de toutes les forces actives. La restauration de la confiance dans les institutions passe aussi par l’accroissement de la performance de l’administration, la restriction du commerce parallèle et de la contrebande et l’amélioration du climat des affaires en général.

En matière de relations internationales, il faut travailler sur un renouveau des relations avec l’Union européenne (UE). Aller vers plus de considération pour la volonté nationale et plus d’indépendance dans le traitement des propositions et projets de l’UE, vers le renforcement des dynamiques de solidarité maghrébine et des zones frontalières qui permettent la construction de projets communs et l’organisation de transactions commerciales transfrontalières.


JO-2024: «si aucun Palestinien ne se qualifie», le CIO les invitera, déclare son président

Le président du CIO, Thomas Bach, s'exprime lors d'une interview avec l'AFP avant les Jeux Olympiques de Paris 2024, au siège du CIO à Lausanne, le 26 avril 2024. (Photo Gabriel Monnet AFP)
Le président du CIO, Thomas Bach, s'exprime lors d'une interview avec l'AFP avant les Jeux Olympiques de Paris 2024, au siège du CIO à Lausanne, le 26 avril 2024. (Photo Gabriel Monnet AFP)
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  • Le système d'invitations olympiques n'est pas réservé aux Palestiniens mais à tout CNO qui ne parvient pas à qualifier d'athlètes, au nom de «l'universalité olympique» permettant de rassembler toutes les nations, au delà de la seule élite sportive
  • Le CIO se retranche derrière sa «solution à deux Etats», puisque les CNO israélien et palestinien coexistent depuis 1995, un legs du processus de paix d'Oslo

LAUSANNE, Suisse : Les athlètes palestiniens devraient être «six à huit» aux JO de Paris, où le Comité international olympique les invitera s'ils ne parviennent pas à se qualifier, a indiqué vendredi son président Thomas Bach dans un entretien exclusif à l'AFP.

«Nous avons pris l'engagement clair que, si aucun athlète ne se qualifie sur le terrain, le comité national olympique (CNO) palestinien bénéficiera d'invitations», a annoncé le dirigeant. Interrogé sur l'ampleur de ces invitations, il a ensuite évalué le nombre de représentants palestiniens à «six ou huit» à Paris selon le résultat des qualifications, «qui sont encore en cours dans un certain nombre de disciplines».

Le système d'invitations olympiques n'est pas réservé aux Palestiniens mais à tout CNO qui ne parvient pas à qualifier d'athlètes, au nom de «l'universalité olympique» permettant de rassembler toutes les nations, au delà de la seule élite sportive.

Mais la venue d'athlètes palestiniens à Paris restait une interrogation majeure puisque l'offensive militaire israélienne à Gaza, consécutive à l'attaque lancée par le Hamas le 7 octobre, a notamment détruit la plupart des infrastructures sportives.

Thomas Bach avait reçu la semaine dernière à Lausanne le président du CNO palestinien, Jibril Rajoub, promettant de poursuivre le soutien du CIO aux athlètes, mais aussi d'assurer la coordination des efforts internationaux pour reconstruire les installations détruites.

Si le patron de l'olympisme a appelé dès le début du conflit entre Israël et le Hamas à «une solution pacifique», il a aussi adopté un traitement très différent de celui de la guerre russe en Ukraine, qui a abouti à une série de sanctions contre le sport russe.

Le CIO se retranche derrière sa «solution à deux Etats», puisque les CNO israélien et palestinien coexistent depuis 1995, un legs du processus de paix d'Oslo. Par ailleurs, «il n'y a eu aucune violation de la Charte olympique, ni par le comité israélien ni par le comité palestinien», a insisté Thomas Bach vendredi, alors que le CNO russe avait placé sous son contrôle les organisations sportives de régions ukrainiennes occupées.


