Toujours la même rengaine, à la tête du pouvoir en Iran

Ali Larijani (en haut à gauche), Eshagh Jahangiri (en bas à gauche) et Ebrahim Raïssi (à droite). (Archives/AFP)
Ali Larijani (en haut à gauche), Eshagh Jahangiri (en bas à gauche) et Ebrahim Raïssi (à droite). (Archives/AFP)
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Publié le Jeudi 27 mai 2021

Toujours la même rengaine, à la tête du pouvoir en Iran

Toujours la même rengaine, à la tête du pouvoir en Iran
  • Jahangiri, Raïssi et Larijani, qui se sont déjà présentés à la présidentielle, sont censés être les principaux candidats
  • Mais l’élection se résumera probablement à une course entre Raïssi et Larijani, tous deux fidèles et confidents de Khamenei

Un nouveau président prendra la relève en Iran à partir du mois prochain. En effet, la Constitution iranienne interdit au président sortant, Hassan Rohani, de se présenter pour un troisième mandat aux élections prévues le 18 juin.

En tout, 592 personnes se sont inscrites pour la 13e élection présidentielle du pays, et la plupart d’entre elles sont peu connues dans le paysage politique de l’Iran. Cependant, les nouvelles dispositions du Conseil des gardiens de la Constitution interdiront à plus de 90% des personnes inscrites de briguer la présidence.

Ce Conseil, un organe non élu qui approuve les candidatures, stipule que «tout candidat doit être âgé de 40 à 70 ans, détenir au moins une maîtrise ou son équivalent, posséder une expérience professionnelle d’au moins quatre ans à des postes de direction… et présenter un casier judiciaire vierge», selon Press TV, la chaîne publique iranienne. Par ailleurs, le Conseil a fait savoir que le nombre de candidats qu’il passera en revue ne dépassera pas les 40 noms.

Il est probable que le Conseil des gardiens autorisera les personnes suivantes à se présenter aux élections: Saïd Jalili, ancien secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale et négociateur nucléaire auprès du régime; Mohsen Rezaï, secrétaire du Conseil de discernement de l’intérêt supérieur du régime et officier supérieur; l’ancien ministre de la Défense Hossein Dehghan; Mohammed Shariatmadari, actuel ministre des Coopératives, du Travail et de la Sécurité sociale; le président de la Cour suprême Ebrahim Raïssi; Ali Larijani, ancien officier du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) et ancien président du Parlement; et le vice-président de Rohani, Eshagh Jahangiri.

 

Dans un deuxième temps, les candidats à la présidence participeront à des débats diffusés par les médias étatiques. Mais ne vous attendez pas à des débats enflammés, émaillés d’opinions divergentes ou d’attaques verbales, à l’instar des campagnes électorales précédentes. Cela tient en partie à la faculté du Conseil des gardiens de disqualifier les candidats même s’il les a autorisés auparavant à se présenter à l’élection présidentielle. Cette réalité incitera sans doute les candidats à faire preuve d’une plus grande prudence durant la campagne, notamment lorsqu’il s’agit de critiquer le système.

De toutes les personnes précitées, Jahangiri, Raïssi et Larijani sont censés être les principaux candidats. Tous les trois se sont présentés auparavant à la présidence et bénéficient d’assises populaires distinctes.

M. Larijani cherche à se positionner comme un candidat comparable à feu Akbar Hashemi Rafsandjani. Il souhaite séduire la base électorale de Rafsandjani, mais aussi les modérés en privilégiant l’économie et en se montrant pragmatique. Dans son programme en 10 points, il énonce que «la politique étrangère doit avoir pour objectif principal de rendre les relations extérieures plus aisées de manière à faire progresser l’économie du pays».

 

Jahangiri, Raïssi et Larijani se sont présentés auparavant à la présidence et ils touchent des bases distinctes en Iran.

Dr Majid Rafizadeh

 

M. Jahangiri, pour sa part, est un «réformateur» au sein de l’échiquier politique iranien. Il plaira à la fois aux modérés et aux réformateurs. Il a occasionnellement émis des critiques virulentes à l’encontre des partisans de la ligne dure. Au cours de la dernière campagne électorale présidentielle, il a fait remarquer: «Il existe un mouvement dit réformiste et vous lui avez ôté tous ses droits et vous dites à présent qu’il n’a même pas le droit d’avoir un candidat». Par ailleurs, il a sévèrement critiqué l’administration de l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad, à la ligne dure, en déclarant: «Ils ont enfermé les citoyens chez eux. Ils ont emporté 700 milliards de dollars qu’ils ont dépensés, et n’ont laissé que le chômage.»

Âgé à l’époque d’une vingtaine d’années, il a été un militant politique durant la révolution de 1979. Il a plus tard étudié la gestion de l’industrie avant de devenir gouverneur de la province d’Ispahan. Durant le mandat du président réformateur Mohammed Khat ami, Jahangiri a occupé le poste de ministre des Industries et des Mines de 1997 à 2005. Sous Rohani, il a occupé le poste de premier vice-président.

De toute évidence, Jahangiri n’est pas le candidat préféré du guide suprême ou des Gardiens de la révolution islamique. Une fois, l’ayatollah Ali Khamenei l’a implicitement accusé d’être responsable de la crise monétaire iranienne lorsqu’il a déclaré: «La plupart des gens en veulent à la personne qui a touché de l’argent, que ce soit sous forme de devises étrangères ou de pièces d’or. Pourtant, une grande partie de la responsabilité incombe à l’individu qui a versé ces devises étrangères ou ces pièces d’or de manière irréfléchie. Les récentes mesures prises par le pouvoir judiciaire visent en effet à s’attaquer à ceux qui sont à l’origine de ces problèmes et de la chute de la valeur de la monnaie nationale, que ce soit par des violations ou par une énorme erreur qu’ils ont commise.»

De surcroît, nombreux sont les jeunes qui refusent désormais de se laisser séduire par les réformateurs et par l’administration de Rohani, dans la mesure où le gouvernement a failli à ses promesses économiques. Ainsi, le pays connaît des records historiques en matière de chômage, d’inflation et de dévaluation de la monnaie. On voit également que les violations des droits de l’homme et la répression des manifestations se sont multipliées sous l’administration Rohani-Jahangiri.

Pour conclure, Raïssi est sans doute le candidat favori de Khamenei et éventuellement son successeur privilégié au poste de chef suprême. Il jouit en effet d’une importante base parmi les partisans de la ligne dure et les conservateurs. Raïssi a été nommé par Khamenei pour diriger le pouvoir judiciaire iranien.

Dans cette optique, l’élection présidentielle se résumera probablement à une course entre Raïssi et Larijani, tous deux fidèles et confidents de Khamenei.

• Le Dr Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard. Twitter: @Dr_Rafizadeh

Avertissement: les opinions exprimées par les rédacteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com