Comment le Hezbollah tente d’écraser toute dissidence au sein de sa communauté

Le corps de l'activiste chiite libanais Lokman Slim, retrouvé le 4 février dernier dans son véhicule de location, criblé de balles. (AFP).
Le corps de l'activiste chiite libanais Lokman Slim, retrouvé le 4 février dernier dans son véhicule de location, criblé de balles. (AFP).
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Publié le Lundi 08 février 2021

Comment le Hezbollah tente d’écraser toute dissidence au sein de sa communauté

  • La liste des activistes chiites opposés au parti de Dieu et agressés par ses partisans ou ses miliciens s’allonge chaque jour
  • Parmi ceux-là, les femmes reçoivent souvent un flot inouï d’insultes et de menaces de viol et de mort

BEYROUTH: De Bagdad à Beyrouth, les scenarios se ressemblent : harcèlement haineux sur les réseaux sociaux, enlèvements, poursuites judiciaires, agressions physiques et même assassinats… sont devenus le lot quotidien d’activistes et d’intellectuels chiites opposés aux milices pro-iraniennes en Irak et au Liban.

Alors que près d’une dizaine d’opposants au Hachd el-Chaabi ont été lâchement assassinés en Irak l’année dernière, notamment le célèbre intellectuel Hicham el-Hachimi, tué le 6 juillet 2020 devant son domicile à Bagdad, les chiites libanais paient à leur tour un lourd tribut à leur opposition au Hezbollah. Dernier en date, l’intellectuel Lokman Slim, virulent opposant au parti chiite, retrouvé mort jeudi dernier au Liban-Sud, tué de cinq balles, dont quatre à la tête.

La liste des activistes opposés au parti de Dieu et agressés par ses partisans ou ses miliciens s’allonge chaque jour. Et les attaques les plus violentes visent les chiites qui s’opposent au Hezb dans son pré carré. Ils sont notamment accusés de traîtrise, de travailler pour le compte d’ambassades de pays hostiles au parti, de collaboration avec les Américains ou les Israéliens, d’espions à la solde de l’ennemi (sioniste), de terrorisme ou de takfirisme, terme utilisé pour désigner les salafistes et jihadistes.

Personne n’est à l’abri de la répression du Hezbollah et de son allié chiite Amal.  Ils utilisent même la justice libanaise pour faire taire toute voix dissidente au sein de leur communauté.

C’est le cas par exemple de l’uléma Ali al-Amine, connu pour son opposition au Hezbollah et au mouvement Amal, et accusé d’avoir « attisé la haine confessionnelle » et « incité à la discorde intercommunautaire », parce qu’il s’oppose à la politique du parti de Dieu. Ce dernier s’est acharné contre ce haut dignitaire chiite parce qu’il ne partage pas son idéologie, notamment le principe du « wilayat al-Faqih ».

En janvier dernier, l’analyste et journaliste Kassem Kassir, considéré comme proche du Hezbollah, a dû présenter ses excuses après avoir subi de violentes attaques verbales, notamment sur les réseaux sociaux, pour avoir critiqué lors d’une émission télévisée l’inféodation du parti de Dieu à l’Iran.

Personne n’est à l’abri de la répression du Hezbollah et de son allié chiite Amal.  Ils utilisent même la justice libanaise pour faire taire toute voix dissidente au sein de leur communauté. 

Antonio Munioz

Beaucoup de jeunes activistes chiites sont menacés ou roués de coups, alors que d’autres sont insultés sur les réseaux sociaux. Ce harcèlement est souvent imputé à des individus, à titre personnel, sans lien avec leur parti politique, mais personne n’est dupe.

Violences et agressions

En avril 2018, lors des dernières élections législatives au Liban, le journaliste Ali al-Amine, qui a formé une liste d’opposition au Hezbollah au Sud-Liban, a été violemment agressé dans la région de Bint Jbeil, au Liban-sud, par une trentaine de partisans du parti chiite. Le candidat, sérieusement blessé, a du être transporté à l’hôpital.

Le journaliste Mohammad Aouad est de son côté un activiste chiite de la région de Jbeil. Durant les élections de 2018, il a appelé à voter contre les candidats du Hezbollah. Ses publications lui ont valu d’être arrêté par des membres d’une des nombreux services de sécurité libanais, qui ont fait pression sur lui afin qu’il baisse le ton de ses critiques contre le mouvement intégriste chiite. 

Suite au soulèvement populaire du 17 octobre 2019, de nombreuses voix dissidentes sont apparues dans la rue chiite, brisant le semblant de solidarité communautaire derrière le Hezbollah. 

