En Syrie, un scrutin pour prêter «allégeance» au clan Assad après 50 ans de pouvoir

Propulsé au pouvoir en 2000 pour remplacer son père Hafez, décédé après 30 années de règne sans partage, M. Assad a décrété avant le scrutin une amnistie pour des milliers de prisonniers. (Photo, AFP)
Propulsé au pouvoir en 2000 pour remplacer son père Hafez, décédé après 30 années de règne sans partage, M. Assad a décrété avant le scrutin une amnistie pour des milliers de prisonniers. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Lundi 24 mai 2021

En Syrie, un scrutin pour prêter «allégeance» au clan Assad après 50 ans de pouvoir

  • La loi électorale impose aux candidats d'avoir vécu en Syrie dix ans de suite avant le scrutin, ce qui exclut de facto les figures de l'opposition en exil, très affaiblies
  • Un récent rapport de l'ONG World Vision évalue à plus de 1 200 milliards de dollars (un peu plus de 1 000 milliards d'euros) le coût économique de la guerre.

BEYROUTH: La présidentielle organisée mercredi en Syrie doit consacrer un demi-siècle de pouvoir du clan Assad en offrant un quatrième mandat à Bachar al-Assad, qui se veut l'homme de la reconstruction dans un pays en faillite après 10 ans d'une guerre civile dévastatrice.

"Mise en scène", élection "ni libre ni juste": les Occidentaux ont par avance dénoncé cette présidentielle, la deuxième depuis le début du conflit en 2011. L'opposition a parlé de "mascarade".

Quoiqu'il en soit, Bachar al-Assad, 55 ans, a pu inverser le cours de la guerre avec l'aide de ses alliés -Russie, Iran et Hezbollah libanais-, enchaînant à partir de 2015 les victoires et reprenant les deux-tiers du territoire, au prix d'un bilan très lourd.

"L'espoir par le travail", tel est pourtant le slogan choisi par M. Assad pour sa campagne électorale, dans un pays à l'économie en lambeaux et aux infrastructures ravagées par le conflit, qui a fait plus de 388 000 morts et poussé à l'exil des millions de Syriens.

"Les Syriens vont voter pour prêter allégeance à Bachar al-Assad et au système", résume l'analyste Fabrice Balanche, de l'Université Lumière Lyon 2. "Bachar al-Assad montre que les institutions fonctionnent à travers la tenue régulière des élections."

Celle de mercredi lui offrira un mandat de sept ans et se déroulera dans les régions sous contrôle de son armée.

A Damas, ses portraits ont envahi les places. Il y a aussi, plus discrets, ceux des deux autres candidats -l'ex-ministre Abdallah Salloum Abdallah et Mahmoud Mareï, membre de l'opposition tolérée par le pouvoir. Des faire-valoir, accusent les détracteurs.

La loi électorale impose aux candidats d'avoir vécu en Syrie dix ans de suite avant le scrutin, ce qui exclut de facto les figures de l'opposition en exil, très affaiblies.

La Syrie, gouvernée depuis 50 ans par la famille Assad

La Syrie, où Bachar al-Assad devrait remporter un 4e mandat lors de la présidentielle mercredi, est gouvernée d'une main de fer depuis cinq décennies par la dynastie des Assad, père et fils.

Hafez au pouvoir

Le 16 novembre 1970, le général Hafez al-Assad, ministre de la Défense, prend le pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat qui élimine l'aile "civile" du pouvoir représentée par Salah Jedid, secrétaire général adjoint du parti Baas, au pouvoir depuis 1963, et homme fort derrière le président Noureddine Atassi. 

Baptisé "Mouvement de redressement", ce coup de force se déroule sans effusion de sang.

Le 12 mars 1971, Hafez al-Assad se fait élire par référendum, devenant le premier président syrien de la communauté alaouite minoritaire (10% de la population), alors que la majorité est sunnite.

Guerre contre Israël 

Le 6 octobre 1973, l'Egypte et la Syrie déclenchent une offensive contre Israël, à l'ouest le long du canal de Suez et à l'est sur le plateau du Golan, pour l'obliger à restituer les territoires conquis lors de la guerre de juin 1967.

Après des revers, l'armée israélienne reprend le dessus au prix de pertes sévères.

Un accord sur le désengagement des forces dans le Golan est signé en 1974.

Intervention au Liban 

En juin 1974, le président américain Richard Nixon annonce à Damas le rétablissement des relations diplomatiques, rompues depuis 1967.

Deux ans plus tard, les troupes syriennes entrent au Liban, avec le feu vert américain, pour secourir les milices chrétiennes au bord de l'effondrement face aux forces islamo-progressistes soutenues par les combattants palestiniens.

A partir de mai 1977, les soldats syriens, qui avaient pris le contrôle du pays, à l'exception de la zone frontalière avec Israël, se heurtent aux formations chrétiennes qui contestent leur présence.

