Autrefois porte-étendard de la liberté d’expression, le Liban réprime désormais à tout-va

La contestation au Liban est fortement réprimée (Photo, AFP).
La contestation au Liban est fortement réprimée (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 17 mars 2021

Autrefois porte-étendard de la liberté d’expression, le Liban réprime désormais à tout-va

  • Convocations, interpellations et arrestations sont désormais le quotidien des journalistes, blogueurs et humoristes au Liban
  • Pendant que la monnaie continue sa chute vertigineuse, les autorités ne trouvent rien de mieux que de museler la moindre voix qui s’élève contre elles

BEYROUTH: Convocations, interpellations et arrestations sont désormais le quotidien des journalistes, blogueurs et humoristes au Liban. Ce pays autrefois porte-étendard de la liberté d’expression dans la région s’en prend désormais à tout militant, et plus particulièrement à ceux qui utilisent les réseaux sociaux pour exprimer leurs opinions.

Ramy Finge est dentiste, il habite Tripoli. Il a été récemment convoqué par la police. «Je suis accusé de "distribution de nourriture aux manifestants”», explique à Arab News en français cet homme qui s’implique depuis toujours dans des actions caritatives.

Quelques semaines après le soulèvement du mois d’octobre 2019, Ramy Finge a mis en place une soupe populaire pour venir en aide aux plus démunis, distribuant à domicile de la nourriture aux habitants de sa ville à l’occasion des divers confinements liés au coronavirus.

«Je sais que cela ne sera pas la dernière interpellation. L’officier qui m’a convoqué était très gêné en m’interrogeant. Il y a plus de vingt ans, j’étais son témoin de mariage. Durant toutes les manifestations de Tripoli, c’est moi qui négociais entre les manifestants et la police pour l’ouverture des routes. Parmi les questions qui m’ont été posées figurait celle-ci : “Qui finance ta cuisine populaire ?”», rapporte-t-il avec une pointe d’amertume dans la voix.

Ramy Finge (Photo tirée de Facebook)

«À Tripoli, nous sommes nombreux à nous mobiliser pour soutenir les moins nantis. Nous utilisons notre propre argent pour aider les autres habitants de la ville», s’insurge-t-il.

«Je m’attends à l’avenir à davantage d’atteintes aux libertés, mais cela ne m’empêchera pas de faire mon travail auprès de la communauté. Cela ne me poussera pas non plus à partir», assure-t-il, résolu. «Je n’arrêterai jamais de soutenir la communauté», ajoute-t-il.

Pendant que la livre libanaise continue sa chute vertigineuse – la monnaie locale a déjà perdu plus 90% de sa valeur face au dollar en moins d’un an - les autorités libanaises ne trouvent rien de mieux que de museler la moindre voix qui s’élève contre elles, alors que l’extrême pauvreté devient le lot de la majorité de la population.

La semaine dernière, c’est Shaden Fakih une jeune humoriste très critique du gouvernement libanais et qui ne mâche pas ses mots sur les réseaux sociaux, qui a reçu une convocation l’enjoignant de se rendre devant le bureau de la cybercriminalité. Son rendez-vous a finalement été remis à une date ultérieure.

Deux semaines plus tôt, de nombreux manifestants de Tripoli, la capitale du Liban Nord et la ville la plus pauvre au bord de la Méditerranée, ont été interpellés par la police pour des motifs aussi divers et variés que l’atteinte à la paix civile ou le terrorisme. *

Shaden Fakih (Photo tirée de Facebook).

Il y a trois semaines, les autorités ont interdit à Michel Chamoun, un entrepreneur âgé de 29 ans, de quitter l’aéroport de Beyrouth alors qu’il se devait se rendre aux Émirats arabes unis pour y travailler quelques jours. Au mois de janvier 2020, lors d’une manifestation au centre-ville de Beyrouth, un policier a tiré en sa direction à bout portant ; il a perdu deux doigts de sa main droite.

«Depuis octobre 2019, j’ai passé une quinzaine de nuits hors de chez moi parce que je savais que j’étais recherché par la police. J’étais traqué», raconte-t-il à Arab News en français.

«Je passe beaucoup de mon temps à la gendarmerie de Jounieh, dont le responsable est un officier proche du chef du CPL. Je suis également souvent interpellé par les services de renseignements pour toutes sortes de motifs farfelus : soit je mets la paix civile en danger, soit je suis en train d’encourager les dissensions communautaires...», soupire-t-il.

«La veille de mon voyage, quelqu’un a tiré en direction de ma voiture, généralement conduite par ma femme, qui était en stationnement. Une balle a même atteint le marchepied du 4x4. Je sais qu’il s’agit d’un message, mais je ne me tairai pas, je ne quitterai jamais le pays. Je n’ai qu’une peur : celle d’être tué», confie-t-il.

