Pour Tarek Mitri, le Liban trouvera son salut dans le non-alignement

Tarek Mitri en 2008, alors ministre des Affaires étrangères du Liban (Photo, Khaled DESOUKI/AFP).
Tarek Mitri en 2008, alors ministre des Affaires étrangères du Liban (Photo, Khaled DESOUKI/AFP).
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Publié le Mardi 01 septembre 2020

Pour Tarek Mitri, le Liban trouvera son salut dans le non-alignement

  • « Les Libanais ont compris que leur pays ne peut garder son unité, ne peut résoudre ses problèmes et ne peut prospérer que s’il s’éloigne de cette politique partisane au sein de la région »
  • « Les amis du Liban, qu’ils soient Arabes ou Occidentaux, nous disent que le redressement du pays, économiquement ou politiquement, passe par le non-alignement »

Cent ans après la proclamation du Grand Liban, le pays passe par la plus importante de ses crises. Edifié sur des bases confessionnelles héritées de l’Empire ottoman, le Liban devrait trouver une autre formule pour pouvoir se redresser. Dans un entretien avec Arab News, Tarek Mitri, académicien et ancien ministre libanais, estime que  « le non-alignement » sortira le Liban de l’impasse notant que le  discours sur la division du pays « n’est pas réaliste ». Il souligne que « le Grand Liban n’a pas été une belle promenade. Les pays qui ont connu de très grandes crises ont réussi, par le biais de changements politiques et de démocratisation, à tourner la page.  Cela n’est malheureusement pas le cas au Liban où on reproduit les mêmes conflits et les mêmes tensions parce que la classe politique vit de cela et doit son existence même aux tensions intercommunautaires ».  

Est-ce que le Grand Liban est il encore viable ?

« Tout dépend de ce qu’on entend par Grand Liban. Le pays dans ses frontières internationalement reconnues n’est pas menacé ; il ne sera pas divisé en 16 pays, il n’existe pas une chance non plus pour un retour au Mont-Liban. Le Liban ne sera pas amputé des régions qui lui ont été adjointes en 1920. Tout ce discours n’est pas réaliste. Le pays internationalement reconnu dans ses frontières actuelles n’est pas menacé. Cependant, ce qui est beaucoup plus problématique actuellement réside dans le fait que ce Grand Liban, de 1920 jusqu’à l’indépendance et malheureusement après l’indépendance, est  l’hériter de l’histoire ottomane ; c’était un arrangement pluricommunautaire. Nous avons créé un pays de communautés. Le Pacte national de 1943 (qui définit les confessions du chef de l’Etat, du Premier ministre et du Président de la Chambre), est un pacte entre les communautés, entre les musulmans et les chrétiens, les sunnites et les maronites. Ce pacte  devrait devenir un pacte citoyen, il faudrait que nous soyons unis comme citoyens et que l’avenir du pays ne soit pas toujours tributaire de l’équilibre ou du déséquilibre entre les communautés, fragilisant ainsi son unité. C’est là où réside la fragilité de ce Grand Liban et cela a marqué son histoire. La politique étrangère alignée sur tel pays ou tel autre est aussi tributaire de ce jeu intercommunautaire. Mais les changements sont toujours possibles.

 

Quels pourraient être ces changements ?

Actuellement, il faut œuvrer pour le non-alignement du Liban. Cela est difficile certes mais il existe actuellement une opinion publique probablement majoritaire au pays - qui va même plus loin que le non-alignement et la distanciation - qui est favorable à la neutralité du Liban ; le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, en est le champion, à travers un appel à la neutralité formelle sanctionnée par les Nations Unies et reconnue par les pays voisins. C’est peut-être un projet irréaliste. Mais qu’importe ? Ce qu’il a dit a suscité au sein de la population libanaise un certain intérêt et même un soutien et une approbation assez large qui suggèrent que les Libanais ont compris que leur pays ne peut garder son unité, ne peut résoudre ses problèmes et ne peut prospérer que s’il s’éloigne de cette politique partisane au sein de la région.

 

Avec les données du terrain actuellement, comment le Liban pourrait-il parvenir à un non-alignement ?

C’est une question de rapport de forces politiques au sein du pays. Il existe une majorité sociologique qui est en faveur de ce non alignement, elle n’est malheureusement pas encore une majorité politique ; la majorité politique actuelle n’est pas favorable. Mais quand la majorité sociologique deviendra une majorité politique, on pourra y arriver. Même si je suis sceptique, le mouvement de protestation (qui a commencé en octobre 2019) et le soulèvement des jeunes, la solidarité des Libanais au-delà des communautés religieuses nous donne de l’espoir. De plus, les amis du Liban, qu’ils soient Arabes ou Occidentaux, nous disent que le redressement du pays, économiquement ou politiquement, passe par ce non-alignement.

 

Quelle est la crise la plus importante de l’Histoire du Grand Liban ?

Il est difficile de faire des comparaisons, mais je pense que c’est la crise actuelle. Et ce n’est pas parce qu’elle est actuelle qu’elle est la plus difficile. La différence entre la crise actuelle et les précédentes réside dans le fait qu’elle  indique un effondrement total du pays, elle est économique, politique et sociologique. Si on la compare  avec les crises passées et la guerre civile, pendant tous ce temps, l’économie allait bien, les banques se portaient bien, malgré des fluctuations dans le taux de change de la livre libanaise. Le pays avait réussi à redresser très vite les déséquilibres de l’économie. Actuellement, il y a un effondrement total au niveau des systèmes économique et financier. La crise est plus aigue et plus générale  maintenant qu’elle ne l’a été durant ces dernières cent années.

Le Grand Liban n’a pas été une belle promenade. Les pays qui ont connu de très grandes crises ont réussi par le biais de changements politiques et de démocratisation à tourner la page.  Cela n’est malheureusement pas le cas au Liban où on reproduit les mêmes conflits et les mêmes tensions parce que la classe politique vit de cela et doit son existence même aux tensions intercommunautaires.   

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Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.