Raïssi en solitaire dans la course pour la prochaine présidentielle iranienne

Une affiche du candidat à la présidence, Ebrahim Raïssi, dans un siège de campagne à Téhéran, Iran, le 8 juin 2021. (Reuters)
Une affiche du candidat à la présidence, Ebrahim Raïssi, dans un siège de campagne à Téhéran, Iran, le 8 juin 2021. (Reuters)
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Publié le Samedi 12 juin 2021

Raïssi en solitaire dans la course pour la prochaine présidentielle iranienne

Raïssi en solitaire dans la course pour la prochaine présidentielle iranienne
  • En raison de toutes les restrictions imposées par le Conseil des gardiens, sur les 592 personnes inscrites pour se présenter comme candidats à présidentielle, seules 7 personnes ont été approuvées
  • En un mot, le régime iranien a disqualifié toute personne susceptible de compromettre les chances de M. Raïssi de remporter l’élection

L'élection présidentielle iranienne aura lieu la semaine prochaine et le régime semble déterminé à faire d'Ebrahim Raïssi le prochain président. Le régime applique les leçons tirées du vote précédent afin d’assurer la victoire de M. Raïssi.

L'establishment théocratique espérait qu’Ebrahim Raïssi gagnerait les élections de 2017. Le Conseil des gardiens avait toutefois approuvé certains modérés, comme l’ex-président Hassan Rohani, pour se présenter également à la présidence. Du point de vue du régime, les gens étaient moins susceptibles de voter pour M. Rohani pour un second mandat en raison de la mauvaise gestion de l'économie par son administration, ainsi que de son échec à tenir ses promesses électorales d'améliorer les libertés sociales, politiques et religieuses des gens.

Néanmoins, ce que le régime iranien n'a pas réalisé, c'est que, pour de nombreux Iraniens ordinaires, les élections de 2017 étaient un choix entre le mauvais et le pire. Ils ont donc voté pour le soi-disant modéré Rohani afin d’empêcher le radical Raïssi de gagner. M. Rohani l’a en effet remporté avec 57 % des suffrages exprimés contre 38,5 % pour M Raïssi.

Le Conseil des gardiens, un organe non élu composé de 12 membres nommés directement ou indirectement par le Guide suprême, Ali Khamenei, a appris cette fois que la qualification de modérés ou de réformistes de premier plan éliminerait les chances d’Ebrahim Raïssi de remporter la présidence. Le Conseil a donc orchestré un plan afin d’assurer la disqualification des rivaux potentiels de M. Raïssi.

Ce plan a commencé par introduire des restrictions. Dans un premier temps, le Conseil des gardiens a annoncé que «tous les candidats doivent avoir entre 40 et 70 ans, détenir au moins une maîtrise ou son équivalent, avoir une expérience professionnelle d'au moins quatre ans dans des postes de direction… et n'avoir aucun casier judiciaire».

Or, non seulement Ebrahim Raïssi n’est pas titulaire d’une maîtrise d'université, mais il n'a même pas achevé son cursus scolaire. Mohsen Mehralizadeh, un homme politique iranien titulaire d'un doctorat en gestion financière, a souligné le manque d'éducation formelle de M. Raïssi lors d'un débat télévisé pour la présidentielle cette semaine. Il a déclaré: «Vous n'avez que six années d'enseignement classique et, tout en respectant vos études de séminaire, je dois dire qu'on ne peut pas gérer l'économie et faire des plans pour le pays avec un si faible niveau d'éducation.»

Mais le Conseil des gardiens a validé la candidature de M. Raïssi à la présidence en déclarant que ses études au séminaire étaient équivalentes à une maîtrise. Le Conseil a également annoncé par la suite qu'il pourrait disqualifier des candidats, même après les avoir initialement autorisés à se présenter à la présidence. Une précision très probablement annoncée afin d’empêcher d'autres candidats qualifiés de critiquer trop sévèrement Ebrahim Raïssi.

Plus surprenant encore, le Conseil des gardiens a même disqualifié certains des principaux initiés du régime afin d’éliminer tous les obstacles qui pourraient empêcher M. Raïssi de devenir président. Un exemple frappant est celui d’Ali Larijani.

Deuxième fils du grand ayatollah, Haj Mirza Hashem Amoli, et gendre de l'ayatollah, Morteza Motahhari, Ali Larijani est né à Najaf, en Irak. Ses parents sont des Iraniens de Behshahr dans la province septentrionale de Mazandéran. M. Larijani, né dans une famille religieuse, est impliqué dans la sécurité et les institutions politiques iraniennes depuis le début du régime. Il a étudié les mathématiques et l'ingénierie informatique à l'université Sharif, a obtenu un doctorat en philosophie occidentale de l'université de Téhéran et il est diplômé de l'école Haqqani, l'école de pensée chiite, à Qom.

Ali Larijani a rejoint le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) avant de devenir commandant. Il a ensuite occupé plusieurs postes importants: secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale; chef de la radiodiffusion de la République islamique d'Iran; président du Parlement, vice-ministre des Technologies de l'information et de la Communication; vice-ministre du Travail et ministre de la Culture et de l'Orientation islamique. 

Il s’agit donc d’un allié solide et loyal d’Ali Khamenei et d’un des politiciens les plus importants du pays. Bien que certains affirment que M. Larijani est passé d'une ligne dure à une position modérée, on pense qu'il n'a fait qu’appliquer les décisions du Guide suprême.

 

Le Conseil des gardiens a orchestré un plan visant à garantir la disqualification des rivaux potentiels de M. Raïssi.

 

Dr Majid Rafizadeh

Le vice-président de Hassan Rohani, Eshaq Jahangiri, une autre personnalité qui aurait pu constituer une menace pour la présidence d’Ebrahim Raïssi, a également été disqualifié. Il est ridicule que M. Jahangiri soit éligible pour servir en tant que vice-président actuel du régime, mais ne soit pas éligible pour briguer la présidence.

En raison de toutes les restrictions imposées par le Conseil des gardiens, sur les 592 personnes inscrites pour se présenter comme candidats à la 13e élection présidentielle iranienne, seules 7 personnes ont été approuvées par le Conseil non élu. 

En un mot, le régime iranien a disqualifié toute personne susceptible de compromettre les chances de M. Raïssi de remporter l’élection. Une élection sous forme de course en solitaire.



 

Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter : @Dr_Rafizadeh

 

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