Irak-Syrie: Téhéran et Washington s'engagent-ils dans une nouvelle spirale de violence?

Des combattants du Hachd al-Chaabi en Irak ont été tués dans des frappes aériennes menées la veille par les Etats-Unis, a indiqué lundi cette influente coalition de paramilitaires pro-Iran, en menaçant de «venger (ses) martyrs» .
Des combattants du Hachd al-Chaabi en Irak ont été tués dans des frappes aériennes menées la veille par les Etats-Unis, a indiqué lundi cette influente coalition de paramilitaires pro-Iran, en menaçant de «venger (ses) martyrs» .
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Publié le Mercredi 30 juin 2021

Irak-Syrie: Téhéran et Washington s'engagent-ils dans une nouvelle spirale de violence?

  • Si Joe Biden a remplacé Donald Trump à la Maison Blanche, les Etats-Unis continuent d'ordonner des raids aériens contre les groupes pro-Iran
  • Les tensions irano-américaines vont-elles de nouveau exploser en Syrie et en Irak?

BAGDAD : L'Iran vient d'élire un président ultraconservateur. Si Joe Biden a remplacé Donald Trump à la Maison Blanche, les Etats-Unis continuent d'ordonner des raids aériens contre les groupes pro-Iran. Les tensions irano-américaines vont-elles de nouveau exploser en Syrie et en Irak?

Y a-t-il des précédents?

Fin décembre 2019, des raids américains tuent 25 combattants irakiens pro-iraniens. Peu après le Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires pro-Iran intégrée à l'Etat irakien, attaque l'ambassade américaine à Bagdad. Puis, le 3 janvier 2020, un drone américain pulvérise les voitures du général Qassem Soleimani, architecte de la stratégie iranienne au Moyen-Orient, et d'Abou Mehdi al-Mouhandis, numéro deux du Hachd, à leur sortie de l'aéroport de la capitale irakienne.

irak

Ces assassinats ont un temps fait craindre un conflit ouvert en Irak, pris en étau entre ses alliés ennemis, les Etats-Unis et l'Iran.

Les Américains répondaient alors à des tirs de roquettes devenus incessants sur leurs intérêts en Irak. Aujourd'hui, ils font face à des attaques plus sophistiquées et plus dommageables: des drones piégés visant leurs soldats jusqu'à l'aéroport d'Erbil, capitale du Kurdistan longtemps havre de paix.

Désormais, les groupes pro-Iran --des Houthis au Yémen aux factions à la frontière irako-syrienne-- ont unifié leurs techniques d'attaque et décidé de passer à l'étape supérieure avec des drones de fabrication iranienne que parfois les batteries antiaériennes américaines ne parviennent pas à neutraliser --à la différence des roquettes.

Qu'est-ce qui a changé?

Les cartes ont été rebattues avec les raids américains à la frontière syro-irakienne dans la nuit de dimanche à lundi puis les échanges de tirs d'artillerie entre combattants pro-Iran et Américains.

"L'administration Biden a changé de ligne rouge, elle ne répond plus à la mort d'un Américain mais désormais à toute escalade contre ses troupes, notamment avec des attaques sophistiquées de drones", explique à l'AFP Hamdi Malik, spécialiste des groupes armés irakiens.

Face à ce durcissement d'un président qu'ils pensaient moins agressif à leur égard que M. Trump, les groupes pro-Iran ont multiplié les rodomontades. Qaïs al-Khazali, un des leaders du Hachd irakien, prévenait mardi soir que l'affrontement entrait dans "une nouvelle étape".

"Nous vengerons le précieux sang de nos hommes par le sang des soldats d'occupation", les Américains, a-t-il lancé, "oeil pour oeil, dent pour dent".

Car, dans les rangs du Hachd, des éléments de plus en plus remuants réclament désormais haut et fort de s'en prendre directement aux "occupants".

Mardi, au beau milieu de funérailles de ses membres tués dans la nuit de dimanche à lundi, des combattants ont appelé leurs commandants à agir. Si Bagdad a officiellement dénoncé une "violation de (sa) souveraineté", pour eux, il faut passer aux actes. 

En face, le Premier ministre Moustafa al-Kazimi, longtemps passé pour le premier allié des Américains en Irak, est de plus en plus souvent forcé de s'effacer face au Hachd. Et, alors que les législatives d'octobre approchent, il semble mener une ouverture à l'Est, vers l'Iran.

S'il est bientôt attendu en visite officielle à Washington, il est aussi le premier dirigeant étranger à avoir été invité par le président iranien, Ebrahim Raïssi, le jour même de sa victoire à l'élection du 18 juin.

Qui a intérêt à une escalade?

Jusqu'ici, tous les acteurs essayent seulement de montrer leur force, de tracer des limites. Aucun d'eux n'a intérêt à faire exploser la région, assurent les experts, mais ils sont forcés de durcir leurs paroles et leurs actes pour redessiner les contours du rapport de force.