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En-dessous de la photo de Lokman Slim, ce manifestant a écrit: "Les armes du Hezbollah sont contre qui? Hezbollah/Terrorisme" (AFP).

En juin 2020, l’activiste Kassem Srour, originaire de la région de Tyr, a été violemment frappé à la figure et blessé suite à une altercation avec de jeunes partisans du Hezb, qui l’ont accusé d’avoir insulté le parti. Il avait critiqué ce dernier sur les réseaux sociaux. Un autre militant actif sur Facebook, Ali Jammoul, a été interdit de se rendre dans son village natal l’année dernière par des partisans du Hezbollah. Pour sa part, l’activiste et réalisateur Bachir Abou Zeid, 28 ans, originaire du village de Kfar Remmane, a été victime d’une agression et d’une tentative d’enlèvement en mai 2020 par, selon lui, des miliciens du mouvement Amal, suite à un appel qu’il a lancé pour « couper l’électricité devant le domicile de Nabih Berry (président du Parlement et chef d’Amal) pour la donner aux gens ».

Les femmes victimes

Les femmes ne sont pas exclues de ces attaques. Elles reçoivent souvent un flot inouï d’insultes et de menaces de viol et de mort, les concernant ou concernant leur famille. C’est le cas des journalistes Luna Safwan, Dima Sadek ou encore Nawal Berry, toutes de confessions chiite. Ces deux dernières ont été la cible de violentes attaques de la part de partisans du Hezbollah et de ses alliés alors qu’elles couvraient les manifestations populaires qui visaient souvent le Hezb et ses alliés au pouvoir.

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Dima Sadek, harcelée et menacée plus d'une fois. (AFP).

 

A chaque fois qu’elles twittent ou écrivent sur des sujets touchant le Hezbollah ou critiquant sa politique, mais aussi dénonçant la corruption notamment au sein du mouvement Amal, une armée de partisans des deux partis se déchaîne contre elles, les traitant de tous les noms.

C’est le cas aussi d’une jeune activiste de Nabatiyé habitant la banlieue Sud de Beyrouth, Mira Berri, appelée la « princesse de la Révolution » du 17 octobre.

Très active sur le terrain et sur les places publiques, elle a subi une vaste campagne d’intimidation et de harcèlement sur les réseaux sociaux, suite à ses posts critiques du Hezbollah. Des faux comptes ont été créés avec ses photos pour essayer de la dénigrer. Elle a reçu des menaces de la part de ses proches qui sont des partisans des partis chiites. Et finalement elle a dû quitter le Liban pour se réfugier en Turquie.

A chaque fois qu’elles twittent ou écrivent sur des sujets touchant le Hezbollah ou critiquant sa politique, mais aussi dénonçant la corruption notamment au sein du mouvement Amal, une armée de partisans des deux partis se déchaîne contre elles, les traitant de tous les noms.

Antonio Munioz

Une autre journaliste chiite, Maryam Seifeddine, connue pour ses critiques acharnées à l’égard du Hezbollah, a reçu des menaces de mort de la part de fidèles du parti de Dieu qui ont pris pour cible sa maison familiale à Bourj el-Brajné, un fief du Hezb. Sa mère et son frère ont été agressés, ce dernier a même eu le nez cassé.

La militante Kinda el-Khatib, 24 ans, bien que non chiite, originaire du Akkar, connue pour exprimer dans la rue depuis le début de la révolution et sur les réseaux sociaux sa position hostile au Hezbollah et au président de la Republique, Michel Aoun, allié du parti chiite, a été sévèrement punie pour ses positions. Elle a été condamnée en décembre 2020 par le tribunal militaire à trois ans de prison avec travaux forcés, pour « collaboration avec Israël et intrusion en territoire ennemi ». Une condamnation qui fait craindre, selon Human Right Watch, l’« instrumentalisation de la justice » et des institutions étatiques libanaise à « des fins politiques contre les civils », notamment au service du Hezbollah.


Nucléaire : Paris, Berlin et Londres exhortent Téhéran à entamer des négociations sans « préconditions »

Les bâtiments du siège de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) se reflètent dans les portes arborant le logo de l'agence lors de la réunion du Conseil des gouverneurs de l'AIEA à Vienne, en Autriche, le 13 juin 2025.  (Photo de Joe Klamar / AFP)
Les bâtiments du siège de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) se reflètent dans les portes arborant le logo de l'agence lors de la réunion du Conseil des gouverneurs de l'AIEA à Vienne, en Autriche, le 13 juin 2025. (Photo de Joe Klamar / AFP)
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  • es ministres des Affaires étrangères français, britannique et allemand ont « incité l'Iran à revenir au plus vite, sans préconditions, à la table des négociations » sur le programme nucléaire iranien.
  • Abbas Araghchi a estimé que « L'agression israélienne contre l'Iran en pleine négociation avec les États-Unis sur le nucléaire porte un coup à la diplomatie », a-t-il déclaré.

