La mort de treize otages turcs suscite un débat sur l'opération militaire

La Turquie a fait pression sur les États-Unis afin qu’ils mettent fin à leur politique d'armement des Kurdes syriens, qui sont en contact étroit avec leurs ramifications en Irak. (Reuters/archive)
La Turquie a fait pression sur les États-Unis afin qu’ils mettent fin à leur politique d'armement des Kurdes syriens, qui sont en contact étroit avec leurs ramifications en Irak. (Reuters/archive)
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Publié le Lundi 15 février 2021

La mort de treize otages turcs suscite un débat sur l'opération militaire

  • Le meurtre de treize otages turcs en Irak par le Parti des travailleurs du Kurdistan illégal a provoqué la colère de la Turquie
  • Ankara indique que ces otages ont été tués par le PKK. Mais le Centre de défense du peuple déclare que ce sont les forces turques qui ont causé leur mort

DJEDDAH: Le meurtre de treize otages turcs en Irak par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) illégal a provoqué la colère, ainsi qu’un débat sur la possibilité qu’une opération à grande échelle soit menée par la Turquie. Les otages ont été exécutés dans la région de Gara, à l'intérieur d'une «prison» spéciale de la grotte du PKK.

Il a été affirmé qu'il s'agissait d'anciens soldats et policiers, bien que la Turquie ait déclaré que c’étaient des civils.

La Turquie a perdu trois de ses soldats lors de l'opération transfrontalière qui a débuté mercredi, tandis que quarante-huit combattants du PKK ont été tués.

Le PKK est désigné comme un groupe terroriste par la Turquie, les États-Unis et l'Union européenne. Il se bat contre l'État turc depuis 1984, avec un bilan de plus de 40 000 morts à ce jour.

La Turquie indique que ces otages, détenus depuis des années, ont été tués par le PKK. Mais le Centre de défense du peuple, l’aile militaire du parti, déclare que ce sont les forces turques qui, en bombardant la grotte, ont causé leur mort.

Un expert militaire, qui a requis l'anonymat, affirme que les personnes capturées étaient automatiquement considérées comme des civils dans les procédures militaires turques.

«Toutefois, je ne m'attends pas à une opération plus importante dans la région pour le moment», fait savoir cet expert à Arab News. «Les conditions hivernales sont trop rudes là-bas pour alimenter tout mouvement militaire.»

Des opérations similaires – destinées à libérer les captifs des mains du PKK – ont été négociées par le Parti démocratique du peuple pro-kurde (HDP). Cependant, une telle médiation est devenue peu probable en raison des liens présumés du HDP avec le PKK.

«Les forces turques occupent maintenant quelques villages plus bas, sous le repaire de la montagne Gara, à travers lesquels les combattants du PKK, munis de leurs vivres, doivent évoluer», déclare à Arab News l’analyste Bill Park, chercheur invité au King’s College de Londres.

«Le Parti démocratique du Kurdistan irakien (PDK) semble accepter cela, d’une part parce qu’il dépend de la Turquie à bien des égards et, d’autre part, parce qu’il n’apprécie pas non plus la présence du PKK. Mais il est évident qu’il est également embarrassé, car les Kurdes irakiens locaux n’apprécient pas la présence de la Turquie et subissent fréquemment ses bombardements et autres attaques», précise Bill Park.

Il ajoute que l'Union patriotique du Kurdistan, qui a toujours été plus proche du PKK et plus défiante vis-à-vis de la Turquie, a été plus critique à l'égard de cette action turque renforcée.

L'année dernière, après l’opération Tiger Claw qu’elle a menée contre les insurgés du PKK le long des monts Qandil – qui abritent le quartier général du PKK –, la Turquie a laissé une empreinte militaire plus profonde dans le nord de l'Irak, avec le projet d’établir des bases temporaires dans la région afin de mieux cibler les cachettes du parti, ses routes et ses capacités logistiques.

