Lagardère - Vivendi: La guerre d'usure qui s'installe

Arnaud Lagardère, héritier et dirigeant du groupe Lagardère, en conférence de presse à Paris (Photo, Éric PIERMONT/AFP).
Arnaud Lagardère, héritier et dirigeant du groupe Lagardère, en conférence de presse à Paris (Photo, Éric PIERMONT/AFP).
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Publié le Samedi 22 août 2020

Lagardère - Vivendi: La guerre d'usure qui s'installe

  • L'offensive printanière du fonds Amber Capital a échoué lors de l'assemblée générale du groupe
  • Retournement d’alliance de Vincent Bolloré qui fraternise avec le fonds d’investissement pour demander quatre sièges sur neuf au conseil de surveillance

PARIS : Une guerre d'usure a commencé dans le dossier Lagardère, entre l'héritier Arnaud Lagardère, reparti pour un bail de quatre ans avec le soutien de Bernard Arnault, et Vivendi qui a pactisé avec un fonds activiste.

Premier épisode de la saga qui voit s'affronter les plus grands noms du capitalisme français: l'offensive printanière du fonds Amber Capital, tenu en échec lors de l'assemblée générale du groupe par Arnaud Lagardère.

Après un certain suspense, celui-ci avait su s'entourer de Marc Ladreit de Lacharrière (Fimalac), de Vincent Bolloré (via le géant des médias Vivendi) et de Bernard Arnault, ce dernier s'étant vu proposer une entrée privilégiée dans la holding du groupe.

Deuxième acte au cœur de l'été : le retournement d'alliance de M. Bolloré qui a fraternisé avec Amber, l'ennemi juré d'Arnaud Lagardère, pour demander quatre sièges sur neuf au conseil de surveillance (trois pour le fonds, un pour Vivendi).

A l'approche de l'automne, les deux blocs cherchent à renforcer leur position.

Dès lundi, Arnaud Lagardère, qui contrôle un groupe au statut atypique de commandite par action avec seulement 7% du capital, a joué la prudence en faisant renouveler, sept mois avant l'échéance, son mandat de gérant par un conseil de surveillance organisé discrètement.

Cette décision est « choquante, scandaleuse », ne décolère pas Olivier Fortesa, associé du fonds Amber, dans un entretien vendredi avec l'AFP. « C'est la première fois dans l'histoire de l'entreprise qu'un gérant est renouvelé aussi tôt », affirme-t-il.

« La fonction du conseil de surveillance n'est pas de protéger les intérêts d'un homme, mais ceux du groupe et de ses actionnaires. Il a failli dans sa mission », dénonce M. Fortesa, qui fait partie des trois candidats proposés par Amber, avec le patron du fonds Joseph Oughourlian.

« Inamovible » pour 4 ans ?

Malgré ce revers, Amber et Vivendi, qui cumulent près de 44% du capital de Lagardère et un peu plus de 30% des droits de vote, persistent à demander l'organisation d'une assemblée générale. Ils ont tous deux formalisé leur requête en fin de semaine en précisant qu'elle devrait avoir lieu d'ici à la fin octobre.

Sans garantie aucune qu'Arnaud Lagardère accepte, ils menacent de saisir le tribunal de commerce qui pourrait désigner un mandataire s'il estime que les résolutions proposées par les deux partenaires sont conformes à l'intérêt général de la société.

« Pour demander une nouvelle AG, il faut un motif légitime », remarque le clan Lagardère qui se rassure : « quoiqu'il advienne, Arnaud Lagardère est là pour quatre ans, inamovible ».

« Ce qu'a fait un conseil de surveillance, un autre peut le défaire », rétorque un proche du dossier. Selon lui, « ce n'est pas parce qu'il a été renommé qu’il est inexpugnable ». Sa situation est liée à la santé économique de son groupe, touché de plein fouet par la crise sanitaire et qui a perdu près de 500 millions d'euros au premier semestre, et à sa capacité à rembourser ses dettes personnelles.

Selon les comptes de sa holding, publiés début août, l'endettement total de celle-ci s'élevait à 214 millions d'euros en 2019, et 164 millions d'euros arrivent à échéance dès la fin de l'année.

L'arrivée de Bernard Arnault, prévue pour début septembre et qui doit prendre 27% de la holding par augmentation de capital et achat d'actions, n'apporterait que 80 millions d'euros d'argent frais.

Les intentions du PDG du groupe de luxe LVMH, qui agit désormais « de concert » avec Arnaud Lagardère, restent de plus encore mal connues.

« Alors qu'il est celui qui a investi le moins », Bernard Arnault « pourrait rapidement s'imposer comme l'actionnaire contrôlant de la boucle Lagardère et donc de Lagardère SCA », écrivait en juin dans une note Jérôme Bodin, analyste chez Oddo-BHF. Pour l'instant non consulté à ce sujet, le conseil de surveillance devrait donner son accord si M. Arnault s'aventurait à acquérir le contrôle de la commandite, expliquait l'analyste.

Mercredi, Bernard Arnault a tenu à rappeler dans un communiqué son attachement à « l'intégrité du groupe Lagardère autour de ses deux piliers », l'édition (Hachette) et la distribution dans les gares et aéroports (Relay). Il serait aussi susceptible, selon certains observateurs, d'être intéressé par les médias encore influents du groupe comme Paris Match, le JDD ou Europe 1.

 


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".