PARIS : Selon une source diplomatique française, les ministres des Affaires étrangères français, britannique et allemand ont « incité l'Iran à revenir au plus vite, sans préconditions, à la table des négociations » sur le programme nucléaire iranien.

Lundi soir, Jean-Noël Barrot, David Lammy et Johann Wadephul ont eu un entretien avec la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Kaja Kallas, et ont en outre « appelé l'Iran à éviter toute fuite en avant contre les intérêts occidentaux, toute extension régionale et toute escalade nucléaire », comme la non-coopération avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), la sortie du Traité sur la non-prolifération (TNP) ou le franchissement de seuils d'enrichissement, selon la même source.

Dans la nuit de lundi à mardi, le ministère iranien des Affaires étrangères a fait état d'un appel entre le ministre iranien des Affaires étrangères et chef négociateur pour le nucléaire et ses homologues français, britannique et allemand ainsi que Kaja Kallas. 

Abbas Araghchi a estimé que « L'agression israélienne contre l'Iran en pleine négociation avec les États-Unis sur le nucléaire porte un coup à la diplomatie », a-t-il déclaré.

La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, ainsi que l'UE, sont membres avec la Chine et la Russie d'un accord sur le nucléaire conclu en 2015 et dont les États-Unis s'étaient retirés unilatéralement.

Paris, Berlin et Londres, qui forment le groupe E3, avaient entrepris des discussions avec Téhéran l'an passé pour tenter de trouver un nouvel accord sur le nucléaire.

Parallèlement, les États-Unis avaient entamé des négociations indirectes en début d'année, qui butaient sur la question de l'enrichissement d'uranium iranien.

Un nouveau cycle de négociations était prévu la semaine dernière, mais il a été annulé après les frappes israéliennes.

Les États-Unis et leurs alliés occidentaux, ainsi qu'Israël, que des experts considèrent comme la seule puissance nucléaire au Moyen-Orient, accusent depuis longtemps la République islamique d'Iran de chercher à se doter de l'arme atomique, ce qu'elle a toujours nié.

Par ailleurs, des messages ont été transmis par les ministres français, britannique et allemand à Israël « sur la nécessité de ne pas cibler les autorités, les infrastructures et les populations civiles », selon une source diplomatique française.


Gaza: la Défense civile annonce 20 personnes tuées par des tirs israéliens en allant chercher de l'aide

Une série d'événements meurtriers se sont produits depuis l'ouverture le 27 mai à Gaza de centres d'aide gérés par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une organisation au financement opaque soutenue par les Etats-Unis et Israël. (AFP)
Une série d'événements meurtriers se sont produits depuis l'ouverture le 27 mai à Gaza de centres d'aide gérés par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une organisation au financement opaque soutenue par les Etats-Unis et Israël. (AFP)
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  • "Vingt martyrs et plus de 200 blessés du fait de tirs de l'occupation (armée israélienne, NDLR), dont certains dans un état grave, ont été transférés" vers des hôpitaux de la bande de Gaza, a déclaré à l'AFP le porte-parole de la Défense civile
  • Compte tenu des restrictions imposées aux médias dans la bande de Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les bilans annoncés par la Défense civile

GAZA: La Défense civile de Gaza a indiqué que 20 personnes avaient été tuées lundi par des tirs de l'armée israélienne en allant chercher de l'aide humanitaire dans le territoire palestinien ravagé par les bombardements après plus de vingt mois de guerre.

Contactée par l'AFP, l'armée israélienne a dit qu'elle se renseignait.

"Vingt martyrs et plus de 200 blessés du fait de tirs de l'occupation (armée israélienne, NDLR), dont certains dans un état grave, ont été transférés" vers des hôpitaux de la bande de Gaza, a déclaré à l'AFP le porte-parole de la Défense civile, Mahmoud Bassal, ajoutant que ces personnes étaient rassemblées près d'un site de distribution d'aide.

