Une lueur d’espoir pour la lutte contre le changement climatique

La gestion des transitions énergétiques mondiales déclenchera sans doute une course pour sécuriser des millions de tonnes de minéraux dont dépendront les futures économies vertes. (Photo, AFP)
La gestion des transitions énergétiques mondiales déclenchera sans doute une course pour sécuriser des millions de tonnes de minéraux dont dépendront les futures économies vertes. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 06 juillet 2021

Une lueur d’espoir pour la lutte contre le changement climatique

Une lueur d’espoir pour la lutte contre le changement climatique
  • La voie pour atteindre des émissions nettes nulles exige une réduction d’environ 38% des émissions mondiales de dioxyde de carbone d’ici à 2030
  • Sans un soutien sans précédent des économies les plus riches du monde, l’action en faveur du climat demeurera une priorité lointaine

Cette année s’avère rapidement être le moment décisif pour une action rigoureuse et globale en faveur du climat. Il y a des lueurs d’espoir, et la série de sommets consacrés au climat est encourageante, si l’on fait abstraction de l’aversion notoire des pires pollueurs du monde à s’engager dans un programme encore plus audacieux. Pour l'instant, la réponse à la menace planétaire que représente le changement climatique est passée d’un débat inefficace à des engagements audacieux et à des actions significatives.

Au Moyen-Orient, elle a également apporté un nouveau souffle à la diversification économique  visant à réduire la dépendance aux combustibles fossiles. Dans le prolongement de ces réformes, il est probable que l’on assiste aussi à une redéfinition des contrats sociaux, longtemps retardée mais nécessaire, compte tenu du rôle accru de l’État, stimulé par la pandémie et l’aggravation des effets du changement climatique.

Cette volonté de prendre des mesures irréversibles pour lutter contre le changement climatique est complétée par une avalanche sans précédent de mesures incitatives et d’investissements de plusieurs milliards de dollars dans des secteurs-clés. Il s’agit de la démonstration la plus forte à ce jour de l’intention de la planète de réaliser les ambitions partagées déclarées pour la première fois à Paris et réaffirmées cette année.

D’après l’Agence internationale de l'énergie (AIE), il est possible de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C et d’atteindre des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles d’ici à 2050, mais cette voie est étroite et des mesures radicales doivent être prises d’ici à 2030. Cependant, plusieurs obstacles menacent le progrès. Ni la politique, ni la passion, ni l’argent ne peuvent, à eux seuls, passer outre ces limites et dicter le rythme des transitions énergétiques mondiales.

Par exemple, la voie pour atteindre des émissions nettes nulles exige une réduction d’environ 38% des émissions mondiales de dioxyde de carbone d’ici à 2030, ce qui ne sera possible qu’en développant rapidement la production d’énergies renouvelables et en faisant en sorte que les véhicules électriques représentent plus de la moitié des achats de véhicules neufs. De plus, le financement et les incitations pour la production d’énergies propres, qui atteignent déjà un niveau record, devront dépasser 4 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie.

Le chemin à parcourir est encore long. Trop souvent, l’accent est mis sur ce qui peut et doit être fait, plutôt que sur le comment. Par exemple, l’AIE propose de tripler les investissements dans les énergies propres partout dans le monde, mais le sous-investissement reste un problème majeur. Certes, certains gouvernements se sont engagés à augmenter le financement de la lutte contre le changement climatique, alors que le secteur financier mondial se désinvestit lentement de ses portefeuilles de billions de dollars dans le secteur des « énergies sales » au profit des énergies renouvelables. Toutefois, les nouveaux investissements dans les énergies propres font pâle figure par rapport aux flux de capitaux destinés au pétrole et au gaz en amont, même pendant la pandémie.

Malheureusement, sans un soutien sans précédent des économies les plus riches du monde, l’action en faveur du climat demeurera une priorité lointaine dans les régions accablées par des défis systémiques, tels que la pauvreté et l’accès limité aux soins de santé et à l’éducation.

Hafed Al-Ghwell

Le manque de capitaux adéquats n’est pas le seul problème. Une action climatique robuste est ralentie du côté de l’offre en raison d’une concurrence intense pour les matières premières, la disponibilité des terrains, les guerres d’enchères sur les permis, les infrastructures de transmission obsolètes, les préoccupations environnementales (en particulier dans le secteur minier) et les inquiétudes quant à la rentabilité de l’évolutivité. En ce qui concerne la demande, les consommateurs ont mis du temps à s’adapter, en dépit de l’intensification de l’activisme climatique, de la sensibilisation croissante du public et de l’apparition de nouvelles politiques, de mesures d’incitation et même de lois. Pour beaucoup, le changement climatique demeure une menace nébuleuse, en particulier dans les pays du nord, où les effets les plus graves ne sont pas aussi immédiatement visibles que les vagues de chaleur et les sécheresses dans les régions plus pauvres.

La gestion des transitions énergétiques mondiales déclenchera sans doute une course pour sécuriser des millions de tonnes de minéraux dont dépendront les futures économies vertes. L’une des leçons tirées de la pandémie est que l’autonomie et la stabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales constituent le fondement de la résilience économique et, par conséquent, de la capacité d’un pays à faire face aux futures menaces. Cependant, contrairement à l’infrastructure des combustibles fossiles, les chaînes d’approvisionnement pour l’aluminium, le cuivre, le lithium, le nickel, le cobalt et les éléments de terres rares utilisés dans les batteries, les éoliennes et les panneaux solaires sont géographiquement concentrées.

Cela pose un dilemme pour les pays cherchant à mettre en place des économies à faible émission de carbone qui dépendent de matières premières provenant de sources extérieures. La Chine représente plus de 95% de la production de métaux de terres rares, et 70% du cobalt mondial provient de la République démocratique du Congo, pays toujours instable. La Russie est le troisième plus grand producteur de nickel, et plus d’un quart du cuivre mondial — un composant essentiel des veines des économies électriques de demain — provient du Chili. Une action immédiate en faveur du climat va forcément modifier le paysage mondial, autant que les combustibles fossiles définissent notre histoire récente et la géopolitique actuelle.

En outre, les pays en développement font actuellement face à une pandémie et à une myriade d’autres défis socio-économiques, alors qu’on attend toujours d’eux qu’ils s’engagent à décarboniser des sociétés et des économies entières — un objectif que même les pays les plus riches ont du mal à réaliser –.

Malheureusement, sans un soutien sans précédent des économies les plus riches du monde, l’action en faveur du climat demeurera une priorité lointaine dans les régions accablées par des défis systémiques, tels que la pauvreté et l’accès limité aux soins de santé et à l’éducation. Le reste des réunions de haut niveau qui auront lieu cette année — l’Assemblée générale des Nations unies en septembre, le sommet du G20 en octobre et la COP26 en novembre — sont des occasions de reconnaître ces défis et de proposer des solutions. Sinon, les efforts déployés pour réaliser les grandes ambitions de la planète ne feront qu’engendrer de nouvelles tensions, notamment dans les régions qui sont déjà en difficulté, et finiront par entraver les transformations que le monde espère voir se produire.

 

Hafed Al-Ghwell est chercheur principal au Foreign Policy Institute de la John Hopkins University School of Advanced International Studies. Twitter : @HafedAlGhwell

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com