EN BREF

• Le PKK est désigné comme un groupe terroriste par la Turquie, les États-Unis et l'Union européenne. Il se bat contre l'État turc depuis 1984, avec plus de 40 000 personnes tuées à ce jour.

• La Turquie indique que ces otages, détenus depuis des années, ont été tués par le PKK. Mais le Centre de défense du peuple, l’aile militaire du parti, déclare que ce sont les forces turques qui, en bombardant la grotte, ont causé leur mort.

• Un expert militaire, qui a requis l'anonymat, affirme que les personnes capturées étaient automatiquement considérées comme des civils dans les procédures militaires turques.

Les Kurdes irakiens craignent que cette présence étendue soit le synonyme d’une présence plus longue, et peut-être permanente, sur leur territoire, ajoute Bill Clark. «On a en effet l’impression que la Turquie est en train de faire son trou pour un bon moment, comme elle le fait également dans le nord de la Syrie.»

Le Parti de la justice et du développement au pouvoir en Turquie et son allié, le Parti du mouvement nationaliste, continuent d’appeler à la fermeture du HDP. La dernière attaque du PKK incitera probablement davantage d'acteurs politiques à répéter ce genre de demandes en rejetant la faute sur le HDP.

Bill Park indique que la ligne politique de la nouvelle administration américaine constituera également un facteur qui déterminera les mouvements de la Turquie en Irak, car l'équipe du président Joe Biden devrait se concentrer sur la lutte contre les survivants de Daech en Syrie, avec l'aide d'alliés locaux, les Kurdes syriens.

«L'approche turque est également rendue plus difficile par la présence des forces kurdes syriennes des Unités de protection du peuple (YPG) en Syrie et la colère d'un nombre croissant de jeunes Kurdes irakiens de plus en plus radicalisés. En effet, les actions turques dans le nord de l'Irak sont en partie motivées par l’évolution de la situation dans le nord de la Syrie», explique l’analyste.

La Turquie a fait pression sur les États-Unis pour qu'ils mettent fin à leur politique d'armement des Kurdes syriens, qui sont en contact étroit avec leurs ramifications en Irak.

«Il y a beaucoup plus de sympathie de la part de Washington pour l’ensemble des causes kurdes désormais, tant au Congrès que dans l'administration Biden. Ainsi, les relations diplomatiques de la Turquie seront rendues plus délicates par cette tentative de répression militaire», conclut Bill Park.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Liban: deux morts dans une frappe israélienne contre un véhicule dans le sud 

Des équipes d'urgence libanaises bouclent le périmètre d'un incendie sur le site des frappes israéliennes suite à des ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo d'illustration (Photo par AFP)
Des équipes d'urgence libanaises bouclent le périmètre d'un incendie sur le site des frappes israéliennes suite à des ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo d'illustration (Photo par AFP)
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  • Deux personnes ont été tuées jeudi dans une frappe israélienne contre un véhicule dans le sud du Liban
  • Israël mène régulièrement des frappes au Liban, principalement dans le sud, affirmant cibler le Hezbollah pro-iranien, plus de cinq mois après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 27 novembre

BEYROUTH: Deux personnes ont été tuées jeudi dans des frappes israéliennes sur une localité du sud du Liban, a annoncé le ministère libanais de la Santé.

Le ministère a indiqué dans un communiqué qu'une frappe "menée par un drone de l'ennemi israélien contre une voiture dans la localité de Maiss el-Jabal a tué un Libanais et blessé deux Syriens".

Une autre personne a été tuée dans une seconde frappe sur cette localité, a ajouté le ministère dans un autre communiqué.

Israël mène régulièrement des frappes au Liban, principalement dans le sud, affirmant cibler le Hezbollah pro-iranien, plus de cinq mois après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 27 novembre.

Au début de la guerre à Gaza en octobre 2023, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas, le Hezbollah a tiré des roquettes à partir du sud du Liban sur Israël, affirmant agir en soutien à son allié palestinien.

