DJEDDAH : Les Tunisiens ont appuyé le président Kaïs Saïed mardi après qu’il ait déclaré aux principaux groupes de la société civile que l’état d'urgence est temporaire, et qu’il compte «protéger la voie démocratique».
Saïed s'est engagé à ce que «les libertés et les droits des Tunisiens ne soient affectés d'aucune façon», assure Sami Tahri, un responsable du puissant syndicat UGTT.
Des milliers de personnes sont sorties célébrer dans les rues après que Saïed ait limogé le gouvernement, notamment le Premier ministre Hichem Mechichi et les ministres de la Justice et de la Défense. Il a également suspendu le Parlement dominé par son chef, Rached Ghannouchi, également chef du parti islamiste Ennahda.
Dans les rues de Tunis, nombreux sont ceux qui applaudissent les décisions du président. Najet Ben Gharbia, une infirmière de 47 ans, confie qu'elle attend «depuis longtemps» ce moment. Une décennie après que les Tunisiens ont évincé le dictateur Zine El Abidine Ben Ali, beaucoup de gens restent en difficulté.
«La pauvreté extrême subsiste», explique Ben Gharbia. Il décrit l'inflation qui a miné la valeur des revenus, ce qui rend la viande trop chère. «Les gens sont malheureux», se désole-t-il.
«Kaïs Saïed est un enseignant, pas un politicien, il est comme nous. Nous sommes sûrs de lui, il n'est pas comme Ben Ali, ce n'est pas un dictateur».
Chez Mounir Mabrouk, 50 ans, même son de cloche. «Les actions du président sont dans notre intérêt. Les partis politiques n'ont rien fait d'autre que vendre nos biens à des étrangers et à des élites fortunées».
Le chauffeur de taxi Hosni Mkhali, 47 ans, insiste que des mesures soient prises, en particulier pour maîtriser les cas de coronavirus, au moment où la Tunisie est aux prises avec l'un des pires taux de mortalité enregistrés au monde. «Tous les Tunisiens sont dégoûtés», a-t-il ajouté. «C'était le meilleur moment pour agir».
Les analystes imputent fermement la responsabilité des agitations à Ennahda, le parti islamiste dirigé par Ghannouchi.
Ammar Aziz, rédacteur en chef associé à la chaine de télévision Al Arabiya, s’est entretenu avec Arab News à ce sujet. «Avec Ennahda qui contrôle le Parlement et le gouvernement, tout s'est tout simplement effondré, de la sécurité à l'économie. Il en va de même pour le système de transport du pays et les institutions de santé publique. Tous les Tunisiens ont remarqué la détérioration et c'est pour cette raison que nous avons vu les manifestations dans différentes villes le 25 juillet», explique-t-il.
Dans une tribune aujourd'hui dans Arab News, Sir John Jenkins, chercheur principal à Policy Exchange et ancien diplomate britannique de premier plan, estime que les motivations de Ghannouchi sont discutables.
«Bien que Ghannouchi ait prétendument séparé les ailes politique et sociale et théologique d'Ennahda en 2016, rien ne confirme à ce jour qu'il ne partage pas l'objectif ultime des Frères musulmans, celui d'un État islamisé».
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com