Chamoun est un activiste qui a manifesté à plusieurs reprises depuis le début du soulèvement populaire. Également actif sur Twitter, il y critique ouvertement les dirigeants libanais, et notamment le président de la République Michel Aoun, ainsi que son gendre, l’ancien ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, actuellement chef du parti du Courant patriotique libre (CPL).

Michel Chamoun (Capture d'écran Facebook).

Human Rights Watch dénonce

Dans son dernier rapport publié au mois de janvier dernier, Human Rights Watch (HRW) dénonce les nombreuses atteintes à la liberté d’expression au Liban.

«Au Liban, la vie des citoyens libanais, des migrants et des réfugiés devient de plus en plus insupportable de jour en jour», avait déclaré Aya Majzoub, spécialiste du Liban, à Human Rights Watch, avant d’ajouter : «Pourtant, l'élite politique se dispute toujours sur la façon de diviser ce butin qui diminue afin de s'enrichir tout en appauvrissant le pays.»

Au cours de la même période, Amnesty International avait alerté l’opinion en publiant un rapport: «Depuis le mouvement de protestation du 17 octobre 2019, les autorités libanaises intensifient leur campagne de harcèlement contre les journalistes et les militants en s’appuyant sur la législation relative à la diffamation, qui restreint le droit à la liberté d’expression; les forces de sécurité et l’armée libanaise ont convoqué, interrogé et tenté d’intimider des dizaines de personnes qui avaient critiqué les autorités sur les réseaux sociaux. Or, aucun de ces organes n’est chargé d’enquêter sur les affaires en rapport avec la liberté d’expression.» Dans son rapport, l’ONG appelle les autorités libanaises à «cesser immédiatement de harceler les militants».

Assassinats politiques

L’été dernier, un collectif de quatorze organisations locales et internationales, dont HRW, Amnesty International et Samir Kassir Eyes (SKeyes) a vu le jour, notamment pour tirer la sonnette d’alarme.

Ce collectif dénonce l’attitude du pouvoir libanais dans un communiqué : «Au lieu de répondre aux appels des manifestants qui réclament des comptes, les autorités mènent une campagne de répression contre ceux qui exposent la corruption et critiquent légitimement les défaillances significatives du gouvernement.»

«Bien que le Liban soit perçu comme l’un des pays les plus libres du monde arabe, de puissantes personnalités politiques ou religieuses utilisent de plus en plus les lois pénales sur la diffamation et les insultes comme outil de représailles contre les détracteurs», déplore également le texte.

Interrogé par Arab News en français sur le sujet, Ayman Mhanna, directeur exécutif de SKeys, souligne que, «avec le pouvoir et les partis actuels, dont les membres n’ont jamais connu la démocratie, ni dans leur formation personnelle, ni dans leur formation au sein du parti, on ne peut pas s’attendre à un comportement démocrate». Il affirme également que «le pouvoir libanais est une alliance entre des fascistes religieux, des hommes forts et des partis dirigés par des criminels de guerre et des corrompus: comment peut-on s’attendre à ce que ces gens-là se comportent de manière démocratique?»

«La situation des libertés va aller de mal en pis, parce que ces partis ont également perdu de leur légitimité, et le seul moyen dont ils disposent pour préserver leur pouvoir est la coercition», indique-t-il.

Rappelant l’assassinat, au mois de février dernier, de l’intellectuel libanais Lokman Slim, farouche opposant du Hezbollah, Ayman Mhanna s’est penché sur les crimes politiques impunis, estimant qu’ils offrent «un blanc-seing aux assassinats», avant de conclure: «Si on ne poursuit pas les assassins, ce sera beaucoup plus difficile de poursuivre les responsables d’exactions de moindre ampleur. Quand on permet l’assassinat politique, on est de facto en train d’autoriser toutes les autres violations des libertés.»


Le roi de Bahreïn et le président égyptien insistent sur la nécessité d’une réponse arabe unifiée à la crise de Gaza

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  • Abdel Fattah al-Sissi et le roi Hamad s’engagent à agir conjointement pour faire face à l’escalade de la crise à Gaza
  • Le roi Hamad et le président égyptien ont également évoqué l’ordre du jour du 33e Sommet arabe, que Bahreïn accueillera le mois prochain

LE CAIRE: Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, et le roi Hamed de Bahreïn se sont engagés à agir conjointement pour faire face à l’escalade de la crise à Gaza et à ses répercussions sur la région.

