Un organisme européen critique les conditions d’incarcération en Turquie

La prison Silivri, en Turquie. (Ozan KOSE/AFP)
La prison Silivri, en Turquie. (Ozan KOSE/AFP)
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Publié le Vendredi 07 août 2020

Un organisme européen critique les conditions d’incarcération en Turquie

  • Malgré une récente loi d’amnistie, la surpopulation carcérale existe toujours en Turquie, selon deux rapports du Comité européen pour la prévention de la torture
  • « Les allégations de mauvais traitements se basent sur des rapports médicaux, faisant été de blessures corporelles, ou sur les observations directes des membres médicaux de la délégation »

ISTANBUL: le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a critiqué les conditions d’incarcération et les brutalités policières en Turquie.

La surpopulation carcérale a incité le gouvernement turc à adopter une loi d'amnistie en avril qui a conduit à la libération de 90,000 détenus - y compris des chefs de la mafia - mais pas de ceux condamnés pour terrorisme.

Malgré ces mesures, selon deux rapports du CPT publiés le 5 août, le problème persiste, en raison d’une augmentation constante de la population carcérale. Les critiques de l’organisme européen reposent sur ses visites périodiques menées dans plusieurs prisons à travers le pays ainsi que sur des entretiens avec des centaines de personnes placées en détention.

Des coups de pied, des coups de poing et des gifles…

La délégation européenne a recueilli plusieurs témoignages faisant état d'un usage excessif de la force et de mauvais traitements physiques par des officiers de gendarmerie et des forces de police au cours de la détention. D'anciens détenus ont déclaré avoir reçu des coups de pied, des coups de poing et des gifles de la part des policiers qui lors d’interrogatoires leur demandaient de fournir plus d’informations ou les obligeaient à faire des aveux.

« De nombreuses personnes détenues ont affirmé avoir été menacées et/ou soumises à une violence verbale. De plus, nous avons également recueilli des témoignages d’un usage excessif de la force et de mauvais traitements physiques par des policiers en moto à Istanbul », indique le rapport.

« Dans un certain nombre de cas, les allégations de mauvais traitements se basent sur des rapports médicaux, faisant été de blessures corporelles, ou sur les observations directes des membres médicaux de la délégation », précise t-il encore.

Le Conseil de l'Europe a réitéré son appel au gouvernement turc pour qu'il mette en œuvre sa « politique de tolérance zéro dans la lutte contre les mauvais traitements  » et apporte des réponses aux inquiétudes suscitées par les restrictions légales à l'accès à un avocat pendant la phase initiale de la détention pour certains crimes graves.

Ozturk Turkdogan, président de l'Association des droits de l'homme (IHD), a déclaré que la Turquie devait également donner un accès aux prisons pour les groupes de défense des droits de l'homme basés en Turquie.

« Jusqu'à présent, seuls le CPT et le ministère ont le droit d'inspecter les conditions des détenus dans les prisons, ce qui nuit à la transparence et empêche que des précautions immédiates soient prises dans les prisons en période de pandémie », a-t-il déclaré à Arab News.

Un autre sujet de préoccupation est le système défectueux d'examens médicaux obligatoires pour les détenus nouvellement arrivés, ainsi que le manque de lits pour un grand nombre de détenus dans les prisons, les obligeant à dormir sur des matelas à même le sol en raison de la surpopulation carcérale.

« Prisonniers d’opinion, mineurs, enfants avec leurs mères et malades graves doivent être libérés »

Osman Kavala,  philanthrope, homme d'affaires et figure majeure de la société civile turque a fêté un triste anniversaire le 27 juillet ; il est incarcéré depuis 1000 jours sans même avoir été jugé. Le Conseil de l'Europe a souvent demandé sa libération immédiate, lui qui demeure une bête noire d’Erdogan.

En décembre dernier, le politicien kurde emprisonné, Selahattin Demirtas, qui a souffert par le passé de problèmes coronariens, a été transporté à l'hôpital pour des contrôles de santé après s'être évanoui dans sa cellule de prison. Des membres de la famille ont affirmé que les autorités avaient refusé de procéder à des contrôles complets et à des examens détaillés en vue d'un traitement d'urgence.

Ozturk Turkdogan affirme que les prisons sont toujours surpeuplées car elles peuvent recevoir 165 000 prisonniers – même en cas de construction de nouveaux centres carcéraux – alors que la population carcérale actuelle est d'environ 200 000 prisonniers.

« Les personnes condamnées pour avoir exprimé leurs opinions, ainsi que les mineurs détenus et les milliers d'enfants qui restent avec leur mère en prison, devraient être libérés en première instance pour atténuer ce problème de surpopulation. Environ 600 détenus atteints de maladies graves devraient également être libérés », ajoute t-il.

Turkdogan soutient que les allégations de torture doivent faire l'objet d'une enquête et que les fouilles à nu devraient être arrêtées pour protéger la dignité des prisonniers.

Certains détenus se trouvent aussi dans des prisons très éloignées, les privant sciemment des visites de leurs proches, ce qui constitue également une violation des droits. « Ils doivent garder contact avec leurs familles. Lorsque vous placez un détenu dans une ville située loin du lieu de résidence ou de la ville où le crime est commis, cela complique la vie des proches », poursuit le président de l’Association des droits de l’homme.

Sur la base de photos, de vidéos et de documents légaux et médicaux faisant état de violations des droits de l’homme, l’organisation Human Rights Watch a également publié un rapport la semaine dernière affirmant que « la police turque et les ‘veilleurs de nuit’ ont abusé gravement d’au moins 14 personnes lors de six incidents à Diyarbakir et Istanbul au cours des deux derniers mois. »

Les politiciens du Parti démocratique du peuple pro-kurde (HDP) ont régulièrement soumis des questions parlementaires écrites concernant la torture ou les mauvais traitements en Turquie, mais ces questions sont pour la plupart restées sans réponse de la part des ministères de l’Intérieur et de la Justice.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.