Israël a réagi en septembre 2024 par d'intenses bombardements sur le Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, qui est sorti très affaibli de la guerre.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les Etats-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire de cinq positions frontalières où il a maintenu des troupes, malgré l'accord.

Le Liban affirme respecter l'ensemble de ses engagements et impute à Israël la responsabilité du non-respect de l'accord.

Lundi, l'armée israélienne a indiqué avoir frappé plus de 50 "cibles terroristes" en un mois au Liban "après des violations du cessez-le-feu et des accords entre Israël et le Liban, posant une menace pour l'Etat d'Israël et sa population".

 


Les Emirats vont lever l'interdiction à leurs ressortissants de se rendre au Liban

Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi. (AFP)
Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi. (AFP)
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  • En 2021, les Emirats arabes unis avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, et rappelé leurs diplomates en poste à Beyrouth en signe de solidarité avec l'Arabie saoudite, après les critiques d'un ministre libanais envers Riyad
  • Ni Beyrouth ni Abou Dhabi n'avaient interdit les déplacements des Libanais aux Emirats arabes unis, bien que certains aient eu des difficultés à obtenir des visas

DUBAI: Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi.

Cette décision a été annoncée au lendemain d'une rencontre à Abou Dhabi entre le président libanais Joseph Aoun et son homologue émirati Mohammed ben Zayed Al-Nahyane.

"Les deux parties sont convenues d'autoriser les citoyens à voyager, après avoir pris les mesures nécessaires pour faciliter les déplacements entre les deux pays et mis en place les mécanismes appropriés", indique le communiqué.

En 2021, les Emirats arabes unis avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, et rappelé leurs diplomates en poste à Beyrouth en signe de solidarité avec l'Arabie saoudite, après les critiques d'un ministre libanais envers l'intervention militaire de Ryad au Yémen.

Ni Beyrouth ni Abou Dhabi n'avaient interdit les déplacements des Libanais aux Emirats arabes unis, bien que certains aient eu des difficultés à obtenir des visas.

Le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement, qui soutient des projets d'infrastructure dans les pays en développement, enverra une délégation au Liban pour étudier d'éventuels projets communs, ajoute le communiqué.

Les liens entre les deux pays se sont détériorés au cours de la dernière décennie en raison de l'influence du Hezbollah pro-iranien sur le Liban.

Mais depuis que le Hezbollah est sorti affaibli fin novembre de plus d'un an d'hostilités, dont deux mois de guerre ouverte, avec Israël, les Emirats arabes unis manifestent à nouveau leur intérêt pour le Liban, à la suite d'autres pays du Golfe.

En mars, l'Arabie saoudite avait déclaré qu'elle examinerait les "obstacles" à la reprise des importations libanaises et à la levée de l'interdiction faite à ses ressortissants de se rendre au Liban.

M. Aoun avait auparavant rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto de l'Arabie saoudite, à Ryad, où il effectuait son premier voyage à l'étranger depuis son entrée en fonction en janvier.

M. Aoun, qui a les faveurs de Ryad et de Washington, a été élu après que l'affaiblissement du Hezbollah et le renversement en Syrie de l'allié du mouvement, Bachar al-Assad, ont modifié l'équilibre des pouvoirs au Liban.

 


Syrie: l'un des principaux chefs religieux druzes dénonce une «campagne génocidaire» contre sa communauté

 Au moins quinze combattants druzes ont été tués mercredi dans une embuscade près de Damas, a rapporté jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). (AFP)
Au moins quinze combattants druzes ont été tués mercredi dans une embuscade près de Damas, a rapporté jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). (AFP)
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  • Des combats avaient opposé mercredi à Sahnaya, près de Damas, des groupes armés liés au pouvoir islamiste sunnite à des combattants druzes, avant un retour à un calme précaire
  • Les 15 combattants druzes, qui se rendaient à Sahnaya, ont été pris pour cible "par les forces de sécurité, et des hommes armés qui leur sont affiliés", selon l'ONG

DAMAS: La plus haute autorité spirituelle des druzes de Syrie a dénoncé jeudi une "campagne génocidaire" contre sa communauté et s'en est pris au pouvoir d'Ahmad al-Chareh, au lendemain de combats confessionnels ayant fait des dizaines de morts près de Damas.