L'administration Biden a "mis du temps à répondre" aux deux sous-traitants américains tués en Irak depuis le début de l'année et aux drones piégés, mais désormais "Joe Biden peut aller vers l'escalade", assure un diplomate occidental à l'AFP.

Si Washington et Téhéran discutent indirectement autour du nucléaire iranien à Vienne, "il semble que Biden fait la distinction entre la table des négociations à Vienne et ces factions qui font pression pour faire pencher la balance de ces négociations en faveur de l'Iran", explique à l'AFP le politologue irakien Ihssane al-Chemmari.

Mais, conclut M. Malik, "si l'Iran encourage les milices irakiennes à poursuivre des attaques limitées contre les Américains, il ne veut pas d'une +vraie+ guerre".

Et les Américains encore moins, alors qu'ils se désengagent de plusieurs terrains et veulent encore réduire leurs troupes, notamment... en Irak.


Liban: deux morts dans une frappe israélienne à Baalbeck 

Israël mène régulièrement des attaques au Liban, affirmant cibler le Hezbollah, malgré un accord de cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à plus d'un an de conflit, dont deux mois de guerre ouverte, entre Israël et le mouvement libanais pro-iranien. (AFP)
Israël mène régulièrement des attaques au Liban, affirmant cibler le Hezbollah, malgré un accord de cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à plus d'un an de conflit, dont deux mois de guerre ouverte, entre Israël et le mouvement libanais pro-iranien. (AFP)
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  • L'agence nationale d'information ANI a rapporté que la frappe avait été menée par un "drone israélien" dans la ville millénaire qui abrite un ensemble de temples romains classés au patrimoine mondial de l'Unesco
  • Ni ANI ni le ministère n'ont fourni d'autres précisions sur ce raid ou sur l'identité des victimes

BEYROUTH: Au moins deux personnes ont été tuées mercredi dans une frappe israélienne contre une voiture dans la ville de Baalbeck, dans l'est du Liban, a indiqué le ministère libanais de la Santé.

L'agence nationale d'information ANI a rapporté que la frappe avait été menée par un "drone israélien" dans la ville millénaire qui abrite un ensemble de temples romains classés au patrimoine mondial de l'Unesco.

Ni ANI ni le ministère n'ont fourni d'autres précisions sur ce raid ou sur l'identité des victimes.

Israël mène régulièrement des attaques au Liban, affirmant cibler le Hezbollah, malgré un accord de cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à plus d'un an de conflit, dont deux mois de guerre ouverte, entre Israël et le mouvement libanais pro-iranien.

Sous pression américaine et craignant une intensification des frappes israéliennes, le gouvernement libanais a ordonné le mois dernier à l'armée d'élaborer un plan visant à désarmer le Hezbollah, sorti très affaibli par la guerre.

Selon Beyrouth, l'armée libanaise doit achever ce désarmement d'ici trois mois en ce qui concerne le sud du pays, proche de la frontière avec Israël.

 


Attaques israéliennes à Doha: le Qatar s'entretient avec la présidente de la CPI

L'émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, préside le sommet sur l'urgence arabo-islamique 2025 à Doha, au Qatar. (QNA/AFP)
L'émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, préside le sommet sur l'urgence arabo-islamique 2025 à Doha, au Qatar. (QNA/AFP)
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  • Le Qatar explore des recours légaux contre Israël après une frappe à Doha ayant tué plusieurs membres du Hamas et un agent de sécurité qatari
  • Bien que simple observateur à la CPI, Doha intensifie ses démarches diplomatiques et judiciaires pour demander des comptes à Israël

DOHA: Un haut représentant du Qatar a rencontré mercredi la présidente de la Cour pénale internationale (CPI) alors que Doha cherche à engager des poursuites contre Israël après des frappes sans précédent sur son territoire, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères qatari.

Mohammed Al-Khulaifi, qui a été chargé d'entreprendre d'éventuelles démarches légales après l'attaque israélienne, s'est entretenu avec la juge Tomoko Akane à La Haye, a indiqué le ministère.

Le pays du Golfe explore "toutes les voies juridiques et diplomatiques disponibles pour s'assurer que les responsables de l'attaque israélienne contre le Qatar rendent des comptes", a précisé jeudi auprès de l'AFP un responsable qatari, s'exprimant sous couvert d'anonymat en raison de la sensibilité des discussions.

Le Qatar, en tant qu'État observateur à la CPI, ne peut pas saisir directement la cour.

La frappe meurtrière menée la semaine dernière à Doha, visant des dirigeants du mouvement islamiste palestinien Hamas, a déclenché une vague de critiques à l'international, les Nations unies condamnant une "violation choquante du droit international". Elle a aussi valu à Israël une rare réprobation du président américain Donald Trump.