En Tunisie, des migrants survivent dans des champs d'oliviers en lorgnant l'Europe

Un migrant originaire d'Afrique subsaharienne prépare à manger devant une tente dans un camp à Jebeniana, dans le gouvernorat tunisien de Sfax, le 24 avril 2024. (AFP)
Un migrant originaire d'Afrique subsaharienne prépare à manger devant une tente dans un camp à Jebeniana, dans le gouvernorat tunisien de Sfax, le 24 avril 2024. (AFP)
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  • Selon Romdhane Ben Amor de l'ONG FTDES, la Tunisie «se transforme de facto en centre de rétention justement à cause d'accords de contrôle des frontières avec l'UE»
  • Ces dernières semaines, la police a détruit des abris dans plusieurs campements, officiellement suite à des signalements de riverains excédés

EL AMRA: Des bâches en guise d'abri, des poulets décharnés comme nourriture, des milliers de migrants d'Afrique subsaharienne vivotent dans des champs d'oliviers en Tunisie, s'accrochant à l'espoir de traverser la Méditerranée vers l'Europe.

Ils sont environ 20.000 dans des campements de fortune près des localités rurales d'El Amra et Jebeniana, à entre 30 et 40 km au nord de la métropole de Sfax (centre), selon des sources humanitaires.

Ils ont construit de premiers abris à la mi-septembre après avoir été évacués du centre de Sfax. Des milliers d'autres les ont depuis rejoints dans des plantations d'oliviers, où ils guettent l'occasion d'embarquer clandestinement vers l'Italie, à partir de plages situées à une quinzaine de kms.

C'est le cas d'Ibrahim (nom d'emprunt), parti de Guinée Conakry il y a plus d'un an pour émigrer en Europe et "subvenir aux besoins de sa mère malade et son petit frère". Il est arrivé sous les oliviers il y a trois mois en plein hiver, après avoir marché 20 jours depuis la frontière algérienne.

"C'est vraiment difficile ici, même pour des courses, on y va en cachette. On peut sortir chercher du travail mais quand ils doivent te payer, ils appellent la police", explique à l'AFP, l'air épuisé, cet étudiant qui dit avoir 17 ans.

Depuis environ un an et un discours aux accents xénophobes du président tunisien Kais Saied contre l'immigration clandestine d'Afrique subsaharienne, des milliers de migrants employés informellement ont perdu leurs travail et logement.

En 2023, des dizaines de milliers ont pris la mer au péril de leur vie depuis la région de Sfax, épicentre des départs en Tunisie. "Nous sommes à quelques kilomètres de l'Europe", explique Ibrahim, en référence aux 150 kms qui le sépare des côtes italiennes.

«Solidarité»

Près d'El Amra, sous des bâches arrimées à des poteaux avec des tubes d'irrigation, ils dorment souvent à 5 ou 10. En majorité des hommes mais aussi des femmes et enfants, venant de Guinée, Cameroun, Sénégal, Soudan, Sierra Leone ou Nigeria, regroupés par langue.

Des femmes cuisinent une sorte de ragoût, un homme montre de maigres poules blanches, impropres à la consommation mais principale nourriture des migrants.

Cet hiver, "il a fait très froid mais on arrive à survivre grâce à la solidarité entre frères africains", note Ibrahim. "Si quelqu'un a de la nourriture et toi non, il t'en donne, les bâches on les a achetées avec notre argent (envoyé par certaines familles, ndlr) ou la mendicité".

Les migrants se souviennent d'une distribution alimentaire début avril par des ONG. Beaucoup réclament plus d'aide de l'Europe.

Mais selon Romdhane Ben Amor de l'ONG FTDES, la Tunisie "se transforme de facto en centre de rétention justement à cause d'accords de contrôle des frontières avec l'Union européenne".

Sur le plan sanitaire, Ibrahim est inquiet: "il y a beaucoup de naissances, des gens malades". "On a une naissance (de bébé migrant) par jour à l'hôpital de Jebeniana, beaucoup de femmes enceintes, pas de suivi", confirme une source humanitaire à Sfax.

"Je suis ici pour traverser (la mer, ndlr) avec ma fille de 4 mois, y a pas d'eau, pas de couches, on met du plastique sous ses fesses", explique Salima, 17 ans, décidée malgré tout à "patienter le temps qu'ils (les passeurs, ndlr) ouvrent" les départs, retardés par une mauvaise météo.

«A la nage»

Ces dernières semaines, la police a détruit des abris dans plusieurs campements, officiellement suite à des signalements de riverains excédés.

