Il est grand temps que l'Irak réintègre sa grande famille arabe

Les combattants de l'Unité de mobilisation populaire (Al-Hachd al-chaabi), une milice pro-iranienne, font un signe de victoire alors qu’ils marchent sur Tal Afar, à l'ouest de Mossoul, le 26 août 2017. (Photo, AFP)
Les combattants de l'Unité de mobilisation populaire (Al-Hachd al-chaabi), une milice pro-iranienne, font un signe de victoire alors qu’ils marchent sur Tal Afar, à l'ouest de Mossoul, le 26 août 2017. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 25 mars 2021

Il est grand temps que l'Irak réintègre sa grande famille arabe

Il est grand temps que l'Irak réintègre sa grande famille arabe
  • Les Irakiens ont réussi l’exploit d’empêcher le pays de se scinder selon des clivages sectaires et ethniques
  • Pendant la guerre Iran-Irak de 1980-1988, l’Irak a accepté le soutien financier du Golfe, et a offert en échange d’écraser les ambitions révolutionnaires de l’ayatollah Khomeiny

Le gouvernement stable et inclusif tant espéré par le peuple irakien semble toujours être une perspective lointaine, près de deux décennies après la chute de Saddam Hussein. La fin du régime du parti Baath n’a pas permis au pays de s’épanouir en une société progressiste, reconstruite par la grande richesse naturelle du pays; au contraire, les gouvernements successifs sont passés d'une crise à une autre.

Malgré l'implosion de l'État, une insurrection contre les États-Unis et la montée de Daech, les Irakiens ont réussi l’exploit d’empêcher le pays de se scinder selon des clivages sectaires et ethniques. Derrière le Irak unifié, cependant, c'est le coût de la cohésion de l'État et le fait que certaines affaires irakiennes sont toujours décidées à Téhéran. Dans toute la région, les événements des dernières années ont montré que l'ingérence iranienne décourage la création d'institutions souveraines indépendantes et éloigne l’Irak de ses semblables pays arabes. Toutefois, compte tenu des défis graves auxquels l'Irak est confronté, il doit apprendre à se débrouiller seul.

Les pays arabes, en particulier ses voisins du Golfe, ont une relation complexe avec l’Irak. Pendant la guerre Iran-Irak de 1980-1988, l’Irak a accepté le soutien financier du Golfe, et a offert en échange d’écraser les ambitions révolutionnaires de l’ayatollah Khomeiny. En 1990, les relations sont entrées dans un nouveau chapitre après l'invasion du Koweït par l'Irak. Les alliés arabes ont critiqué à l’unanimité l’invasion et l’occupation d’un pays arabe par Saddam et plusieurs ont même pris les armes contre lui.

Cependant, ce n’est qu’en 2003 que l’Irak prend une trajectoire totalement différente. Après l’effondrement du régime de Saddam, la minorité arabe sunnite ne pouvait plus dominer la majorité chiite et kurde dans la lutte pour le contrôle de l’Irak. La rancune de ces deniers après des décennies de droits bafoués a conduit à une restructuration fondamentale de l’élite irakienne et, avec elle, des objectifs de la politique étrangère du pays.

Bien que l’Irak ait toujours été l’hôte d’une mosaïque d’identités ethniques et religieuses, depuis l’indépendance du pays de la domination ottomane en 1920 jusqu’à l’invasion américaine, les différentes communautés ont généralement vécu côte à côte. Cependant, le désordre qui a sévi immédiatement après la chute de Saddam reflétait l’ignorance des réalités sur le terrain par les stratèges de guerre de Washington, ainsi que la fragilité des institutions étatiques, qui avaient été tout à fait creuses sous Saddam. Menacés par l'effondrement de l'État irakien, les planificateurs américains et locaux de l'après-guerre se sont empressés de mettre en place un système fédéral multiconfessionnel. Cependant, cela a en fait renforcé de plus les divisions collectives. En donnant du pouvoir aux opposants opprimés depuis longtemps, dont beaucoup avaient cherché l’exil en Iran, la réalité post-invasion était un Irak de plus en plus rapproché de l’emprise de Téhéran.

Il ne fait aucun doute que l'Irak a toujours été au milieu de la rivalité régionale entre l'Iran et les États du Golfe - une position qui a eu un effet considérable sur sa stabilité et ses efforts de développement. Les gouvernements post-invasion terriblement non représentatifs ont contribué à attiser les tensions religieuses tout en s'engageant dans une gestion économique aléatoire, faisant de l'Irak un terrain fertile pour le recrutement de terroristes. Les leaders irakiens de l’époque après Daech, n'ont d'autre choix que de contenir les Arabes sunnites, de réglementer le rôle politique des chiites et de gérer les appels renouvelés à l'indépendance kurde.

Bien que le succès de Daech ait été en partie une réaction à la corruption endémique des nouvelles élites irakiennes, il a également mis en évidence les dangers d’impliquer les puissances étrangères dans les affaires internes de l’Irak. La présence de la Force iranienne Al-Qods, qui a renforcé les milices chiites, s'est également révélée nuisible. Pour que la société irakienne progresse, le gouvernement doit chercher à restreindre les activités des milices.

Depuis que les Britanniques ont quitté l'Irak en 1932, presque tous les leaders irakiens, dont Saddam, n'ont apporté qu’un soutien de façade à l'inclusion des autres groupes de la population dans l'État irakien; favorisant plutôt leurs propres tribus afin de créer des cercles de pouvoir relativement étroits. Pour que l'Irak prospère, ses institutions étatiques doivent être reconstruites sans tenir compte des confessions religieuses et avec l'adhésion à l'État comme priorité.

Une réalité historique similaire de l'Irak a toujours été sa position centrale au sein du monde arabe. Ce n’est pas un hasard si, à la suite de l’implosion de l’État, toute la région est devenue plus précaire. Si les voisins arabes de l’Irak souhaitent confronter l’Iran, ils doivent jouer un rôle actif dans le développement de l’Irak et subordonner leur collaboration avec le gouvernement de Bagdad à la non-ingérence des milices iraniennes. Le rôle de l’Irak au sein de l’OPEP est extrêmement important, tout comme ses liens avec le monde arabe et sa capacité à s’engager dans le développement économique de la région. L'Irak ne peut plus se permettre de regarder vers l'est; il devrait plutôt tenter de réintégrer sa grande famille arabe.

 

Zaid M. Belbagi est commentateur politique et conseiller auprès de clients privés entre Londres et le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Twitter: @Moulay_Zaid

Les opinions exprimées par les écrivains dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com