Terrifiée par les meurtres ciblés, l'élite afghane se cache ou s'exile

Mohammad Yousuf Rasheed, militant pro-démocratie a été tué en décembre à Kaboul en se rendant à son bureau (Photo, AFP).
Mohammad Yousuf Rasheed, militant pro-démocratie a été tué en décembre à Kaboul en se rendant à son bureau (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 05 février 2021

Terrifiée par les meurtres ciblés, l'élite afghane se cache ou s'exile

  • Les meurtres de journalistes, personnalités politiques et religieuses, défenseurs des droits humains, juges, se sont multipliés récemment en Afghanistan, semant la terreur dans le pays
  • Cela semble avoir coïncidé avec l'ouverture en septembre à Doha de négociations de paix entre les talibans et le gouvernement afghan

KABOUL: Effrayé par la vague de meurtres frappant des figures de la société civile afghane, Mohammad Yousuf Rasheed s'était résolu à envoyer sa famille en Turquie. Quelques jours après avoir pris cette décision, il était assassiné sans en avoir eu le temps.
Ce militant pro-démocratie a été tué en décembre à Kaboul en se rendant à son bureau. Il compte au nombre des quelque 180 assassinats ciblés commis depuis septembre, selon des responsables afghans qui en imputent la responsabilité aux talibans.
«Ils ont d'abord atteint au cœur, et ensuite, pour s'assurer qu'il soit bien mort, ils lui ont tiré encore et encore dans la tête», raconte son frère à Abdul Baqi Rasheed, dans leur maison familiale Kaboul.
Les meurtres de journalistes, personnalités politiques et religieuses, défenseurs des droits humains, juges, se sont multipliés récemment en Afghanistan, semant la terreur dans le pays et incitant des membres de la société civile à se cacher ou s'exiler.
Cela semble avoir coïncidé avec l'ouverture en septembre à Doha de négociations de paix entre les talibans et le gouvernement afghan, destinés à mettre fin à deux décennies de guerre.
L'analyste politique Davood Moradian y voit une stratégie délibérée visant à répandre le chaos et à démontrer que le gouvernement est incapable de protéger même les personnalités les plus éminentes.
«En affaiblissant l’État afghan, l’ennemi se rapproche de son mais ultime qui est de renverser le système constitutionnel en place», estime-t-il, prédisant que cette pratique ne fera que s'intensifier dans les mois à venir.

La voix des femmes étouffée

Les femmes, dont les droits fondamentaux étaient bafoués du temps des talibans, au pouvoir à Kaboul entre 1996 et 2001, ne sont pas épargnées.
Après avoir appris qu'elle figurait sur une liste de gens à abattre, la populaire journaliste Farahnaz Foroton a choisi de s'expatrier en France.

«Je n'avais pas le choix (...) Chaque jour nous voyons (le nombre d'assassinats) augmenter», plaide-t-elle.
Une autre journaliste, contrainte à se cacher, dit ressentir la pression de ses proches depuis le meurtre de Malalai Maiwand, l'un des cinq journalistes assassinés depuis novembre.
«Le journalisme, donner la parole aux autres Afghanes, c'est ma passion», souligne-t-elle. Mais «je n’ai pas vu mes enfants depuis des mois, et à cause de ces menaces et meurtres, ma famille veut que j'arrête».

Deux femmes juges, employées de la Cour suprême, et deux doctoresses ont également été tuées ces dernières semaines.

Des membres des services de renseignement afghans voient dans ces menaces envers les femmes une réponse aux demandes formulées dans le cadre du processus de paix à ce que leurs droits soient mieux respectés.
«Beaucoup de femmes militantes ou exerçant une activité professionnelle ont commencé à recevoir des menaces. Certaines ont même été tuées. Leur voix est maintenant étouffée », observe l'un des précédents.

De hauts responsables américains à Kaboul ont pointé du doigt les talibans. Et en raison notamment de ces violences, l’administration du président Joe Biden a commencé à réexaminer l’accord signé en février 2020 à Doha avec les insurgés, qui prévoit le retrait total des troupes américaines d’ici mai.
Les talibans nient être à l'origine de ces meurtres, dont certains ont été revendiqués par l'organisation État islamique.

Des meurtres minutieusement préparés

«(Les talibans) ne jouent absolument aucun rôle dans les meurtres de civils», ont-ils affirmé lundi, dénonçant des accusations «sans fondements».
Mais les services secrets afghans soupçonnent le réseau Haqqani, un groupe sanguinaire lié aux talibans et qui réalise leurs opérations les plus complexes, d'être derrière ces assassinats.
«C’est le réseau Haqqani (qui commet ces meurtres) pour les talibans. Il y a un arrangement évident entre eux tous », assure un agent du renseignement afghan.
Une autre source au sein des services de renseignement souligne que des dizaines de suspects arrêtés pour ces meurtres sont des prisonniers talibans que le gouvernement avait accepté de relâcher pour permettre l'ouverture des pourparlers de paix.
Ces meurtres requièrent parfois des mois de préparation minutieuse, pour prendre les cibles par surprise, et sont de plus en plus sophistiqués.

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Fresque murale de l'ancien présentateur de télévision afghan Tolo Yama Siawash, qui a été tué dans un attentat à la bombe le 7 novembre 2020, est vu le long d'une route à Kaboul (Photo, AFP).


Le désespoir gagne les membres de la société civile. Shaharzad Akbar, la cheffe de la Commission indépendante des droits humains, explique que chaque semaine une de ses connaissances quitte le pays.
«Il n'y a aucun avenir pour eux ici, pas pour l'instant», constate-t-elle à regret.


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"