Près de Jebeniana, des journalistes de l'AFP ont vu des cartouches de gaz lacrymogènes et des bâches arrachées mais aussi des cabanes en phase de reconstruction.

"La police nous fatigue beaucoup, hier j'ai été chassé au niveau des boutiques (à El Amra)", raconte Sokoto (un surnom), 22 ans, parti de Guinée il y a trois ans, entré en janvier en Tunisie par la frontière algérienne.

Mohamed Bekri fait partie des habitants d'El Amra qui apportent un peu d'eau et de nourriture aux migrants. "C'est une démarche humanitaire, il y a des bébés de trois ou six mois", dit ce commerçant quinquagénaire.

"Enlever les tentes n'est pas la solution, il faut que l'Etat trouve une vraie solution. Ce n'était déjà pas une solution de les amener à El Amra où habitent 32 000 personnes", ajoute-t-il.

Malgré les tensions et la grande précarité, aucun des migrants rencontrés ne veut retourner au pays.

Pour Sokoto, "la marche arrière s'est cassée". "Je suis sorti pour aider ma famille, j'ai beaucoup souffert pour arriver ici, je ne rentre pas en Guinée même si je dois traverser à la nage".


Le Hamas «étudie» une contre-proposition de trêve israélienne

Des voitures passent devant un panneau d'affichage portant une inscription en hébreu "Pensez bien à qui profite notre division - l'unité maintenant", avec un portrait du chef de l'aile politique du mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinwar, à Tel Aviv le 26 avril 2024. (Photo par Jack Guez  AFP)
Des voitures passent devant un panneau d'affichage portant une inscription en hébreu "Pensez bien à qui profite notre division - l'unité maintenant", avec un portrait du chef de l'aile politique du mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinwar, à Tel Aviv le 26 avril 2024. (Photo par Jack Guez AFP)
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  • «Aujourd’hui, le Hamas a reçu la réponse officielle de l'occupation sioniste à notre position qui avait été remise aux médiateurs égyptiens et qataris le 13 avril», a déclaré le N.2 de la branche politique du Hamas pour Gaza
  • Israël s'oppose à un cessez-le-feu permanent, insistant plutôt sur une pause de plusieurs semaines dans les combats pour ensuite mener par exemple une opération terrestre à Rafah, et refuse de se retirer de l'ensemble du territoire

TERRITOIRES PALESTINIENS : Le mouvement islamiste palestinien Hamas a annoncé samedi «étudier» une contre-proposition israélienne en vue d'une trêve dans les combats à Gaza associée à la libération d'otages, un nouveau développement dans les pourparlers que l'Egypte tente de relancer.

«Aujourd’hui, le Hamas a reçu la réponse officielle de l'occupation sioniste (nom donné à Israël, ndlr) à notre position qui avait été remise aux médiateurs égyptiens et qataris le 13 avril», a déclaré le N.2 de la branche politique du Hamas pour Gaza, Khalil al-Hayya.

«Le mouvement étudiera cette proposition et soumettra sa réponse une fois son étude terminée», a-t-il ajouté dans un communiqué publié tôt samedi.

Le Hamas avait indiqué dans un communiqué le 13 avril avoir remis sa réponse aux médiateurs égyptiens et qataris sur une proposition de trêve avec Israël dans la bande de Gaza, en insistant sur un cessez-le-feu permanent.

Sans rejeter explicitement le contenu du projet de trêve, le mouvement palestinien y réaffirmait ses «exigences», soit «un cessez-le-feu permanent», le retrait de l'armée israélienne «de toute la bande de Gaza», «le retour des déplacés dans leurs zones et lieux de résidence, et « l'intensification de l'entrée de l'aide humanitaire».

Or Israël s'oppose à un cessez-le-feu permanent, insistant plutôt sur une pause de plusieurs semaines dans les combats pour ensuite mener par exemple une opération terrestre à Rafah, et refuse de se retirer de l'ensemble du territoire.

Les détails de cette contre-proposition n'ont pas filtré mais la presse israélienne évoquait plus tôt cette semaine la libération possible, dans un premier temps, de 20 otages considérés comme des «cas humanitaires».

