Maintenir l’aide transfrontalière en Syrie, une «question de vie ou de mort»

Un travailleur décharge des sacs et des cartons d'aide humanitaire d'un camion à Idlib, en Syrie, une ville sous le contrôle de l'opposition. (Photo, Reuters/Archives)
Un travailleur décharge des sacs et des cartons d'aide humanitaire d'un camion à Idlib, en Syrie, une ville sous le contrôle de l'opposition. (Photo, Reuters/Archives)
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Publié le Mercredi 07 juillet 2021

Maintenir l’aide transfrontalière en Syrie, une «question de vie ou de mort»

  • Moscou maintient que l'opération d'aide internationale viole la souveraineté syrienne et son intégrité territoriale
  • «Nous réalisons que ce problème est politiquement sensible mais nous présentons un cas purement humanitaire», insiste une diplomate à l'ONU

NEW YORK : A quelques jours de l’échéance du mandat de l'ONU qui permet d’acheminer l’aide humanitaire transfrontalière en Syrie, les projecteurs sont braqués sur la Russie qui pourrait bien se dresser contre les pays occidentaux au Conseil de sécurité dans ce dossier.

«C’est une question de vie ou de mort à bien des égard», insiste la représentante permanente de l'Irlande auprès de l'ONU, Geraldine Byrne Nason. Avec son homologue norvégienne Mona Juul, elle est co-rédactrice du dossier sur la situation humanitaire en Syrie, le titre accordé aux membres du conseil qui dirigent la négociation et la rédaction de résolutions sur une question particulière.

Nason et Juul ont rédigé une résolution pour prolonger le mandat transfrontalier. Elles veulent que le seul couloir d'aide à travers Bab Al-Hawa à la frontière avec la Turquie reste ouvert, et en plus de rouvrir le passage d'Al-Yarubiya à la frontière avec l'Irak.

«Ensemble, nous avons avancé des arguments fondés sur des preuves pendant des mois», déclare Nason aux journalistes au siège de l'ONU à New York, où le Conseil de sécurité s'est réuni à huis clos mardi pour discuter de la question.

«Nous avons parlé à chaque membre du conseil, individuellement et en groupe, et nous avançons bien, je crois. Nous espérons voir un renouvellement réussi plus tard cette semaine».

Juul reconnaît que le débat au sein du Conseil de sécurité sur la question «va s’intensifier davantage» à l'approche du 10 juillet, date à laquelle les membres décideront s'ils autorisent à nouveau l'accès de l'ONU à Bab Al-Hawa.

L'aide transfrontalière, qui s’inscrit dans le cadre d'une action humanitaire internationale massive, fournit une aide inestimable à des millions de Syriens dans le nord-ouest du pays déchiré par la guerre.

Ramesh Rajasingham, sous-Secrétaire général par intérim aux affaires humanitaires de l'ONU, affirme qu’une potentielle rupture de mandat «perturberait l'aide vitale accordée à 3,4 millions de personnes dans le besoin au nord-ouest du pays, et dont des millions comptent parmi les plus vulnérables en Syrie».

Il ajoute qu’une «opération transfrontalière (ponctuelle, NDLR) apporterait un ajout vital à l’aide transfrontalière indispensable, mais elle ne pourrait en aucun cas la remplacer. Même s'ils sont déployés régulièrement, les convois transfrontaliers ne pourraient pas générer le volume et la portée (de la ligne de vie transfrontalière)».

Les opérations transfrontalières font référence aux expéditions internes d'aide acheminées via Damas vers les régions contrôlées par les rebelles, tandis que l'aide transfrontalière est expédiée directement vers ces zones par d'autres pays.

Le Conseil de sécurité a approuvé quatre passages frontaliers lorsque les livraisons d'aide internationale à la Syrie ont commencé en 2014. En janvier 2020, la Russie a utilisé son droit de veto pour forcer la fermeture de tous les passages sauf un. Moscou maintient que l'opération d'aide internationale viole la souveraineté syrienne et son intégrité territoriale.