M. Al-Sissi a reçu le roi Hamed au Caire mercredi. Les deux dirigeants ont fait part de leur espoir de voir les efforts de paix déboucher sur une nouvelle voie pour la région, ce qui permet d’envisager un avenir dans lequel leurs pays œuvreraient ensemble à la prospérité.

Le roi Hamed a précisé lors d’une conférence de presse conjointe que le président égyptien et lui avaient également évoqué l’ordre du jour du 33e Sommet arabe, que Bahreïn accueillera le mois prochain.

M. Al-Sissi et le roi de Bahreïn ont insisté sur la nécessité d’adopter des politiques claires pour promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient.

Le roi a déclaré avoir discuté avec le président Al-Sissi de plusieurs questions qui concernent le renforcement de la coopération arabe.

M. Al-Sissi et le roi Hamed ont discuté des efforts déployés par leurs pays et de «l’action arabe commune pour faire face à cette situation intenable, pour y mettre un terme et, surtout, pour empêcher qu’elle ne se reproduise».

«Ainsi, la communauté internationale doit s’unir pour imposer un cessez-le-feu immédiat, urgent et durable dans la bande de Gaza ainsi que mettre fin à toute tentative de déplacement forcé, de famine ou de punition collective du peuple palestinien frère. Elle doit s’unir pour garantir l’acheminement complet, durable et sans entraves de quantités suffisantes d’aide humanitaire et de secours dont le secteur a désespérément besoin», a ajouté le dirigeant égyptien.

«En parallèle, les parties doivent s’engager immédiatement et sérieusement sur des voies propices à une solution politique juste et durable à la cause palestinienne, fondée sur la solution à deux États ainsi que sur la création d’un État palestinien indépendant et souverain, selon les frontières du 4 juin 1967, ayant Jérusalem-Est pour capitale. Cet État palestinien devrait jouir à la fois de la reconnaissance internationale et être membre à part entière des Nations unies.»

M. Al-Sissi a indiqué que l’Égypte avait mis en garde à plusieurs reprises contre les conséquences désastreuses qui pourraient résulter de la guerre en cours en Palestine occupée. Ce conflit entraîne des appels à l’escalade et des représailles, créant un cycle de violence qui détruit toute chance de paix et de stabilité dans la région.

«En effet, ces derniers mois, la région est en proie aux conséquences dévastatrices de la guerre en cours, dont les flammes se sont propagées à l’extérieur. Cette situation a engendré l’état actuel de tension et de péril dans la région, qui menace gravement la sécurité, la stabilité et l’avenir de notre peuple», a-t-il poursuivi.

Selon le président égyptien, les dirigeants «ont longuement discuté de ces développements régionaux troublants et des solutions que nous envisageons, animés par notre conviction commune de l’importance cruciale de préserver la sécurité et la stabilité de la région et de ses peuples face aux multiples menaces, et de ne pas abandonner leur sort à la volonté des bellicistes. Cet engagement est fondé sur le principe consistant à accorder la priorité à la sécurité arabe commune, que nous considérons comme indivisible».

M. Al-Sissi a précisé que les deux dirigeants étaient convenus de la nécessité de déployer et d’encourager des efforts immédiats et intensifs en vue d’une désescalade dans les territoires palestiniens et au niveau régional.

«Nous avons par ailleurs discuté de l’importance d’exhorter les parties à adopter une approche rationnelle, à opter pour des solutions politiques et à abandonner les solutions militaires et les notions de domination et d’hégémonie», a déclaré le président.

«Nous sommes aujourd’hui réunis à une heure extrêmement grave en raison de la guerre sanglante menée par Israël contre la bande de Gaza et de la perte inexorable de milliers de civils innocents et sans défense dans des scènes d’une horreur indicible.»

«Ils n’ont rien fait d’autre que de vivre sur leur terre, de rester attachés à leur maison et à leur patrie, et d’aspirer à une vie empreinte de dignité, de fierté et d’humanité.»

«Il s’agit sans aucun doute d’un moment décisif qui restera dans les annales, étant donné le recours scandaleux à la force militaire pour terroriser, affamer et infliger des souffrances inimaginables à des civils innocents, collectivement et sans distinction, pour les terrifier et les pousser à abandonner leurs maisons, et pour les déplacer de force de leur terre.»

