L’incompréhensible abstention européenne sur l’Iran

Short Url
Publié le Lundi 17 août 2020

L’incompréhensible abstention européenne sur l’Iran

L’incompréhensible abstention européenne sur l’Iran
  • Le ministre des Affaires étrangères iranien Jawad Zarif a jugé « anormale » la présence de frégates françaises et britanniques venues aider les Libanais
  • Le Hezbollah qui contrôle le port et l’aéroport du Liban ne veut pas d’une enquête internationale qui révélerait comment lui-même et son sponsor iranien utilisent le port à des fins guerrières

Alors que les pays européens, la France et le Royaume Uni s’abstenaient de voter la résolution du Conseil de sécurité présentée par les États-Unis pour prolonger l’embargo sur les armes imposé à l’Iran, le ministre de la Défense iranien narguait Trump en annonçant que l’Iran allait bientôt exposer ses nouveaux missiles de croisière. Ce même ministre indiquait qu’en octobre, lorsque l’embargo sur les armes imposé à l’Iran expirerait, l’Iran pourrait exporter des armes à d’autres pays, parmi lesquels le Liban. 

Jawad Zarif, le ministre des Affaires étrangères iranien, venu voir au Liban son agent local Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah libanais, après l’explosion dramatique au port de Beyrouth de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium expliquait aux Libanais que « la sécurité du Liban est celle de l’Iran » et qu’il fallait que les Libanais enquêtent eux-mêmes sur les causes de l’explosion plutôt qu’ils ne recourent à une enquête internationale. 
Par ailleurs, M. Zarif a jugé « anormale » la présence de frégates françaises et britanniques venues pour une cause humanitaire et pour aider les Libanais. Zarif, arrivé en territoire conquis grâce au parti chiite qu’il contrôle, se permet de dicter ses desideratas au peuple libanais qui subit les malheurs provoqués par un pouvoir politique dominé par le parti chiite pro-iranien. Ce parti qui contrôle le port et l’aéroport du Liban ne veut pas d’une enquête internationale qui révélerait comment lui-même et son sponsor iranien utilisent le port à des fins guerrières qui minent le Liban depuis une trentaine d’années.

La France, à l’initiative de son président Emmanuel Macron, est venue rapidement au chevet du Liban. Le Royaume Uni s’est également dépêché d’envoyer de l’aide. Cependant, ce qui est incompréhensible, c’est l’abstention de ces deux pays membres du Conseil de sécurité lors du vote de la résolution présentée par les États Unis concernant la reconduction de l’embargo sur les armes imposé à l’Iran. Quelle logique a-t-elle conduit la diplomatie française à cette abstention ? Paris est bien au fait du rôle néfaste de l’Iran dans la région, surtout au Liban et en Syrie où la France est engagée, au Liban pour soutenir une population gravement touchée par la corruption et l’incompétence d’un pouvoir installé et dirigé par le Hezbollah, et en Syrie où elle tente en vain de confronter un pouvoir soutenu et aidé par l’Iran et le Hezbollah. 

 

La France, à l’initiative de son président Emmanuel Macron, est venue rapidement au chevet du Liban. Le Royaume Uni s’est également dépêché d’envoyer de l’aide. Cependant, ce qui est incompréhensible, c’est l’abstention de ces deux pays membres du Conseil de sécurité lors du vote de la résolution présentée par les États Unis concernant la reconduction de l’embargo sur les armes imposé à l’Iran.

Randa Takieddine

De même, l’abstention britannique est incompréhensible, sachant que le Royaume Uni considère le parti pro-iranien, le Hezbollah, comme terroriste et ne fait pas de distinction entre le bras militaire et la branche politique de ce parti. Cette position européenne est malheureuse et incompréhensible même s’il était prévisible que les vétos russes et chinois bloquent la résolution. Une position de principe de la France et de l’Angleterre aurait été souhaitée. Emmanuel Macron, au cours de sa conférence de presse au Liban, a bien déclaré que plusieurs tentatives de médiation avec l’Iran ont échoué. Qu’attend donc la France d’un régime intraitable qui déstabilise toute la région, Liban, Syrie, Irak, Arabie saoudite... Pourquoi le parti chiite libanais sacrifie ses enfants pour défendre Bachar el-Assad qui tue son propre peuple. Au nom de quoi le Liban doit-il héberger sur son territoire une radio pour les Houthis du Yemen (Al Massirah) ; pourquoi ces mêmes Houthis sont-ils formés par les combattants du Hezbollah pour le compte de L’Iran ? Et le Liban doit payer pour la politique de ce parti qui l’isole des pays du Golfe qui auraient pu l’aider dans son effondrement financier. 

L’accord du nucléaire entre l’Iran et les six pays, connu sous le nom de JCPOA, était un mauvais accord, car il n’incluait pas un volet sur la dangereuse politique régionale de l’Iran. La priorité était au nucléaire, menaçant pour Israël, car la sécurité d’Israël est pour la communauté internationale le souci principal. Mais quand Zarif annonce que la sécurité du Liban est celle de l’Iran, l’Europe s’abstient et se montre favorable à une levée de l’embargo sur les armes imposé à l’Iran, une position incompatible avec sa préoccupation de la sécurité du Liban.

Randa Takieddine est correspondante en chef d’Arab News en français à Paris.

Twitter: @randaparis

NDLR: Les opinions exprimées dans la présente publication sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.