La Syrie va exercer 30 ans de domination militaire et politique sur le Liban, d'où elle retirera ses troupes en 2005, sous la pression internationale, après l’assassinat du dirigeant libanais Rafic Hariri.

Impitoyable 

En 1979, après un attentat contre l'Académie militaire d'Alep (nord), qui tue 80 cadets, tous alaouites, le régime syrien sévit contre les Frères musulmans, un mouvement sunnite islamiste accusé d'avoir commis l'attentat.

En février 1982, l'armée réprime à Hama (centre) une insurrection d'islamistes. Les émeutes et les opérations militaires menées pendant environ un mois par un corps d'élite dirigé par le frère d'Assad, Rifaat, font entre 10 000 et 40 000 morts, selon les sources.

Rapprochement avec l'Occident 

En 1990-1991, la Syrie resserre les liens avec Washington, après l'effondrement de l'URSS avec laquelle elle était liée par "un traité d'amitié et de coopération".

Damas se rallie aux forces de la coalition dirigée par Washington contre l'Irakien Saddam Hussein, rival traditionnel de M. Assad, après son invasion du Koweït.

Bachar au pouvoir 

Le 10 juin, le Parlement modifie un article de la Constitution pour abaisser de 40 à 34 ans l'âge minimum requis pour la magistrature suprême, un amendement taillé sur mesure pour Bachar al-Assad, né en 1965.

Le 17 juillet 2000, Bachar al-Assad prête serment devant le Parlement. Candidat unique, il a été désigné président à l'issue d'un plébiscite (97%) organisé un mois après le décès de son père Hafez.

«Printemps de Damas»

Fin septembre 2000, une centaine d'intellectuels et d'artistes appellent les autorités à "amnistier" les prisonniers politiques et à lever l'état d'urgence en vigueur depuis 1963.

Une ouverture est amorcée avec une période de relative liberté d'expression. L'arrestation en 2001 d'opposants met un terme à ce bref "Printemps de Damas".

Guerre civile 

Le 15 mars 2011, une révolte populaire avec des manifestations pacifiques éclate en Syrie, dans le sillage du Printemps arabe. Elle est brutalement réprimée par le régime, avant de se transformer en guerre civile.

Dans les années suivantes, le conflit va se complexifier avec l'implication de puissances régionales et internationales ainsi que des milices étrangères et des groupes jihadistes.

Soutenu militairement par Moscou et Téhéran, le régime enchaîne les victoires jusqu'à reconquérir près des deux tiers du territoire.

La guerre a fait plus de 388 000 morts, déplacé ou poussé à l'exil plus de 12 millions de personnes (plus de la moitié de la population) et dévasté le pays.

Paria

Propulsé au pouvoir en 2000 pour remplacer son père Hafez, décédé après 30 années de règne sans partage, M. Assad a décrété avant le scrutin une amnistie pour des milliers de prisonniers.

Sa vidéo de campagne débute elle avec des images d'explosions, d'habitants fuyant des quartiers dévastés, avant d'enchaîner sur une rhétorique de reconstruction: un instituteur qui rebouche un trou d'obus dans sa classe, un agriculteur dans son champ, une scierie qui reprend du service.

Mais concrètement, quelle reconstruction possible en étant un paria international et quelle marge de manoeuvre?

M. Assad en personne est la cible de sanctions internationales et le pays aussi. Et les besoins sont titanesques, dans un pays en faillite économique avec une dépréciation historique de la monnaie nationale et plus de 80% de la population dans la pauvreté selon l'ONU.

Un récent rapport de l'ONG World Vision évalue à plus de 1 200 milliards de dollars (un peu plus de 1 000 milliards d'euros) le coût économique de la guerre.

"La campagne de Bachar met l'emphase sur son rôle d'homme qui a gagné la guerre, qui a de grandes idées pour la reconstruction, le seul capable d'instaurer l'ordre après le chaos", explique Nicholas Heras, expert du Newlines Institute à Washington.

Au début du conflit, déclenché par la répression de manifestations prodémocratie ayant catalysé l'émergence d'une rébellion armée, l'emprise territoriale du régime ne tenait qu'à un fil. Mais l'intervention militaire russe lui a permis de reprendre le dessus.

Attirer les bailleurs 

Désormais, l'objectif selon M. Heras est d'attirer "de potentiels bailleurs de fonds". Des pays riches du Golfe ont acté un rapprochement après une longue rupture diplomatique.

Et reste à savoir si les Occidentaux changeront de positionnement face à un régime inamovible accusé aussi de torpiller les pourparlers politiques avec l'opposition.

En organisant la présidentielle, le pouvoir a ignoré le comité constitutionnel réunissant ses représentants et ceux de l'opposition et de la société civile. Cette institution devait préparer une nouvelle loi fondamentale pour ouvrir la voie à des élections inclusives mais le processus a déraillé.

