Le prestigieux cabinet McKinsey puni dans la crise des opiacés

Le procureur général adjoint Rod Rosenstein (L) prend la parole lors d'une conférence de presse le 17 octobre 2017 au ministère de la Justice à Washington, DC. (Photo, AFP)
Le procureur général adjoint Rod Rosenstein (L) prend la parole lors d'une conférence de presse le 17 octobre 2017 au ministère de la Justice à Washington, DC. (Photo, AFP)
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Publié le Vendredi 05 février 2021

Le prestigieux cabinet McKinsey puni dans la crise des opiacés

  • McKinsey versera 573 millions de dollars pour solder des poursuites dans le cadre des accusations liées à la crise des opiacés
  • C'est l'une des rares fois que la firme se retrouve sur la sellette dans un scandale éclaboussant l'un de ses clients

WASHINGTON : Le prestigieux cabinet de conseil McKinsey a accepté de verser 573 millions de dollars pour solder des poursuites judiciaires lancées par des États américains qui l'accusaient d'avoir contribué à la crise des opiacés via ses conseils aux groupes pharmaceutiques comme Purdue Pharma, le fabricant de l'anti-douleur OxyContin.

C'est l'une des rares fois que la firme, conseil de grandes entreprises et de gouvernements à travers le globe, se retrouve sur la sellette dans un scandale éclaboussant l'un de ses clients.

Les termes de l'accord, annoncé jeudi par la procureure de New York Letitia James, indiquent que McKinsey n'a ni reconnu ni rejeté les faits qui lui étaient reprochés, ce qui lui permet d'éviter que des parties tierces se servent du compromis pour l'attaquer à leur tour en justice.

McKinsey a toutefois coopéré avec les États parmi lesquels New York, la Californie, le Connecticut, le Colorado ou encore l'Oregon.

« Les tactiques marketing cyniques et délibérées de McKinsey ont contribué à alimenter la crise des opiacés en aidant Purdue Pharma à cibler les médecins dont ils savaient qu'ils sur-prescrivaient les opiacés », a fustigé Mme James.

McKinsey a notamment conseillé Purdue Pharma, qui a plaidé coupable l'an dernier dans ce dossier, pour l'aider à doper les ventes de l'OxyContin, selon l'État de New York. Il a recommandé au groupe pharmaceutique de se concentrer sur les dosages élevés considérés comme les plus lucratifs, d'après les documents judiciaires produits par les plaignants.

« 2 salariés licenciés »

D'après un document produit dans une plainte déposée en 2018 par l'État du Massachusetts, la firme écrivait que les nouvelles tactiques commerciales suggérées à Purdue allaient augmenter fortement les ventes de l'OxyContin, jusqu'à 400 millions de dollars par an, et suggérait d'utiliser les arguments selon lesquels les opiacés réduisaient le stress et rendaient leurs utilisateurs plus optimistes.

Près d'un demi-million d'Américains sont morts d'overdose causée par des opiacés prescrits ou vendus illégalement entre 1999 et 2018, selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies.

« Nous regrettons profondément de ne pas avoir reconnu comme il se devait les conséquences tragiques de l'épidémie survenant dans nos communautés. Avec cet accord nous espérons faire partie de la solution à la crise des opiacés aux États-Unis », a réagi Kevin Sneader, le directeur du cabinet, qui a promis en 2019 de rompre avec la forte culture interne du secret. McKinsey affirme par ailleurs jeudi avoir licencié deux salariés pour destruction de documents dans cette affaire.

Outre la pénalité financière, McKinsey a aussi accepté des restrictions futures sur son champ d’activité : le cabinet ne conseillera plus une firme sur le développement, la fabrication, la promotion, le marketing, la vente, l'utilisation d'un opiacé ou de tout narcotique.

Il va aussi conserver toutes ses communications écrites (emails, messageries) pendant cinq ans, dévoiler tout conflit d'intérêt lorsqu'il répondra aux appels d'offre publics aux États-Unis, former ses salariés intervenant dans la santé et mettre en place une politique stipulant qu'il licenciera immédiatement tout employé ayant cherché à supprimer des communications.

Les Etats ont aussi emprunté aux accords conclus avec les cigarettiers il y a quelques années : McKinsey doit mettre en place une sorte de base de données accessible au grand public qui comprendra la plupart des documents internes liés à son travail sur les opiacés.

Revers

Le compromis est un cinglant revers pour McKinsey, qui était parvenu jusque-là à sortir intact de scandales éclaboussant ses clients. Ce fut le cas lors de la faillite du courtier en énergie Enron dont il était un des conseils ou lors de la banqueroute de l'ex-compagnie aérienne Swissair.

Après s'en être tenu strictement au conseil durant des années, McKinsey, comme les autres grands cabinets, s'est diversifié en proposant une activité destinée à aider les entreprises à mettre en place ses recommandations. C'est cette dernière activité qui l'expose, comme ses rivaux, aux poursuites quand les choses tournent mal.

Une grande partie de l'argent versé par McKinsey va financer des programmes de traitement des opiacés et des campagnes de prévention, a précisé Letitia James.

L'accord intervient quelques mois après celui de 8,3 milliards de dollars conclu en octobre dernier avec le ministère américain de la Justice par Purdue Pharma pour sa promotion agressive de l'OxyContin.

Le laboratoire va aussi se réorganiser pour lutter contre le fléau des overdoses alimentées par les opiacés. Son propriétaire, la famille Sackler devra, elle, payer séparément 225 millions de dollars de dommages et intérêts, visant à solder son litige civil avec la justice fédérale.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".