Sous les ponts de Tripoli, l'avenir suspendu des travailleurs migrants

Chaque jour, des centaines de journaliers, dont beaucoup viennent du Niger, du Soudan, de l'Érythrée et d'autres pays d'Afrique subsaharienne, se rassemblent à l'aube sous les ponts de la capitale libyenne Tripoli. (Mahmud Turkie/AFP)
Chaque jour, des centaines de journaliers, dont beaucoup viennent du Niger, du Soudan, de l'Érythrée et d'autres pays d'Afrique subsaharienne, se rassemblent à l'aube sous les ponts de la capitale libyenne Tripoli. (Mahmud Turkie/AFP)
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Publié le Vendredi 21 mai 2021

Sous les ponts de Tripoli, l'avenir suspendu des travailleurs migrants

  • Ils sont des centaines de travailleurs journaliers, originaires de pays d'Afrique subsaharienne, à investir au petit matin les ponts tripolitains
  • Beaucoup d'entre eux, venus du Niger, du Soudan ou de l'Erythrée, ont fui leurs pays minés par les conflits, la pauvreté et la corruption

TRIPOLI, Libye : Poussés sur la route migratoire par la misère, des centaines de migrants ayant échoué à rejoindre l'Europe depuis les côtes libyennes se sont résignés à rester à Tripoli, malgré des emplois sous-payés: à la périlleuse traversée se substitue davantage de précarité économique.

Ils sont des centaines de travailleurs journaliers, originaires de pays d'Afrique subsaharienne, à investir au petit matin les ponts tripolitains battus par les vents de Méditerranée orientale.

Munis d'outils usés, assis sur des pneus de poids lourds ou sur le rebord du trottoir, ils guettent les voitures et se ruent sur celles qui s'arrêtent, dans l'espoir de se faire embaucher à la journée pour un chantier providentiel.

Beaucoup d'entre eux, venus du Niger, du Soudan ou de l'Erythrée, ont fui leurs pays minés par les conflits, la pauvreté et la corruption pour tenter la dangereuse traversée de la Méditerranée sur des embarcations pneumatiques depuis la Libye, plaque tournante de l'immigration clandestine sur le chemin de l'Europe.

Interceptés par les garde-côtes et ramenés dans ce pays plongé dans le chaos depuis une décennie, ils sont les nouveaux acteurs d'un marché du travail informel.

"Je suis venu il y a six ans pour partir en Europe", lance Mokhtar Mohamed, Soudanais de 27 ans originaire du Darfour, région ravagée par la guerre. Il s'est installé sous un pont de la capitale.

"J'ai tenté la traversée en 2016 mais notre bateau a été intercepté et j'ai été placé dans un centre de détention" en banlieue de Tripoli, se souvient-il.

"Rescapé"

Il y reste enfermé dans des "conditions très difficiles" jusqu'en juillet 2019, quand une frappe aérienne y fait des dizaines de morts. La capitale est ciblée par une offensive de Khalifa Haftar, l'homme fort de l'Est, qui disputait le pouvoir aux autorités reconnues par la communauté internationale.

"Je suis un rescapé", murmure Mokhtar, brandissant sa carte de réfugié du Haut-Commissariat pour les réfugiés, qui l'a "sorti du centre". "Depuis je travaille sous le pont comme déménageur", explique-t-il.

Mais le travail manque, encore plus en ces temps de pandémie. Alors plusieurs journaliers restent sur le carreau.

"Les bons jours, on peut gagner 100 dinars (18 euros), mais il nous arrive d'enchaîner des jours sans revenu", égrène-t-il, quelque peu désabusé.

Avant de rejoindre Tripoli, il a "traversé le Sahara à pied, ça a pris une semaine pour arriver du Darfour aux frontières libyennes". Il occupe aujourd'hui une "chambre minuscule" dans un appartement partagé avec des compagnons de route et il "espère toujours partir" un jour.

Derrière lui, une dizaine d'hommes patientent: "Il n'y a pas beaucoup de boulot. Le Covid n'a pas aidé", souffle Brahim, 39 ans, peintre et maçon originaire du Niger.

Les garde-côtes ont avorté les "trois tentatives" de traversée de cet artisan, qui a payé des passeurs pour gagner l'Italie, à 300 km au nord.

"J'ai perdu 9.000 dollars gagnés à la sueur de mon front", se lamente-t-il.

"Trafiquants"

Les départs clandestins vers l'Europe ont commencé sous Mouammar Kadhafi, qui a régné sur la Libye pendant 42 ans jusqu'en 2011.

Le "Guide" n'hésitait pas à faire pression sur les pays européens, leur réclamant des compensations financières pour endiguer les flux migratoires.