Vassily Nebenzia, ambassadeur de Russie auprès de l'ONU, soutient que la Syrie a été «libérée», et que toute l'aide destinée au nord devrait donc passer par la capitale, Damas.

Mais les agences d'aide révèlent que l'aide humanitaire livrée à Damas n'atteint pas les zones qui s'opposent au régime de Bachar Assad. Il est accusé de refuser les produits et les services de base, notamment de la nourriture et de l'eau potable, à des millions de Syriens comme instrument de guerre.

Nebenzia, a cependant, imputé la détérioration de la situation humanitaire aux «sanctions économiques illégales de l'Occident et à sa tentative continue d’évincer les autorités judiciaires du pays par l’asphyxie économique».

Lors d'un événement parallèle à l'ONU mardi sur l'aide humanitaire à la Syrie, Linda Thomas-Greenfield, l'ambassadrice américaine auprès de l'organisation, a déclaré : «Rien ne remplace l'aide transfrontalière. Nous n'avons que quatre jours pour nous assurer que cette véritable aide vitale pour les femmes et les enfants ne soit pas arrêtée.

«Et en tant que mère et grand-mère, je ne peux pas imaginer ce que ce serait de ne pas pouvoir fournir de la nourriture, des soins de santé et un abri à mes propres enfants et petits-enfants. Je ne peux pas non plus imaginer ce que cela fait pour nous de ne pas prendre cette décision que nous devons prendre. Et c'est ce que nous devons faire au conseil au cours des trois à quatre prochains jours», déclare la diplomate.

Thomas-Greenfield a imploré les États membres et les agences d'aide d'«impliquer les membres du conseil, à la fois à New York et dans les capitales, pour les inciter à voter pour le renouvellement et à voter pour l'expansion».

Les États-Unis constituent le plus grand donateur humanitaire à la Syrie. Bien que l'administration Biden ait été prudente quand elle a énoncé des objectifs clairs à ce sujet, elle a traité la question humanitaire comme non négociable.

Le maintien du flux d'aide vers la Syrie est l'une des principales demandes faites par le président Joe Biden lors de sa rencontre le mois dernier avec son homologue russe Vladimir Poutine. Le vote imminent au Conseil de sécurité est donc considéré comme un test des efforts de Biden pour apaiser les tensions entre Washington et Moscou, qui sont plus tendues qu'elles ne l'ont été depuis des années.

Jomana Qaddour, membre non-résident du groupe de réflexion sur les affaires internationales du Conseil atlantique, a déclaré à Arab News que Washington n'aborde pas la question humanitaire en Syrie comme une monnaie dans les négociations.

«Bien sûr, ce n'est pas ainsi que Poutine perçoit cette question. Les Russes ont utilisé chaque étape comme plate-forme pour des concessions de la part des alliés américains et européens, en particulier en ce qui concerne des dossiers que Moscou sait qu'ils sont un casse-tête pour l'administration Biden, tels que les sanctions internationales contre le régime syrien, la normalisation des relations avec Damas et l’aide à la reconstruction. Ce sont vraiment les principales priorités de la Russie, et elle va saisir toutes les opportunités pour obtenir des concessions des États-Unis et de l'Europe de manière à réaliser des progrès sur ces fronts», ajoute-t-elle.

De leur côté, Nason et Juul se concentrent sur la question de l'aide.

«Nous réalisons que ce problème est politiquement sensible mais nous présentons un cas purement humanitaire», insiste Nason.

Juul ajoute qu’il «est difficile de croire que nous ne pourrons pas poursuivre cette opération d'aide massive, probablement la plus grande au monde en ce moment, la plus minutieusement scrutée, et la plus organisée».

Qaddour déplore que la vision internationale du conflit syrien soit visiblement réduite à cette focalisation étroite sur la poursuite de l'acheminement de l'aide humanitaire. D'autres questions cruciales, telles que les milliers de détenus et de personnes disparues de force, et le retour des réfugiés, sont totalement ignorés.

