Comment le prochain président des États-Unis peut limiter les ambitions hégémoniques de l’Iran

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Publié le Lundi 07 septembre 2020

Comment le prochain président des États-Unis peut limiter les ambitions hégémoniques de l’Iran

Comment le prochain président des États-Unis peut limiter les ambitions hégémoniques de l’Iran
  • Il est énoncé dans le préambule de l’accord sur le nucléaire que l’ensemble des signataires « anticipent que le respect intégral de ce PAGC contribuera positivement à la paix et la sécurité régionales et internationales »
  • L’Iran est actuellement soumise à d’importantes pressions économiques et politiques et, si Biden est élu, il a une chance de ramener Téhéran à la table des négociations

Toute politique que les États-Unis adopteront vis-à-vis de l’Iran aura des répercussions majeures non seulement pour les clercs au pouvoir, mais aussi pour la région au sens large.

Si le candidat démocrate à la présidence, Joe Biden, remporte les élections de 2020 le 3 novembre, il devrait apprendre des erreurs du passé et ne pas simplement répéter la politique d’apaisement de l’administration Obama envers le régime. Cela signifie que, plutôt que de revenir aveuglément à l'accord nucléaire du Plan d'action global commun (PAGC), l'ancien vice-président doit renégocier un nouvel accord.

S’il est élu, Biden aura une occasion en or de combler les lacunes fondamentales du PAGC. La composition de l’équipe de négociation à l’époque de Barack Obama excluait complètement ceux qui se trouvaient à la porte de l’Iran, avec une politique définie par des gouvernements à des milliers de kilomètres de distance, dans une approche qui rappelle une époque coloniale révolue. Il est désormais clair que le financement des alliés violents, tels que le Hezbollah, le Hamas et les Houthis, a été entièrement négligé comme il ne l’aurait jamais été si les États du Golfe avaient été présents aux négociations. En fait, le PAGC a libéré des fonds supplémentaires que le régime iranien utilisait pour financer ces groupes dans des volumes toujours plus importants.

Il est énoncé dans le préambule de l’accord sur le nucléaire que l’ensemble des signataires « anticipent que le respect intégral de ce PAGC contribuera positivement à la paix et la sécurité régionales et internationales ». Lorsque l’accord a été finalisé, Obama a déclaré qu'il était « confiant », qu'il « répondrait aux besoins de sécurité nationale des États-Unis et de nos alliés ». Cependant, comme nous le voyons aujourd’hui, ce n'est pas le cas. La communauté internationale a été témoin d'une plus grande propension aux lancements de roquettes houthies sur des cibles civiles en Arabie Saoudite, au déploiement de fantassins du Hezbollah en Syrie et à une violence constante de la part des milices financées par l'Iran. Par ces seules mesures, l'accord de l'époque Obama avec l'Iran a manifestement échoué.

L’Iran est actuellement soumise à d’importantes pressions économiques et politiques et, si Biden est élu, il a une chance de ramener Téhéran à la table des négociations. Mais les puissances régionales devraient également être invitées à participer à de tels pourparlers. Ceux qui siègent dans les grandes villes du Golfe sont préoccupés par la capacité de Téhéran à mener une guerre indirecte via son réseau d’alliés bien financés, et par la menace posée par son programme de missiles balistiques. Par exemple, l’attaque de septembre dernier contre une installation d’Aramco à Abqaiq, en Arabie Saoudite, a mis en lumière la menace très réelle qui pèse sur le fonctionnement quotidien des économies et de la vie civile des pays du Golfe. Bien qu’elle se soit certainement accélérée ces derniers temps, il ne s’agit en aucun cas d’une évolution nouvelle, les voisins de l’Iran vivant avec cette menace constante depuis de nombreuses années.

Ceux qui siègent dans les grandes villes du Golfe sont préoccupés par la capacité de Téhéran à mener une guerre indirecte.

Dr. Majid Rafizadeh

Biden doit comprendre que l’exclusion d’autres États de la région est la raison principale pour laquelle le PAGC a échoué à freiner l’expansion des alliés et des programmes de missiles de l’Iran. Si vous avez une équipe de négociation ne comprenant aucun acteur du Moyen-Orient, il n'est pas surprenant qu'un accord qui ne tienne pas compte de leurs intérêts émerge. Pour les États du Golfe, la peur des missiles — qu’ils soient lancés par les Houthis au Yémen ou à l’intérieur de l’Iran lui-même — est en tête de leur liste de préoccupations. Par conséquent, il est primordial que le programme de missiles balistiques de l’Iran, qui est un pilier central de la politique étrangère du régime et qui semble lié au programme nucléaire, soit également limité.

En revanche, si le président Donald Trump est réélu pour un second mandat, il devrait rendre la politique de pression maximale multilatérale plutôt qu'unilatérale. Une politique iranienne unilatérale a forcément ses limites. Les sanctions de Trump ont touché la plupart des grandes industries iraniennes, y compris celles du pétrole, du transport maritime, ainsi que le secteur bancaire, tandis que les relations commerciales avec toutes les entités sur la liste noire sont également interdites, selon le ministère de la Justice. Mais, comme nous l'avons vu le mois dernier, les puissances européennes se sont rangées du côté de l'Iran concernant la levée de l'embargo sur les armes et ont empêché la réimposition de sanctions internationales contre Téhéran.

L’administration Trump devrait investir un capital politique important dans une campagne d’initiatives diplomatiques dans le but de ranger de nouveau l'UE de son côté lorsqu'elle affrontera le régime iranien. Malheureusement, Téhéran profite de la désunion et du profond fossé entre les politiques européenne et américaine. Si cet écart n'est pas comblé, nous observerons probablement des comportements plus destructeurs, y compris des assassinats et des attentats à la bombe dans les mois et les années à venir. Un front uni, comprenant des sanctions conjointes, enverrait un message clair et engendrerait une mainmise économique qui forcerait les dirigeants théocratiques de l'Iran à se concentrer sur leur programme national.

En résumé, une politique bien affirmée envers le régime iranien —qui que soit le vainqueur des élections présidentielles américaines en novembre — doit freiner le programme nucléaire de Téhéran afin d’atteindre l’objectif plus large consistant à limiter ses ambitions régionales.

Dr. Majid Rafizadeh est un politologue irano-américain formé à Harvard.

Twitter : @Dr_Rafizadeh

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com