"Elles attendaient de pouvoir accéder au centre d'aide américain à Rafah pour obtenir de la nourriture, lorsque l'occupation a ouvert le feu sur ces personnes affamées près du rond-point d'al-Alam", dans le sud de la bande de Gaza, a détaillé M. Bassal en indiquant que les tirs avaient eu lieu de 05H00 et 07H30 (02H00 et 04H30 GMT).

Il a ajouté que les victimes avaient été transférées vers des hôpitaux du sud du territoire palestinien, lesquels ne fonctionnent plus que partiellement depuis des jours en raison des combats et des pénuries de fournitures médicales.

Compte tenu des restrictions imposées aux médias dans la bande de Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les bilans annoncés par la Défense civile.

Une série d'événements meurtriers se sont produits depuis l'ouverture le 27 mai à Gaza de centres d'aide gérés par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une organisation au financement opaque soutenue par les Etats-Unis et Israël.

L'ONU refuse de travailler avec cette organisation en raison de préoccupations concernant ses procédés et sa neutralité.

Des photographes de l'AFP ont constaté ces derniers jours que des Gazaouis se réunissaient à l'aube près de sites de distribution d'aide, malgré la crainte de tirs lors des rassemblements.

La bande de Gaza est menacée de famine, selon l'ONU.

 


Ehud Barak : seule une guerre totale ou un nouvel accord peut arrêter le programme nucléaire iranien

Israël et l'Iran ont échangé des coups de feu après le déclenchement par Israël d'une campagne de bombardements aériens sans précédent qui, selon l'Iran, a touché ses installations nucléaires, "martyrisé" des hauts gradés et tué des dizaines de civils. (AFP)
Israël et l'Iran ont échangé des coups de feu après le déclenchement par Israël d'une campagne de bombardements aériens sans précédent qui, selon l'Iran, a touché ses installations nucléaires, "martyrisé" des hauts gradés et tué des dizaines de civils. (AFP)
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  • S'adressant à Christiane Amanpour sur CNN, M. Barak a déclaré que la capacité d'Israël à freiner le programme de Téhéran était limitée
  • M. Barak a déclaré que les frappes militaires étaient "problématiques", mais qu'Israël les considérait comme justifiées

LONDRES : L'ancien Premier ministre israélien Ehud Barak a prévenu que l'action militaire d'Israël ne suffirait pas à retarder de manière significative les ambitions nucléaires de l'Iran, décrivant la république islamique comme une "puissance nucléaire de seuil".

S'adressant à Christiane Amanpour sur CNN, M. Barak a déclaré que la capacité d'Israël à freiner le programme de Téhéran était limitée.
"À mon avis, ce n'est pas un secret qu'Israël ne peut à lui seul retarder le programme nucléaire de l'Iran de manière significative. Probablement plusieurs semaines, probablement un mois, mais même les États-Unis ne peuvent pas les retarder de plus de quelques mois", a-t-il déclaré.

"Cela ne signifie pas qu'ils auront immédiatement (une arme nucléaire), ils doivent probablement encore achever certains travaux d'armement, ou probablement créer un dispositif nucléaire rudimentaire pour le faire exploser quelque part dans le désert afin de montrer au monde entier où ils se trouvent.

M. Barak a déclaré que si les frappes militaires étaient "problématiques", Israël les considérait comme justifiées.

"Au lieu de rester les bras croisés, Israël estime qu'il doit faire quelque chose. Probablement qu'avec les Américains, nous pouvons faire plus".

L'ancien premier ministre a déclaré que pour stopper les progrès de l'Iran, il faudrait soit une avancée diplomatique majeure, soit un changement de régime.

"Je pense que l'Iran étant déjà ce que l'on appelle une puissance nucléaire de seuil, le seul moyen de l'en empêcher est soit de lui imposer un nouvel accord convaincant, soit de déclencher une guerre à grande échelle pour renverser le régime", a-t-il déclaré.

"C'est quelque chose que nous pouvons faire avec les États-Unis.

Mais il a ajouté qu'il ne pensait pas que Washington avait l'appétit pour une telle action.

"Je ne crois pas qu'un président américain, ni Trump ni aucun de ses prédécesseurs, aurait décidé de faire cela".

Israël a déclenché des frappes aériennes à travers l'Iran pour la troisième journée dimanche et a menacé de recourir à une force encore plus grande alors que certains missiles iraniens tirés en représailles ont échappé aux défenses aériennes israéliennes pour frapper des bâtiments au cœur du pays.

Les services d'urgence israéliens ont déclaré qu'au moins 10 personnes avaient été tuées dans les attaques iraniennes, tandis que les autorités iraniennes ont déclaré qu'au moins 128 personnes avaient été tuées par les salves israéliennes.