«Pour nous tous qui avons travaillé sur l’affaire syrienne, il est incroyablement frustrant de voir toute notre énergie consacrée chaque année à renouveler ce qui, selon moi, devrait être une évidence», se désole-t-elle.

«J'aimerais que ça soit réglé une fois pour toutes, afin que nous puissions réellement nous concentrer sur les causes profondes du conflit syrien qui empêchent le pays et son peuple de vivre une vie normale, stable et paisible, qui leur procure un sens de la justice, et afin qu'ils puissent progresser et reconstruire leur pays».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Tunisie: l'ambassadeur UE convoqué par le président Saied pour «non respect des règles du travail diplomatique» 

Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés. (AFP)
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  • Le président Saied a exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques"
  • L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents

TUNISIE: Le président tunisien Kais Saied a convoqué mardi Giuseppe Perrone, ambassadeur de l'Union européenne, pour "lui exprimer une protestation ferme concernant le non-respect des règles diplomatiques", selon un bref communiqué officiel diffusé mercredi à l'aube qui ne précise pas les faits reprochés.

Le président Saied a également exprimé à son interlocuteur son rejet du "recours à des pratiques en dehors des cadres officiels reconnus par les usages diplomatiques".

Lundi, M. Perrone avait reçu Noureddine Taboubi, chef du principal syndicat tunisien UGTT -- qui a récemment menacé de déclencher une grève générale pour obtenir des hausses salariales -- et avait salué "le rôle important" de l'organisation "en faveur du dialogue social et du développement économique" en Tunisie, selon un communiqué de la délégation européenne à Tunis.

L'UGTT, ancienne co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2015 pour sa contribution à la phase de démocratisation de la Tunisie, après la révolution de 2011 et la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, revendique plus de 700.000 adhérents.

Le diplomate européen avait "réaffirmé sa volonté de poursuivre le dialogue avec l'UGTT et de continuer à soutenir la Tunisie sur les plans social et économique, dans divers secteurs", selon la même source. De son côté, le secrétaire général de l'UGTT avait appelé à renforcer et développer la coopération entre la Tunisie et l'Union européenne.

La semaine passée, M. Taboubi a présidé une réunion de l'UGTT où il a apporté son soutien à différents mouvements de grève en cours dans le secteur privé pour réclamer des augmentations de salaires. Il a salué le succès d'une grève générale ayant eu lieu dans la grande ville de Sfax (centre-est) et menacé d'organiser prochainement une grande grève au niveau national.

"L'organisation se dirige vers une grève générale pour défendre les acquis matériels et sociaux des travailleurs face aux difficultés quotidiennes".

M. Taboubi a dénoncé "une baisse du pouvoir d'achat" des Tunisiens face à "des conditions de vie précaires sur le plan des transports, de la santé et de la maladie", défendant "leur droit syndical à se défendre" afin d'obtenir "un salaire décent qui leur fait défaut actuellement".

Le salaire minimum en Tunisie est d'environ 520 dinars (150 euros) pour 48 heures par semaine. Le taux d'inflation reste très élevé notamment pour les produits alimentaires. Il est récemment revenu à environ 5% après avoir atteint un pic de 10% en 2023.


L'armée israélienne annonce le lancement d'une «vaste opération» dans le nord de la Cisjordanie

L'armée israélienne a annoncé mercredi le lancement d'une "vaste opération" contre des groupes armés palestiniens dans le nord de la Cisjordanie occupée. (AFP)
L'armée israélienne a annoncé mercredi le lancement d'une "vaste opération" contre des groupes armés palestiniens dans le nord de la Cisjordanie occupée. (AFP)
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  • "Pendant la nuit (de mardi à mercredi), les forces [israéliennes] ont commencé à opérer dans le cadre d'une vaste opération antiterroriste dans la région du nord" de la Cisjordanie, indique un communiqué militaire israélien
  • Les forces israéliennes, "ne permettront pas au terrorisme de s'[y] implanter", ajoute l'armée israélienne

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé mercredi le lancement d'une "vaste opération" contre des groupes armés palestiniens dans le nord de la Cisjordanie occupée.