En ouvrant ses portes à de nombreux migrants dans un élan de panafricanisme calculé, le riche pays pétrolier d'à peine sept millions d'habitants était aussi devenu une destination finale.

Cette migration a été bouleversée par le chaos post-révolution, qui a favorisé l'émergence du trafic d'êtres humains et la multiplication des traversées clandestines.

Dans cette nouvelle donne, "ceux qui travaillent dans la précarité sont aussi à la merci des trafiquants", alerte Michaël Neuman, directeur d'études au centre de réflexion de Médecins sans frontières.

Avec la fin des combats à l'été 2020 et l'installation en mars d'un gouvernement d'unité, la Libye peut-elle redevenir une destination finale?

"La Libye de Kadhafi était très ouverte à la migration, notamment subsaharienne, qu'elle encourageait. Elle pourrait l'être de nouveau, encore faut-il qu'elle s'en donne la possibilité et les moyens", souligne M. Neuman, qui a documenté en 2020 "les exécrables conditions de vie qui prévalent dans les centres de détention".

Brahim est disposé à s'installer durablement en Libye, "s'il y a du boulot et si la situation s'améliore". Car, insiste-t-il, "quand on immigre, c'est principalement pour trouver du travail".

 


Israël: des élus favorables à une loi instaurant la peine de mort pour les «terroristes»

 La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
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  • Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative
  • La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture

JERUSALEM: La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir.

La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture.

Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative.

Dans une note explicative de la commission, il est indiqué que "son objectif est de couper le terrorisme à sa racine et de créer une forte dissuasion".

Le texte propose qu'un "terroriste reconnu coupable de meurtre motivé par le racisme ou la haine (...) soit condamné à la peine de mort - de manière obligatoire", ajoutant que cette peine serait "non optionnelle".

La proposition de loi a été présentée par une élue du parti Otzma Yehudit (Force Juive) d'Itamar Ben Gvir.

Ce dernier a menacé de cesser de voter avec la coalition de droite de Benjamin Netanyahu si ce projet de loi n'était pas soumis à un vote parlementaire d'ici le 9 novembre.

"Tout terroriste qui se prépare à commettre un meurtre doit savoir qu'il n'y a qu'une seule punition: la peine de mort", a dit le ministre lundi dans un communiqué.

M. Ben Gvir avait publié vendredi une vidéo de lui-même debout devant une rangée de prisonniers palestiniens allongés face contre terre, les mains attachées dans le dos, dans laquelle il a appelé à la peine de mort.

Dans un communiqué, le Hamas a réagi lundi soir en affirmant que l'initiative de la commission "incarne le visage fasciste hideux de l'occupation sioniste illégitime et constitue une violation flagrante du droit international".

"Nous appelons les Nations unies, la communauté internationale et les organisations pertinentes des droits de l'Homme et humanitaires à prendre des mesures immédiates pour arrêter ce crime brutal", a ajouté le mouvement islamiste palestinien.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères et des expatriés, basé à Ramallah, a également dénoncé cette décision, la qualifiant de "nouvelle forme d'extrémisme israélien croissant et de criminalité contre le peuple palestinien".

"C'est une étape dangereuse visant à poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique sous le couvert de la légitimité", a ajouté le ministère.


Frappes israéliennes sur le sud du Liban: deux morts 

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
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  • Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé
  • Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani

BEYROUTH: Des frappes israéliennes sur le sud du Liban ont tué lundi deux personnes et blessé sept autres, a indiqué le ministère libanais de la Santé, au lendemain de la menace d'Israël d'intensifier ses attaques contre le Hezbollah pro-iranien.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024, Israël continue de mener des attaques régulières contre les bastions du Hezbollah. Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé dimanche le Hezbollah de tenter de se "réarmer".

Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé.

Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani.

Sur place, un photographe de l'AFP a vu des pompiers tenter d'éteindre l'incendie de la voiture visée qui s'est propagé à d'autres véhicules à proximité. Des ouvriers ramassaient les bris de verre des devantures de commerces endommagées, a-t-il également constaté.

Une autre frappe sur un village de la région de Bint Jbeil a fait un mort, selon le ministère de la Santé.

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah.

Des centaines de personnes ont participé à leurs funérailles dimanche dans la ville de Nabatiyé, scandant "Mort à Israël".

Le Hezbollah a été fortement affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth, mais il demeure financièrement résilient et armé.

Les États-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe, ce que le Hezbollah refuse.

"Nous attendons du gouvernement libanais qu'il fasse ce qu'il s'est engagé à faire, c'est-à-dire désarmer le Hezbollah, mais il est clair que nous exercerons notre droit à l'autodéfense comme convenu dans les termes du cessez-le-feu", avait averti le Premier ministre israélien dimanche.


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.