NASSIRIYA: Quatre manifestants ont été tués vendredi et des dizaines blessés dans des heurts avec les forces de sécurité à Nassiriya dans le sud de l'Irak, ont indiqué des médecins de cette ville, théâtre d'une résurgence du mouvement de protestation antipouvoir.
Ces décès portent à six le nombre de manifestants tués depuis une semaine dans cette ville, située dans la province de Zi Qar, où des dizaines de personnes ont également été blessées.
Les nouvelles violences sont intervenues moins de deux semaines avant la venue du pape François dans cette province, lors de la première visite d'un souverain pontife en Irak.
Depuis plusieurs jours, les manifestants bravent les mesures de confinement liées à une seconde vague de l'épidémie de Covid-19 en Irak pour tenter de relancer leur mouvement de contestation, tandis qu'à l'échelle nationale, les manifestations sont devenues très rares ces derniers mois.
A Nassiriya, les protestataires ont exigé le renvoi du gouverneur, Nazem al-Waeli, dans un contexte de dégradation des services publics.
M. Waeli a démissionné vendredi soir, selon des médias publics, alors que le Premier ministre Moustafa al-Kazimi a créé une commission d'enquête sur les violences de vendredi.
Trois manifestants ont été tués par balle par les forces de sécurité, ont indiqué des médecins. Un quatrième manifestant blessé par balle a ensuite succombé.
Près 50 de personnes ont été blessées, a ajouté un médecin en soulignant que les hôpitaux étaient « surchargés avec des patients atteints de la Covid-19 ». »Nous peinons à trouver un endroit pour les soigner. »
« Impunité »
Amnesty International a indiqué que des blessés avaient dû être soignés sur des parkings. « Le gouvernement irakien a encore échoué à lutter contre l'impunité de ceux qui tuent les manifestants. Quand l'effusion de sang va-t-elle s'arrêter? », a écrit l'ONG sur Twitter.
THIS MUST END NOW! The @iraqigovt has failed time and time again to address the impunity with which protesters are being killed. When will the bloodshed end? #Nasiriyah #iraqprotests
— Amnesty Iraq (@AmnestyIraq) February 26, 2021
Les manifestants ont tenté de bloquer les principaux ponts de la ville mais les forces de sécurité ont répliqué en tirant à balle réelle, selon un correspondant sur place.
Deux manifestants ont été tués lundi et jeudi lors de rassemblements similaires.
Des décennies de conflits, de corruption et de faibles investissements ont laissé l'Irak avec des services publics déficients et des pénuries récurrentes d'électricité et d'eau.
Fin 2019, la colère de la population face à la corruption et au chômage endémique avait débouché sur un soulèvement populaire inédit marqué par des violences ayant fait 600 morts et 30 000 blessés à travers le pays, en majorité des manifestants.
L'un des épisodes les plus sanglants du mouvement a eu lieu à Nassiriya, où une trentaine de manifestants avaient été tués sur le pont Zeitoun, provoquant la démission du Premier ministre de l'époque Adel Abdel Mahdi.
Les manifestations s'étaient quasiment éteintes en 2020, dans un contexte de tensions politiques et face à la pandémie, mais des rassemblements ont continué épisodiquement à Nassiriya.
En novembre, neuf personnes ont été tuées en une semaine de violences dans cette ville.
Le Premier ministre, aussi commandant en chef des forces armées, a plusieurs fois appelé, en vain, les forces de sécurité à ne pas tirer sur les manifestants, ordonnant même le limogeage de hauts responsables de sécurité à Nassiriya.
Il a également promis de faire rendre des comptes aux responsables de violences liées aux manifestations (assassinats ciblés, enlèvements).
Plus tôt en février, M. Kazimi a annoncé l'arrestation de quatre membres d'une « cellule » soupçonnés d'avoir assassiné des militants et des journalistes jugés proches du mouvement antipouvoir.