"Pendant la nuit (de mardi à mercredi), les forces [israéliennes] ont commencé à opérer dans le cadre d'une vaste opération antiterroriste dans la région du nord" de la Cisjordanie, indique un communiqué militaire israélien.

Les forces israéliennes, "ne permettront pas au terrorisme de s'[y] implanter", ajoute l'armée israélienne.

Israël occupe la Cisjordanie depuis 1967.

Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne a indiqué qu'il ne s'agissait pas d'un déploiement dans le cadre de son "opération antiterroriste" lancée en janvier 2025 et visant principalement les camps de réfugiés palestiniens de la région, mais d'une "nouvelle opération".

Elle n'a pas fourni plus de détails dans l'immédiat.

Les violences ont explosé en Cisjordanie depuis le début de la guerre à Gaza déclenchée par l'attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023 sur le sud d'Israël.

Depuis le 7-Octobre, plus d'un millier de Palestiniens, parmi lesquels de nombreux combattants, mais aussi beaucoup de civils, y ont été tués par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 43 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.

Les violences n'ont pas cessé en Cisjordanie depuis l'entrée en vigueur de la trêve à Gaza le 10 octobre.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) a recensé en octobre un pic des "attaques de colons ayant causé des victimes, des dommages matériels ou les deux" en près de deux décennies de collecte de données dans ce territoire palestinien.

Le 10 novembre, un Israélien a été tué et trois autres ont été blessés lors d'une attaque au couteau menée par deux Palestiniens rapidement abattus par des soldats près de Bethléem, dans le sud de la Cisjordanie.


Le Conseil de sécurité de l'ONU en Syrie et au Liban la semaine prochaine

 Le Conseil de sécurité de l'ONU se rendra la semaine prochaine en Syrie et au Liban, a indiqué mardi la mission slovène qui présidera le Conseil en décembre. (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU se rendra la semaine prochaine en Syrie et au Liban, a indiqué mardi la mission slovène qui présidera le Conseil en décembre. (AFP)
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  • Alors que l'ONU tente de se réimplanter en Syrie, le Conseil a récemment levé ses sanctions contre le nouveau dirigeant du pays, l'appelant à mettre en oeuvre une transition inclusive
  • Le 5 décembre, le Conseil sera ensuite à Beyrouth, avant de se rendre le lendemain à la rencontre des Casques bleus de la force de maintien de la paix de l'ONU au sud du Liban (Finul), qui doit quitter le pays fin 2027

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU se rendra la semaine prochaine en Syrie et au Liban, a indiqué mardi la mission slovène qui présidera le Conseil en décembre.

Quelques jours avant le premier anniversaire de la chute de l'ancien président syrien Bachar al-Assad, les ambassadeurs des quinze Etats membres doivent se rendre le 4 décembre à Damas où ils devraient rencontrer notamment les nouvelles autorités, dont le président par intérim Ahmad al-Chareh, et des représentants de la société civile, a précisé la mission à des journalistes.

Alors que l'ONU tente de se réimplanter en Syrie, le Conseil a récemment levé ses sanctions contre le nouveau dirigeant du pays, l'appelant à mettre en oeuvre une transition inclusive.

Le 5 décembre, le Conseil sera ensuite à Beyrouth, avant de se rendre le lendemain à la rencontre des Casques bleus de la force de maintien de la paix de l'ONU au sud du Liban (Finul), qui doit quitter le pays fin 2027 après avoir fait tampon entre Israël et le Liban depuis mars 1978.

Ce déplacement intervient alors qu'Israël a poursuivi ses frappes au Liban malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024 pour mettre fin à un conflit avec le mouvement libanais Hezbollah, un allié du groupe islamiste palestinien Hamas.