Ces heurts entre combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir sunnite illustrent l'instabilité persistante en Syrie, près de cinq mois après le renversement du président Bachar al-Assad, issu de la minorité alaouite.

Dans un communiqué, cheikh Hikmat al-Hajri a dénoncé une "campagne génocidaire injustifiée" visant des "civils à leur domicile" et réclamé "une intervention immédiate de forces internationales".

"Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement (...) Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, prétend que ce sont des éléments incontrôlés". "Un gouvernement protège son peuple."

Les combats à Jaramana et Sahnaya, où vivent des chrétiens et des druzes, ont réveillé le spectre des massacres qui ont fait début mars plus de 1.700 morts, en grande majorité des membres de la minorité alaouite. Les violences avaient été déclenchées par des attaques des pro-Assad contre les forces de sécurité.

Affirmant vouloir défendre les druzes, Israël, pays voisin de la Syrie avec laquelle il est techniquement en guerre, a menacé de frapper le pouvoir syrien en cas de nouvelles violences contre cette minorité.

Les druzes sont une minorité ésotérique issue de l'islam chiite et ses membres sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël. Les alaouites sont une autre branche minoritaire de l'islam, tandis que le sunnisme et le chiisme en sont les deux principaux courants.

"Engagement ferme" 

Les combats près de Damas ont été déclenchés lundi soir par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir contre Jaramana, après la diffusion sur les réseaux sociaux d'un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l'égard du prophète Mahomet. L'AFP n'a pas pu vérifier l'authenticité du message.

Les heurts à Jaramana ont fait 17 morts mardi avant de s'étendre mercredi à Sahnaya où 22 combattants de deux camps ont péri, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Mercredi aussi, 15 combattants druzes ont péri dans une embuscade sur une route menant à Sahnaya, d'après l'ONG.

Des accords entre représentants des druzes et du pouvoir ont permis de rétablir le calme mardi soir à Jaramana, une banlieue de Damas, et mercredi soir à Sahnaya, à 15 km au sud-ouest de Damas, où des forces de sécurité ont été déployées.

Les autorités syriennes avaient averti qu'elles "frapperaient d'une main de fer tous ceux qui cherchent à saper la stabilité de la Syrie", accusant des "groupes hors-la-loi" d'avoir provoqué les violences.

Le pouvoir syrien a dans ce contexte réaffirmé son "engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze". Il a aussi exprimé "son rejet catégorique de toute ingérence étrangère" après l'intervention militaire israélienne.

"Etendre le chaos" 

Israël a mené plusieurs frappes affirmant cibler des objectifs du pouvoir syrien.

Les druzes d'Israël forment une minorité arabophone d'environ 150.000 personnes réputée pour son patriotisme, et sont surreprésentés dans l'armée et la police par rapport à leur nombre.

Au Liban voisin, le chef druze libanais, Walid Joumblatt, a accusé Israël d'instrumentaliser les druzes de Syrie. "Israël continue de vouloir appliquer son plan de toujours (...) consistant à morceler la région en entités confessionnelles et étendre le chaos", a-t-il déclaré fin mars.

Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par M. Chareh après plus de 13 ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d'ouverture envers les druzes.

Mais les dignitaires druzes ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie et rejeté les menaces israéliennes contre le pouvoir syrien.

"En se plaçant en protecteur de la communauté druze, Israël espère à la fois se trouver des alliés locaux, particulièrement dans le sud syrien, mais aussi peser dans la balance à un moment où le futur de la Syrie reste incertain (...)", estime Michael Horowitz, un analyste indépendant.