Pour l'expert Samuel Ramani, l'élection constitue "un revers majeur pour le processus constitutionnel". "Cela rappelle à la communauté internationale, y compris la Russie et l'Iran, à quel point un règlement (du conflit) est difficile."

Dans ce pays morcelé, les territoires autonomes kurdes du nord-est vont ignorer le scrutin et le dernier grand bastion jihadiste et rebelle d'Idleb (nord-ouest) n'est pas concerné.

En 2014, M. Assad avait obtenu plus de 88% des voix selon les résultats officiels.

Avec le scrutin de 2021, les prorégime attendent un retour sur investissement.

"Ce sont ses soutiens les plus proches, ceux qui ont dû consentir le plus de sacrifices", qui vont réclamer une nouvelle orientation pour le pays, estime un diplomate européen.

"La question du jour d'après, du projet susceptible de rassembler les Syriens, va se poser brutalement". Mais "sans réformes et sans ouverture du régime, il n'a aucune réponse à leur donner".


Israël rejette une enquête de l'ONU l'accusant de «génocide» à Gaza

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien. (AFP)
Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien. (AFP)
Short Url
  • "Israël rejette catégoriquement ce rapport biaisé et mensonger et appelle à la dissolution immédiate de cette commission d'enquête", a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué
  • Une commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU a accusé mardi Israël de commettre un "génocide" à Gaza depuis octobre 2023 avec l'intention de "détruire" les Palestiniens

JERUSALEM: Israël a "rejeté catégoriquement" mardi le rapport d'une commission d'enquête internationale indépendante des Nations unies qui l'accuse de commettre un "génocide" dans la bande de Gaza depuis octobre 2023.

"Israël rejette catégoriquement ce rapport biaisé et mensonger et appelle à la dissolution immédiate de cette commission d'enquête", a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

Une commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU a accusé mardi Israël de commettre un "génocide" à Gaza depuis octobre 2023 avec l'intention de "détruire" les Palestiniens, mettant en cause le Premier ministre Benjamin Netanyahu et d'autres responsables israéliens.

En riposte à une attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, Israël a lancé une offensive dans la bande de Gaza qui a fait des dizaines de milliers de morts et détruit une grande partie du territoire palestinien, où le mouvement islamiste palestinien a pris le pouvoir en 2007.

La commission, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU et est vivement critiquée par Israël, est arrivée "à la conclusion qu'un génocide se produit à Gaza et continue de (s'y) produire", a déclaré à l'AFP sa présidente, Navi Pillay.

Elle a conclu que les autorités et les forces de sécurité israéliennes avaient commis "quatre des cinq actes génocidaires" définis par la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime du génocide.

A savoir: "meurtre de membres du groupe; atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; et mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe".

Cette commission a conclu que le président israélien, Isaac Herzog, Benjamin Netanyahu et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, avaient "incité à commettre un génocide et que les autorités israéliennes (n'avaient) pas pris de mesures" pour les en empêcher.

Le ministère des Affaires étrangères israélien a accusé les auteurs du rapport de "servir de relais au Hamas", affirmant qu'ils étaient "connus pour leurs positions ouvertement antisémites — et dont les déclarations horribles à l'égard des Juifs ont été condamnées dans le monde entier."

L'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien.

L'ONU y a déclaré la famine, ce qu'Israël dément.


«Gaza brûle», déclare le ministre israélien de la Défense après des frappes intenses

Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza. (AFP)
Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza. (AFP)
Short Url
  • "Gaza brûle. Tsahal frappe d'une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de Tsahal se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas"
  • "Nous ne céderons pas et ne reculerons pas jusqu'à ce que la mission soit achevée"

JERUSALEM: Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza.

"Gaza brûle. Tsahal frappe d'une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de Tsahal se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas", a déclaré M. Katz sur X.

"Nous ne céderons pas et ne reculerons pas jusqu'à ce que la mission soit achevée", a-t-il ajouté.

 


Le Qatar est le seul pays capable d'être un médiateur concernant Gaza, souligne Rubio

Short Url
  • Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a estimé mardi que le Qatar était le seul pays capable de jouer le rôle de médiateur pour Gaza
  • "Evidemment, ils doivent décider s'ils veulent le faire après la semaine dernière ou non, mais nous voulons qu'ils sachent que, s'il existe un pays dans le monde qui pourrait aider à mettre fin à cela par une négociation, c'est le Qatar"

TEL-AVIV: Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a estimé mardi que le Qatar était le seul pays capable de jouer le rôle de médiateur pour Gaza, malgré une frappe israélienne ciblant des dirigeants du Hamas dans l'émirat.

"Evidemment, ils doivent décider s'ils veulent le faire après la semaine dernière ou non, mais nous voulons qu'ils sachent que, s'il existe un pays dans le monde qui pourrait aider à mettre fin à cela par une négociation, c'est le Qatar," a déclaré M. Rubio aux journalistes alors qu'il se rendait à Doha depuis Israël.