«Tout cela se produit alors que la communauté internationale reste les bras croisés, incapable de faire respecter la justice et le droit international, le droit humanitaire international ou même les principes fondamentaux de l’humanité, ou ne voulant pas», a conclu le président égyptien.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le chef de la Ligue arabe exprime ses craintes concernant le conflit à Gaza lors d’une réunion avec un responsable de l’ONU

Le général de division Patrick Gauchat s’entretient avec Ahmed Aboul Gheit au Caire. (X/@arableague_gs)
Le général de division Patrick Gauchat s’entretient avec Ahmed Aboul Gheit au Caire. (X/@arableague_gs)
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  • Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, s’est entretenu avec le général de division de l’ONU, Patrick Gauchat
  • Le chef de l’Onust a informé le secrétaire général des conflits qui se déroulent dans plusieurs zones surveillées par l’ONU

LE CAIRE: Le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a déclaré à un haut responsable de l’ONU qu’il redoutait que le conflit à Gaza ne devienne incontrôlable et ne menace la sécurité régionale. 

Lors d’une réunion au Caire avec le général de division Patrick Gauchat, chef de mission et chef de l’Organisme des nations unies chargé de la surveillance de la trêve (Onust), M. Aboul Gheit a insisté sur la nécessité de mettre en œuvre la résolution sur le cessez-le-feu du Conseil de sécurité de l’ONU et de fournir une aide humanitaire urgente à la population affamée de Gaza.

Selon Gamal Roshdy, porte-parole du secrétaire général de la Ligue arabe, la réunion portait sur la situation régionale. M. Aboul Gheit a affirmé que la guerre menée par Israël contre Gaza violait le droit international et les principes humanitaires.

Le chef de l’Onust a informé le secrétaire général des conflits qui se déroulent dans plusieurs zones surveillées par l’ONU, notamment la Ligne bleue, qui délimite la trêve entre le Liban et Israël.

M. Aboul Gheit a estimé que les résolutions politiques demeuraient le moyen le plus efficace pour assurer la sécurité de toutes les parties.

Toutefois, la mise en œuvre de ces résolutions reste difficile dans la mesure où Israël poursuit ses objectifs en recourant à la force militaire et en prenant des civils pour cible, a-t-il ajouté.

D’après le site Internet de l’Onust, le Conseil de sécurité, dans la résolution No 50 (1948), appelait à une cessation des hostilités en Palestine le 29 mai 1948 et chargeait le médiateur de l’ONU en Palestine de surveiller l’application de la trêve avec l’aide d’un groupe d’observateurs militaires.

Le premier groupe d'observateurs militaires, créé en 1949 pour superviser la mise en œuvre des accords d’armistice israélo-arabes, est devenu par la suite l’Organisme des nations unies chargé de la surveillance de la trêve.

Les observateurs de l’Onust au Moyen-Orient ont pour rôle de surveiller le respect des cessez-le-feu et des accords d’armistice, d’empêcher que des incidents isolés ne dégénèrent et de prêter main-forte à d’autres opérations de maintien de la paix de l’ONU dans la région.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Nouveaux raids meurtriers israéliens à Gaza, sanctions occidentales contre l'Iran

Un Palestinien porte une cuisinière à gaz alors qu'il marche au milieu des débris d'un bâtiment détruit dans la ville de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 18 avril 2024. (AFP)
Un Palestinien porte une cuisinière à gaz alors qu'il marche au milieu des débris d'un bâtiment détruit dans la ville de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 18 avril 2024. (AFP)
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  • Ces dernières 24 heures, au moins 71 morts supplémentaires ont été recensés d'après le ministère de la Santé dans la bande de Gaza
  • Les déclarations alarmantes se sont multipliées après la menace d'Israël de répondre à la première attaque directe aux drones et missiles de l'Iran contre le territoire israélien

JÉRUSALEM: L'armée israélienne a mené jeudi de nouveaux raids à Gaza qui ont tué des dizaines de Palestiniens dont des femmes et des enfants, a indiqué le Hamas, le jour où des puissances occidentales ont renforcé les sanctions contre l'Iran après son attaque contre Israël.

Les déclarations alarmantes se sont multipliées après la menace d'Israël de répondre à la première attaque directe aux drones et missiles de l'Iran contre le territoire israélien lancée le 13 avril en riposte à une frappe meurtrière imputée à Israël contre son consulat à Damas.

A Téhéran, un haut responsable des Gardiens de la révolution, le général Ahmad Haghtalab, a mis en garde Israël contre l'éventualité d'une attaque contre ses sites nucléaires, en affirmant que son pays était prêt à lancer en représailles de "puissants missiles" sur les "installations nucléaires de l'ennemi".

"Nous sommes au bord d'une guerre au Moyen-orient qui provoquera des ondes de choc dans le reste du monde", a prévenu le chef de la diplomatie de l'Union européenne Josep Borrell.

Le Moyen-Orient est au bord du "précipice" d'un "conflit régional généralisé", a renchéri le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres devant le Conseil de sécurité.

