Le Nigeria à la recherche de millions d'euros du secteur pétrolier disparus

Des Nigérians manifestent contre la hausse des prix du carburant à Lagos, le 18 mai 2016. (Pius Utomi EKPEI / AFP)
Des Nigérians manifestent contre la hausse des prix du carburant à Lagos, le 18 mai 2016. (Pius Utomi EKPEI / AFP)
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Publié le Mercredi 02 septembre 2020

Le Nigeria à la recherche de millions d'euros du secteur pétrolier disparus

  • Chaque année, les entreprises pétrolières internationales doivent verser 3% de leur budget annuel d'investissement à la Commission de développement du Delta du Niger (NDDC), qui bénéficie aussi d'une contribution de l'Etat fédéral
  • Pour la seule année 2020, 81 milliards de naira (180 millions d'euros), soit environ un quart de son budget, sont suspectés avoir été détournés des caisses de la NDDC, par des responsables ou des contractants

WARRI : Des enquêteurs pistent des millions d'euros disparus des caisses de l'organisme fédéral nigérian chargé du développement de la région pétrolifère du Delta du Niger et accusé d'être depuis longtemps, à l'instar de l'opaque secteur pétrolier du pays, rongé par la corruption et la gabegie.

Chaque année, les entreprises pétrolières internationales doivent verser 3% de leur budget annuel d'investissement à la Commission de développement du Delta du Niger (NDDC), qui bénéficie aussi d'une contribution de l'Etat fédéral.

Au total ce sont des centaines de millions d'euros qui entrent dans les caisses de la NDDC, destinés à financer des projets de développement ou des bourses d'études pour les neuf Etats nigérians du Delta du Niger.

Mais une enquête parlementaire a récemment révélé que seule une infime partie des quelque 12.000 projets lancés par la NDDC depuis sa création en 2000, avait été menée à bien.

Pour la seule année 2020, 81 milliards de naira (180 millions d'euros), soit environ un quart de son budget, sont suspectés avoir été détournés des caisses de la NDDC, par des responsables ou des contractants.

Une partie des sommes est supposée avoir financé notamment des billets d'avion et des sessions de formation, au moment même où l'espace aérien du pays était fermé en raison de la crise liée au nouveau coronavirus

Le gouvernement nigérian a chargé fin août le cabinet Ernst&Young des vérifications des comptes de la Commission de 2001 à 2019, ordonnées en octobre dernier par le président nigérian Muhammadu Buhari.

"Nous allons savoir quelle somme d'argent a réellement été investie dans la région ces 19 dernières années et si ce que nous avons reçu jusqu'à présent correspond bien à l'argent injecté dans la NDDC", a expliqué le ministre chargé du Delta du Niger au sein du gouvernement fédéral, Godswill Akpabio - lui même visé par une enquête parlementaire ouverte parallèlement sur l'actuelle gestion de la NDDC.

Projets fantômes

En juillet, le directeur général de la NDDC, Daniel Pondei, s'était évanoui lors de son audition par la commission d'enquête parlementaire.

Bien que ses immenses réserves de pétrole et de gaz en fasse le pourvoyeur de la principale source de richesse du Nigeria, la région du Delta du Niger demeure pauvre et sous développée.

Misère et pollution due à l'exploitation pétrolière ont fait émerger des groupes armés dans la région au début des années 2000: violences, sabotages d'infrastructures, enlèvements, attaques de compagnies pétrolières avaient fait baisser d'un tiers la production de pétrole, affectant les revenus de l’Etat.

Premier producteur et exportateur de pétrole en Afrique, le Nigeria tire du pétrole la grande majorité de ses recettes budgétaires et plus de 90% de ses ressources en devises.

Pourtant, dans le Sud de l’Etat de Bayelsa, le paysage est jalonné par les projets avortés de la NDDC.

Les travaux de construction d'une digue, débutés en 2010, n'ont jamais abouti. Des chantiers routiers vers des communautés isolés sont à l'abandon.

Quant au projet de route de 8 km vers Ogbia, circonscription de l'ex-président Goodluck Jonathan, dont l'appel d'offres a été remporté en 2013 par le cousin de l'ancien chef de l'Etat, il n'a jamais vu le jour.

Les chefs communautaires se plaignent de ce que les entrepreneurs, souvent originaires de la région, abandonnent les chantiers dès qu'ils ont perçu les sommes faramineuses de la NDDC.

"Je ne vois aucun projet de la NDDC mené à terme dans cette communauté, même si un grand nombre ont été lancés ici", explique à l'AFP l'un d'eux, Duateki Oriango-Oruwari, en partageant la frustration des habitants des berges du fleuve Niger qui "subissent au quotidien l'érosion côtière".

"Les yeux sur la caisse"

Pour un autre, Alex Ekiyor, le "plus déprimant, c'est de savoir que lorsqu'un marché public est attribué à un enfant de la région, celui-ci ne pense qu'à son intérêt personnel".

Certains contractants affirment que si les chantiers sont abandonnés c'est qu'ils n'ont pas été payés par la NDDC.

Azibaola Robert, le cousin de l'ex-président Jonathan, affirme que la NDDC lui doit toujours plus de 1,25 million d'euros et promet: "Quand cet argent sera versé, nous reprendrons le chantier et le projet sera mené à terme".

L'entrepreneur accuse aussi certaines populations locales d'entraver les travaux: "Les habitants d'une communauté locale ont saisi nos machines alors que nous draguions le sable d'une rivière et nous ont demandé de les employer ou de leur verser de l'argent".

Pour que l'enquête sur la NDDC ait un sens, les observateurs du secteur estiment que les autorités doivent cesser les nominations basés sur le copinage au sein de la Commission.

Ceux qui sont nommés "voient leur nomination comme un dédommagement non comme un appel à servir" et "prennent leurs fonctions les yeux sur la caisse", écrivait récemment Shaka Momodu dans le quotidien indépendant This Day.

Cet éditorialiste soutient que les compagnies pétrolières qui financent la NDDC devraient siéger au Conseil d'administration et trouve "déconcertant" qu'elles "continuent de regarder ailleurs malgré tout ce pillage et cette corruption".


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".