Israël et le Qatar, pays médiateur dans les négociations en vue d'une trêve à Gaza, sont tous deux alliés des États-Unis.

Le Hamas a affirmé que ses principaux dirigeants politiques, installés au Qatar avec l'aval de Washington depuis 2012, avaient survécu à l'attaque qui a tué cinq de ses membres, ainsi qu'un membre des forces de sécurité qataries.

À l'issue d'un sommet extraordinaire lundi à Doha, la Ligue arabe et l'Organisation de la coopération islamique ont appelé "tous les Etats (...) à revoir les relations diplomatiques et économiques avec Israël et à engager des poursuites à son encontre".

En 2024, la CPI a émis des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, pour crimes de guerre et de crimes contre l'humanité à Gaza.

L'offensive israélienne, qui a fait plus de 65.000 morts dans le territoire palestinien selon les chiffres du Hamas, fiables selon l'ONU, a été déclenchée par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste le 7 octobre 2023 sur le sol israélien.

La CPI a également émis des mandats d'arrêt contre l'ancien ministre israélien de la Défense Yoav Gallant et le commandant militaire du Hamas Mohammed Deif, tué depuis par Israël.


L'Arabie saoudite et le Pakistan signent un pacte de défense mutuelle

Le chef de l'armée pakistanaise, le maréchal Syed Asim Munir (à droite), le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (2e à droite), le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif (2e à gauche) et le ministre saoudien de la Défense photographiés après la signature d'un pacte de défense historique à Riyad, le 17 septembre 2025. (PMO)
Le chef de l'armée pakistanaise, le maréchal Syed Asim Munir (à droite), le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (2e à droite), le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif (2e à gauche) et le ministre saoudien de la Défense photographiés après la signature d'un pacte de défense historique à Riyad, le 17 septembre 2025. (PMO)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane reçoit le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif au palais d'Al-Yamamah à Riyad, mercredi. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane reçoit le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif au palais d'Al-Yamamah à Riyad, mercredi. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane reçoit le Premier ministre pakistanais Shehbaz Sharif au palais d'Al-Yamamah à Riyad, mercredi. (SPA)
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  • Le pacte marque une étape majeure dans le renforcement des liens sécuritaires et économiques entre deux alliés de longue date
  • L'accord de Riyad transforme des décennies de coopération militaire en un engagement sécuritaire contraignant

​​​​​ISLAMABAD : Le Pakistan et l’Arabie saoudite ont signé mercredi un « Accord stratégique de défense mutuelle », s’engageant à considérer toute agression contre l’un des deux pays comme une attaque contre les deux, renforçant ainsi la dissuasion conjointe et solidifiant des décennies de coopération militaire et sécuritaire.

Cet accord intervient moins de deux semaines après les frappes aériennes israéliennes à Doha visant des dirigeants du Hamas, un événement ayant intensifié les tensions régionales et souligné l’urgence pour les États du Golfe de renforcer leurs partenariats sécuritaires.

L'accord de Riyad marque également une volonté des deux gouvernements de formaliser leurs liens militaires de longue date en un engagement contraignant.

Le pacte a été signé lors de la visite officielle du Premier ministre Shehbaz Sharif à Riyad, où il a rencontré le prince héritier et Premier ministre Mohammed ben Salmane au palais Al-Yamamah. Accompagnés de ministres et responsables militaires de haut niveau, les deux dirigeants ont passé en revue ce que le bureau de Sharif a qualifié de relation « historique et stratégique » entre les deux nations, en discutant également des développements régionaux.

« L’accord stipule que toute agression contre l’un des deux pays sera considérée comme une agression contre les deux », a déclaré le communiqué conjoint.

Il décrit le pacte comme un reflet de l’engagement commun des deux gouvernements à renforcer la coopération en matière de défense et à œuvrer pour la sécurité et la paix dans la région et dans le monde.

Depuis des décennies, l’Arabie saoudite et le Pakistan entretiennent des liens étroits sur les plans politique, militaire et économique. Le Royaume accueille plus de 2,5 millions de ressortissants pakistanais — la plus grande communauté d’expatriés pakistanais — et a souvent soutenu financièrement Islamabad lors de crises économiques. La coopération en matière de défense a inclus des formations, des achats d’armes et des exercices militaires conjoints.

Le nouvel accord formalise cette coopération sous la forme d’un engagement de défense mutuelle, une étape qui, selon de nombreux analystes, place cette relation au même niveau que d’autres partenariats stratégiques dans la région.

Bien que le communiqué n’ait pas précisé les mécanismes de mise en œuvre, il a souligné que l’accord visait à développer les aspects de la coopération en matière de défense et à renforcer la dissuasion conjointe face à toute agression.

Cette visite intervient également alors que le Pakistan cherche à renforcer ses liens avec les États du Golfe, dans un contexte de défis économiques persistants.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.pk