Alors que la région est déjà ébranlée par la guerre entre Israël et le Hamas palestinien à Gaza, M. Guterres a dénoncé l'"enfer humanitaire" créé par les opérations militaires israéliennes dans le territoire palestinien qui ont fait en plus de six mois 33.970 morts, essentiellement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

La campagne israélienne de bombardements aériens intensifs suivie d'une offensive terrestre, a été déclenchée par une attaque menée le 7 octobre par des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort de 1.170 personnes, en majorité des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

Plus de 250 personnes ont été enlevées durant l'attaque d'une ampleur sans précédent et 129 restent retenues à Gaza, dont 34 sont mortes d'après des responsables israéliens.

Avant l'aube, des frappes israéliennes ont ciblé la petite bande de terre assiégée par Israël depuis le 9 octobre et dont la majorité des 2,4 millions d'habitants sont menacés de famine selon l'ONU.

Ces dernières 24 heures, au moins 71 morts supplémentaires ont été recensés d'après le ministère de la Santé dans la bande de Gaza, où le mouvement islamiste palestinien Hamas a pris le pouvoir en 2007.

"C'est horrible"

"Nous avons récupéré les restes de 12 personnes", a déclaré Abdeljabbar al-Arja, après avoir fouillé les décombres d'une maison touchée par une frappe à Rafah (sud) où s'entassent 1,5 million de personnes en majorité déplacées par la guerre.

"Il y avait des femmes et des enfants, on a trouvé des bras et des pieds. Ils ont tous été mis en pièces. C'est horrible", s'est-il exclamé.

Des bombardements ont aussi touché le camp Al-Mawasi, près de Rafah, devenu un camp aux milliers de tentes abritant des déplacés.

"Notre terre a été rasée, notre maison détruite (...) Nos espoirs et rêves ont été pulvérisés", a dit Shams Majid, 22 ans, un déplacé.

L'armée israélienne a dit avoir frappé des dizaines de "cibles" dans la bande de Gaza, dont des "terroristes, des postes d'observation et des structures militaires".

"Mort, destruction" 

M. Guterres a évoqué devant le Conseil de sécurité deux millions de Palestiniens endurant "la mort, la destruction, le déni d'aide humanitaire vitale". "Et tout cela se produit avec des limites importantes imposées par les autorités israéliennes sur la livraison d'aide à la population de Gaza, qui fait face à la faim généralisée."

Il a réitéré son appel à un cessez-le-feu immédiat et à la libération de tous les otages.

Les pourparlers sur une trêve à Gaza associée à une libération d'otages piétinent depuis des mois, les protagonistes s'accusant de les bloquer.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu dit vouloir poursuivre la guerre jusqu'à la destruction du Hamas qu'il considère comme une organisation terroriste, de même que les Etats-Unis et l'UE. Il est décidé à lancer une offensive terrestre contre Rafah, présentée comme le dernier grand bastion du Hamas.

M. Netanyahu a récusé "les allégations sur une famine à Gaza" et affirmé qu'Israël faisait "tout son possible sur la question humanitaire".

Réponse différente

Le Premier ministre israélien lutte sur un autre front, contre la République islamique d'Iran, son ennemi juré.

En attaquant Israël, l'Iran a dit avoir agir en "légitime défense" après l'attaque qui a détruit son consulat à Damas le 1er avril et coûté la vie à sept de ses militaires dont deux hauts gradés. Téhéran a accusé Israël qui n'a ni confirmé ni démenti.

Les dirigeants iraniens ont ensuite souligné qu'ils ne cherchaient "pas une expansion des tensions" avec Israël.

Israël a dit avoir intercepté avec ses alliés la quasi-totalité des quelque 350 drones et missiles iraniens, et affirmé que l'attaque iranienne ne resterait pas "impunie".

D'après le diffuseur public israélien Kan, M. Netanyahu a décidé de ne pas mettre en oeuvre des plans de frappes de représailles rapides après avoir discuté avec le président américain Joe Biden, qui cherche à éviter une nouvelle confrontation.

"Il y aura bien une réponse mais elle sera différente de ce qui était initialement prévu", a indiqué un haut responsable à la chaîne.

Entretemps, les Etats-Unis, alliés indéfectibles d'Israël, et le Royaume-Uni ont annoncé avoir renforcé leurs sanctions contre l'Iran, ciblant "le programme iranien de drones, l'industrie sidérurgique et les constructeurs automobiles". L'UE a aussi annoncé de nouvelles sanctions contre Téhéran.

"Nous faisons en sorte que l'Iran rende des comptes", a dit Joe Biden.