Cette contre-proposition intervient alors qu’une délégation égyptienne est arrivée vendredi en Israël pour discuter d'un «cadre global pour un cessez-le-feu» à Gaza, selon le média égyptien proche des renseignements Al-Qahera News, qui cite un haut responsable égyptien.

Selon des médias israéliens, la délégation doit tenter de relancer les négociations, au point mort depuis plusieurs semaines, et plaider pour un accord de trêve impliquant la libération de «dizaines» d'otages retenus à Gaza.

La guerre entre Israël et le Hamas sera également au centre des entretiens de hauts diplomates arabes et européens attendus ce weekend à Ryad, en Arabie saoudite, dont les chefs de la diplomatie d'Allemagne et de France.

- «Un missile, et un autre» -

Sur le terrain, dans la nuit de vendredi à samedi, des Palestiniens ont fait état de frappes israéliennes près de Rafah, où Israël se prépare à lancer une offensive terrestre en dépit des craintes de la communauté internationale.

De nombreuses capitales et organisations humanitaires redoutent un bain de sang dans cette ville, où s'entassent un million et demi de Palestiniens, pour beaucoup dans des camps de tentes, sans eau ni électricité.

La guerre à Gaza a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent menée contre Israël par des commandos du Hamas, qui a entraîné la mort de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

Plus de 250 personnes ont été enlevées et 129 restent captives à Gaza, dont 34 sont mortes selon des responsables israéliens.

En représailles, Israël a promis de détruire le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007 et qu'il considère comme une organisation terroriste, de même que les Etats-Unis et l'Union européenne. Son armée a lancé une offensive qui a fait jusqu'à présent 34.356 morts, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste.

Vendredi à la mi-journée, un correspondant de l'AFP a vu des appareils tirer des missiles sur une maison du quartier Al-Rimal de la ville de Gaza, dans le nord du territoire, et les corps d'un homme, d'une femme et d'un enfant être extraits des décombres.

«J'étais assis en train de vendre des cigarettes et soudain un missile est tombé, secouant toute la zone, suivi d'un autre missile, secouant à nouveau la zone. Nous nous sommes précipités pour voir ce qui s'était passé, et nous avons trouvé des martyrs, un homme, une femme et une petite fille», a également raconté à l'AFP un témoin qui n'a pas donné son nom.

Après six mois et demi de bombardements aériens, de tirs d'artillerie et de combats au sol, la guerre a dévasté Gaza où l'ONU estime à 37 millions de tonnes la masse des débris et gravats à déblayer.

- Liban, Yémen et Etats-Unis -

Le conflit a aussi migré à la frontière entre Israël et le Liban, où les échanges de tirs sont quotidiens entre l'armée israélienne et le Hezbollah, libanais, voire au Yémen, où les rebelles Houthis ciblent une partie du trafic maritime en mer Rouge en soutien à Gaza.

Israël a annoncé vendredi qu'un civil israélien travaillant sur un chantier avait été tué près de la frontière par des missiles tirés du sud du Liban.

«Dans la nuit, des terroristes ont tiré des missiles antichar» dans une zone contestée située à la frontière entre le Liban et le plateau syrien du Golan, annexé par Israël. Le Hezbollah affirme y avoir mené «une embuscade complexe» contre un convoi israélien  et avoir «détruit deux véhicules».

Dans la soirée, le groupe islamiste libanais Jamaa islamiya, proche du Hamas, a annoncé la mort de deux de ses cadres dans une frappe israélienne au Liban.

L'armée israélienne avait indiqué plus tôt avoir éliminé un des cadres de ce groupe, Mosab Khalaf, qu'elle accuse d'avoir «préparé un grand nombre d'attaques terroristes contre Israël».

Au Yémen, les rebelles Houthis ont revendiqué dans la nuit de vendredi à samedi des attaques ayant endommagé l'Andromeda star, un navire circulant en mer Rouge selon le Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (Centcom).

Aux Etats-Unis, pays allié d'Israël, un mouvement de protestation contre la guerre à Gaza se généralise sur les campus, après être parti il y a plus d'une semaine de l'université Columbia à New York.